I-2.2.2.3. Activité, mémoire collective et santé

Activité, mémoire et santé ont été associées par le courant de la clinique de l’activité. L’élément qui sous-tend cette association est le collectif de travail. En effet, le collectif conserve une fonction pour le sujet lorsqu’il lui permet de faire face à la situation de travail en développant son pouvoir d’agir personnel (Clot, 2008). Sujet et collectif son interdépendants. Ici, le collectif n’est pas une collection d’individus réunis par la tâche. Il est une communauté d’action et de pensée. Il contient l’histoire d’un métier agi dans un milieu singulier, qui règle l’action individuelle. Le collectif est l’instance de médiation entre l'individu et la situation de travail. Le genre professionnel auquel il appartient lui procure le pouvoir « de se déprendre de ce que ses activités sociales représentent pour lui et pour les autres » (Clot, 1998, p. 160). Il prépare l’individu non seulement à supporter le choc du réel mais à transformer le déplaisir qu’il y a toujours de se sentir à découvert en plaisir de la découverte (Clot, 2004b). Dans cette perspective, l’une des méthodologies d’intervention de la clinique de l’activité consiste à pratiquer des « auto-confrontations croisées » (Clot, 2004a, p. 27). Il s’agit « de demander à des professionnels différents de commenter […] des images vidéos de l’activité d’un collègue avant que celle-ci ne commente les siennes » (Ibid.). Elles engagent des échanges réciproques sur les gestes ordinaires qui orchestrent l’activité. Clot (2004a) les définit comme des « artefacts méthodologiques » (p. 27), comme objets à transformer ensemble et comme instruments de développement pour l’activité. Cet outil, qui permet aux actions d’être décrites et examinées, est conçu comme « un moyen détourné pour remettre le travail sur le métier » (Ibid.) et restaurer la fonction psychologique du collectif dans l’activité individuelle.

On peut penser que, dans cet espace collectif, vont s’inscrire d’autres processus participant à la santé au travail, d’autres que ceux qui portent spécifiquement sur la réalisation, dans le réel, de l’activité, et dans lequel vont circuler toutes sortes de pratiques et de croyances relatives à la santé. Si le collectif joue un rôle dans l’identité et la reconnaissance (Dejours, 1980), si le soutien social est un élément qui participe à réguler l’impact des contraintes professionnelles sur la santé, et si le collectif a une fonction psychique pour l’individu (Clot, 1999a), on peut se demander quel rôle peut-il jouer dans le processus d’intervention en matière de prévention de la santé psychique au travail. Il a sans aucun doute, une place centrale dans la mise en place de changements dans l’organisation. D’ailleurs, la clinique de l’activité, comme la psychodynamique du travail, s’appuient sur cette ressource pour intervenir. Le collectif procure le soutien nécessaire aux individus pour travailler et leur donne une place et le sentiment de participer à une œuvre collective. Les interventions doivent tendre à favoriser un soutien social et la réalisation du collectif de travail. Parfois, l’appel à une intervention extérieure à l’organisation peut permettre de rassembler les conditions du soutien.