I-2.1. De la maladie mentale à la santé

Comment, à partir de la maladie mentale, première catégorie qui a permis de penser les rapports santé-travail, puis de la souffrance et du stress, s’est peu à peu construit un nouvel objet pour penser ces rapports-là et comment, du même coup, les institutions se sont-elles approprié cet objet en donnant aux organisations un cadre pour les contenir et les prévenir ? Plus qu’une évolution sémantique, c’est véritablement une évolution du sens donné aux rapports entre les contraintes de travail et la santé psychique. Les courants auxquels se réfère la psychologie du travail s’introduisent dans les espaces professionnels pour produire du changement dans la qualité de la vie psychique au travail. Plus récemment, l’intérêt porté par la pratique au champ des risques psychosociaux associés au travail ouvre sur de nouveaux modes d’intervention en organisation. Cette notion a certes le mérite d’englober un certain nombre de risques et de troubles, mais elle réduit largement la complexité des processus qui unissent les sphères du travail et de la santé.

De manière générale, la littérature scientifique qui traite de la question des rapports entre travail et santé, fait apparaître la place centrale que tient le travail dans la construction ou la dégradation de la santé. En tant qu’activité sociale, il est « le champ ou se joue la construction de soi » (Debout & al.,2009, p. 9). Mais, dans de nombreux travaux, la problématique santé et travail est très souvent traitée à travers les effets potentiellement négatifs du travail pour la santé somato-psychique (Lhuilier & al., 2007). Ainsi, on trouve deux visions contradictoires du travail, celui qui devient « pathogène » pour le sujet, et celui qui lui est « salutaire ». Dans la première conception, le travail joue un rôle dans les vécus de plaisir et la construction identitaire ; dans la seconde, il peut donner lieu à des maladies mentales, des souffrances et du stress. C’est par la maladie mentale et à partir du courant de la psychopathologie du travail que les rapports qui s’établissent entre le travail et la santé ont d’abord été expliqués. La clinique de l’activité a permis d’engager une autre réflexion en parlant non plus de maladie mentale, ni de normalité (Dejours, 1980) mais de santé (Clot, 2008). Clot & Litim (2008) écrit d’ailleurs : « on peut considérer qu’activité et santé sont synonymes » (p. 102), à condition que le sujet, engagé dans l’activité, soit capable d’être à l’origine de ses actes, des liens qui les unissent et d’en porter la responsabilité (Canguilhem, 2002). L’activité pousse le sujet à se déterminer.