I-2.1.4.2. L’activité comme création de liens

Alors que nous ne trouvons guère de définitions de la santé qui contiennent en elles l’ensemble des réalités qui la traversent, le courant de la clinique de l’activité associe la santé à l’activité (Clot, 2008 ; Clot & Litim, 2008). Dans les sociétés contemporaines, et alors même qu’il est à l’origine de maladies de plus en plus nombreuses et reconnues, « le travail est toujours plus vital pour la santé » (Clot, 2006, p. 166). Pourquoi ? Parce qu’une part certaine de salariés, qui nourrit l’espoir de se construire au-delà de l’espace affectif, exige de leur travail qu’il vienne « éponger le reste de leur vie » (Ibid., p. 166) : aujourd’hui, ces salariés n’espèrent pas seulement survivre dans un contexte, mais pouvoir produire du contexte pour vivre. Lorsque l’activité rend possible cette création, alors elle devient la santé. A ce moment-là, elle permet au sujet de développer sa capacité « de porter la responsabilité de [ses] actes, de porter des choses à l’existence et de créer entre les choses des rapports qui ne leur viendraient pas sans [lui]   » (Canguilhem, 2002, p. 68). C’est lorsque les choses se mettent à avoir des rapports entre elles indépendamment du sujet que le travail devient indéfendable (Clot, 2006). La santé fait donc référence à la création, c’est-à-dire à la capacité de créer du milieu pour vivre et non pas seulement de vivre dans un milieu. L’activité permet cette création et elle est un conflit moteur d’engagement subjectif vital pour la santé. Enfin, elle permet la santé lorsqu’elle est « médiatisante » (Clot & Litim, 2008, p. 103), c’est-à-dire lorsqu’elle crée du lien entre les objets du monde, lorsqu’elle crée du contexte, des rapports, lorsqu’elle est liante et engageante. C’est quand elle n’est plus « médiatisante » qu’elle devient un risque pour la santé physique et psychique. Mais il est nécessaire, pour que la santé advienne, pour que l’individu soit capable de porter à l’existence des liens entre les choses qui n’existeraient pas sans lui, qu’il existe dans un collectif et que le collectif existe en lui. Le collectif est le lieu où le métier vit car c’est à travers la « dispute » (2008, p. 261) professionnelle que le travail trouve sa vitalité. La dispute permet de repousser les limites du métier et se distingue de la querelle entre personnes, laquelle naît lorsque la dispute de métier cesse, c’est-à-dire quand le métier n’est plus un objet de controverse entre les professionnels.