I-1.3. Les conséquences sur la santé

Toutes les évolutions que nous avons citées ont participé à ébranler les formes de régulation et de préservation de soi, élaborées auparavant à travers le métier et en appui avec les collectifs de travail (Debout & al., 2009). Les nouvelles organisations du travail ont des effets sur la santé des salariés. D’une part, elles sont des atteintes directes à l’intégrité physique des travailleurs par les risques physico-chimiques. D’autre part, elles entraînent l’hyper-sollicitation des travailleurs dans leur tâche, (enquêtes sur les « Conditions de Travail » de 1998 et 2005) et peuvent porter également atteinte à la dignité et à l’estime de soi (Davezies, 1999 ; Neboit & Vézina, 2007). Les enquêtes témoignent de l’évolution des atteintes du travail sur la santé et, ces dernières années, de l’impact des facteurs psychosociaux. Gollac & Volkoff (2006) notent que « si les pénibilités mentales sont bien présentes, les pénibilités physiques ne reculent pas » (p. 13). De plus, la dernière enquête sur les conditions de travail de la Fondation de Dublin (Parent-Thirion, Fernández Macías, Hurley & Vermeylen, 2007) souligne qu’un tiers des salariés européens déclarent que leur travail met en danger leur santé. Les statistiques témoignent également d’un maintien des inégalités sociales de la santé, voire d’une aggravation. Ces inégalités peuvent être liées à l’âge, au sexe ainsi qu’au groupe professionnel.

Tout d’abord, en augmentant les sollicitations physiques et psychiques dans le travail, les contraintes de temps poussent l’individu à mobiliser un effort constant pour répondre aux exigences de son travail (Cloutier & al., 1998). De plus, les modes de gestion du temps de travail associés à la pénibilité et à la répétitivité de certaines activités semblent contribuer à une dégradation rapide de l’état de santé (Gollac & Volkoff, 1996, 2000 ; Prunier-Poulmaire & Gadbois, 1999). Les contraintes de temps peuvent être à l’origine de troubles de santé tels que des douleurs articulaires, des troubles du sommeil et une sensation de nervosité (Molinié & Volkoff, 2000). Les horaires exercés par les travailleurs, dans certains secteurs spécifiques, ont parfois des effets sur leur qualité de vie et leur santé. On note un effet encore plus significatif de ces contraintes sur les travailleurs et travailleuses vieillissants. Plus sensibles à la présence de ces contraintes (David, Volkoff, Cloutier & Derriennic, 2001), ils parviennent difficilement à cumuler les facteurs de pénibilité du travail qui s'ajoutent aux contraintes de temps. Celles-ci peuvent favoriser l'apparition de certains types de lésions professionnelles, de la fatigue et du stress. De surcroît, elles peuvent s’avérer de réels risques pour les travailleurs âgés en les empêchant d'utiliser des stratégies protectrices développées au fil de leur expérience de travail (Avila-Assunçao, 1998 ; Cloutier, 1994 ; Cloutier & al., 1998; Gaudart & Laville, 1995; Millanvoye & Colombel, 1996; Pueyo, 1998). Ainsi, elle participent aux mécanismes d’exclusion de ces travailleurs (David & al., 2001). Enfin, les contraintes de temps, peu respectueuses des rythmes personnels, peuvent favoriser la consommation de psychotropes et celle-ci augmente en fonction de l'âge (Derriennic & al., 1996). On observe également un phénomène d’usure lié à ces contraintes par l’augmentation des troubles musculo-squelettiques avec l’ancienneté (Bellemare, Cloutier, Chicoine & Lechasseur, 1998 ; de Zwart, 1997). Guilho-Bailly (1998) pense, qu’à l’extrême, cette pression temporelle peut conduire à des décompensations psychiques, des formes pathologiques de souffrance psychique, telles que la relation addictive induite au travail, des troubles identitaires et un vécu de persécution. Par ailleurs, cette pression temporelle peut également fragiliser les collectifs de travail en provoquant et en entretenant l’isolement relationnel, le repli sur soi et la perte des liens au travail (Ibid.).