I-1.2.2. La question du chômage

La littérature scientifique propose également de nombreux travaux réalisés sur la question des liens entre chômage et problèmes de santé (Bungener & Pierret, 1994 ; Jin, Shah & Svoboda, 1995 ; Graetz, 1993 ; Lazarfeld, Jahoda & Zeisel, 1981 ; Mayer & Roy, 1991 ; Turner, 1995). Cette abondance s’explique par la place centrale accordée alors à l’insertion par le travail et l’avènement d’un chômage de masse. En outre, les rapports entre chômage et santé psychologique ont été particulièrement étudiés (Burchell, 1994 ; Hammer, 1993 ; Warr, Jackson & Banks, 1988), mais ils sont apparus insuffisants pour expliquer l’ensemble des variations qui affectent l’état de santé des ces populations (Kessler, 1982 ; Marmot & Smith, 1997). Verhaegen, Deykin & Sand (1994)constatent que les chômeurs seraient plus dépressifs. La situation sociale d’exclusion du chômage peut avoir un effet destructeur sur la santé, dont les atteintes physiques sont aggravées avec la longévité du chômage. Le chômage peut également générer de la souffrance psychique, résultant d’une contradiction que vit le sujet, entre ce qu’il était et ce qu’il n’est plus. Cette souffrance est aggravée par l’incertitude de l’avenir et de la sécurité d’un nouvel emploi. Le chômage de longue durée déconstruit et désocialise l’individu pris dans la contradiction entre la possibilité de conserver un statut social et la perte objective d’une identité professionnelle (Gollac & Volkoff, 2000). De plus, même après le chômage, l’incertitude sur l’avenir restera (Mantler, Matheson, Matejicek & Anisman, 2005). Licenciement et chômage sont deux événements de vie qui ne manqueront pas de modifier durablement le rapport que l’individu entretient avec son travail, ses conditions de réalisation, en le rendant plus sensibles à ses pénibilités. La peur du chômage a ainsi, pour Askenazy (2005), un double effet : il affaiblit les défenses de métier et facilite l’objectivation des questions de santé liées au travail ; mais il contraint davantage à accepter de mauvaises conditions de travail. Ensuite, De plus, après la perte d’emploi, des problèmes de santé apparaissent fréquemment dans les années qui suivent (Bungener & Pierret, 1994 ; Derriennic & al., 1996). Source de perturbations pour les sujets, « la perte d’emploi bouleverse, de façon passagère ou durable, pour partie ou dans leur ensemble, les activités des sujets. Non seulement celles qu’ils réalisent effectivement mais aussi les représentations qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur devenir », (Le Blanc & Hajjar, 2000, p. 349). Ainsi, « la santé apparaîtrait comme le pont entre vie au travail et hors travail » (Dessors, Schram & Volkoff, 1990). Si l’on suit ce raisonnement, à savoir que la précarité a des conséquences considérables sur la santé physique et psychique, on peut penser que ces conséquences elles-mêmes constituent un obstacle à la réintégration dans le monde du travail. Ainsi, les rapports qui s’établissent entre la précarité et la santé sont réciproques.