I-2.1.3.2. Le concept de coping

Le concept de coping a été introduit par les travaux de Lazarus & Launier (1978) pour désigner les stratégies construites par les individus pour faire face, rendre tolérable les tensions et s’ajuster aux situations menaçantes et stressantes. Folkman & Lazarus (1980) parlent des efforts cognitifs et comportementaux que réalisent l’individu pour maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent ses ressources. A partir de là, les réactions de stress ont été considérées sous l’angle de l’effort mis en œuvre par l’individu pour répondre. Le coping devient véritablement un élément modérateur de la relation qui s’établit entre un événement stressant et la détresse émotionnelle qui en résulte (Lazarus & Folkman, 1988). Il aurait deux fonctions majeures en tant que stratégie d’ajustement : une fonction de résolution du problème et de maîtrise de la détresse émotionnelle (Folkman & Lazarus, 1980).

Par ailleurs, l’article de Mariage (2001), dans son étude sur les conduites d’adaptation utilisées par les ouvrières de la couture pour répondre au stress professionnel, dégage cinq catégories de mécanismes de régulation du stress : le retrait émotionnel; l’intellectualisation du problème ; le comportement d’action pour compenser le retournement de pulsions agressives contre soi ; le fantamse pour rendre possible par l’imaginaire les désirs de la personne et ainsi diminuer la charge agressive et la tension psychique interne ; et les réactions somatiques. Face aux exigences de l’activité, obligeant les couturières à respecter les normes de production et les pressions temporelles, il s’avère que les marges d’ajustement au stress et les possibilités de développer des stratégies sont réduites. Malgré tout, elles inventent des solutions pour faire face. Ces astuces ne permettent pas d’écarter entièrement les effets somatiques et psychiques de l’intensification du travail. Cette pression exige un double effort, celui de répondre à la cadence et celui de consentir à refouler sa propre activité (Clot, 1998).L’étude met également en évidence que s’il existe une relation entre la personnalité et les stratégies de coping, on ne peut conclure qu’elle ne peut rendre compte à elle seule de ce que font les individus dans une situation stressante. Mantler & al. (2005) ont également dégagé différents types de coping mis en œuvre par les salariés et les chômeurs, selon qu’il est centré sur le problème ou sur l’émotion. Ils conluent que le fait d’éprouver un niveau de stress élevé est associé à l’incertitude liée à l’emploi et implique des stratégies centrées sur les émotions. Celles-ci peuvent se manifester dans des ruminations, des reproches envers les autres ou envers soi-même. Enfin, parmi les approches du stress professionnel, les recherches ont souligné la place qu’occupe le soutien social dans les processus de régulation des situations de travail. Il est un élément qui participe des formes de coping. Enfin, Lancry (2007) explique comment l’incertitude peut constituer un facteur de stress et, en même temps, déterminer le type de coping.

Dans la perspective transactionnelle, les liens santé et travail se fondent sur la relation négociée entre l’individu, ses capacités, son autonomie et ses attentes, et le contexte de travail, les exigences qu’il impose, les ressources qu’il met à disposition. L’action individuelle se règle en fonction des contraintes professionnelles ; l’individu s’efforce, seul ou avec d’autres, de réguler les effets de ses faiblesses ou limites sur son activité et de réguler les effets des contraintes de son activité sur sa santé. Le stress est une manifestation, un état de tensions psychologiques et physiologiques, une réaction éprouvée par et dans le corps et fait partie intégrante de la situation de travail. Néanmoins, nous pensons que les contradictions vécues par les travailleurs dans l’exercice concret de leurs tâches peuvent être vécues et désignées comme des sources de stress, et nourrir ainsi une interprétation psychologique, tendant à exclure la contribution de l’organisation dans ce processus. Cette approche du stress professionnel montre que ce n’est pas le niveau de contrainte qui fait le stress mais la perte de sa capacité d’agir et de réagir qui s’exprime ici dans l’autonomie et le soutien social. Ce modèle ne prend néanmoins pas en compte l’autonomie excessive de certaines situations de travail et ne questionne pas la maîtrise de l’activité. Enfin, l’absence de sollicitation peut aussi être un facteur de stress. Si l’on essaie de recouper les différentes approches des liens travail et santé, on peut penser que le stress se rapproche en quelque sorte du désœuvrement que décrit Clot (2008) lorsque l’individu est amputé de son pouvoir d’agir sur son milieu, et de la souffrance décrite par Dejours (1980) lorsque l’individu ne peut plus se défendre des situations de travail auxquelles il est soumis. C’est la rupture des liens de coopération qui favorise le développement de la souffrance, comme l’absence de soutien social. Néanmoins, nous ne pouvons substituer le stress au désœuvrement ou à la souffrance : ils renvoient tous deux à des vécus affectifs alors que le stress est conçu comme une réaction individuelle émotionnelle plus ou moins durable.

D’autres travaux (Aubert & Pagès, 1989 ; Buscatto, Loriol & Weller, 2008 ; Hanique, 2008 ; Pagès, Bonetti, de Gaulejac & Descendre, 1979) ont donné une nouvelle approche à la question du stress au travail qu’il est important de considérer. Ces travaux se centrent davantage sur l’organisation que sur le travail et mettent en évidence les influences réciproques entre les transformations des pratiques managériales et des outils de gestion d’une part, et leurs effets psychiques et intrapsychiques sur les individus d’autre part (Aubert & de Gaulejac, 1991). Cette perspective renonce à une vision individuelle du stress et le conçoit comme un « processus interactif dynamique, système complexe aux variables à la fois multiples et interdépendantes » (Hanique, 2008). Cette approche conduit à s’intéresser, non plus aux travailleurs eux-mêmes, mais aux situations de travail et ce qu’elles génèrent. Si le stress est aujourd’hui un des risques psychosociaux les plus répandus dans le champ professionnel, n’oublions pas qu’il est aussi une forme particulière pour signifier d’autres vécus, insatisfactions, un discours sur les différentes formes de malaise que connaissent les individus et les collectifs (Buscatto & al., 2008). Il peut constituer l’expression d’un malaise social, au-delà de l’individu en situation.