I-3.3.3.2. La définition d’un cadre d’intervention pertinent

On peut énumérer la plupart de conditions pouvant soutenir l’efficacité d’interventions. Ainsi, pour prévenir efficacement les problèmes de stress notamment, il est nécessaire de construire une approche de gestion des risques (Cox, Griffiths, Barlow, Randall, Thomson & Rial-Gonzalez, 2000). Celle-ci doit débuter par l’identification des problèmes et de leurs conséquences, se poursuivre par des tentatives de diminution des risques à la source en agissant sur l’organisation du travail et finalement déboucher sur l’évaluation des actions entreprises afin de déterminer leur impact sur les risques (Cox, Randall & Griffiths, 2002). L’action de prévention doit s’appuyer préalablement sur une réflexion sur les déterminants du bien-être au travail afin de réduire les conséquences des risques potentiels (Warner, 1992). Ainsi, l’approche qui semble la plus efficace pour prévenir les problèmes de santé psychique au travail consiste à poser un diagnostic en précisant les facteurs perçus par les salariés comme étant les plus pathogènes selon eux (Clarke & Cooper, 2000). De nombreuses études réalisées sur le stress au travail recourent ainsi à des modèles tels que celui de Karasek (1979), de Siegrist (1996) ou encore de Cooper & Marshall (1976). Ils permettent de mesurer les caractéristiques professionnelles qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé psychique et sont une aide précieuse pour orienter le changement (Harvey & al., 2006). Dans cette perspective, Bond, Flaxman & Loivette (2006) ont mis en évidence que les interventions visant à diminuer certaines des six sources du stress (HSE) (les demandes, le contrôle, le soutien, les relations, les rôles et le soutien lors de changement) obtiennent des impacts positifs au plan des indicateurs de gestion c’est-à-dire sur l’absentéisme, la productivité, le taux de roulement et la performance d’équipe. Les interventions les plus efficaces et les plus convaincantes sont celles qui visent à augmenter le degré de contrôle des salariés. Il est donc nécessaire que le modèle explicite clairement ses cibles ou objectifs (Harvey & al., 2006), tout comme il est important de spécifier la source ainsi que la nature préventive ou curative de l’intervention (Newman & Beehr, 1979 ; Rick & al., 2002) afin de relier le problème, ou la cause du problème à ses conséquences. Le modèle de Newman & Beehr (1979) est pour cela considéré comme l’un des plus exhaustifs.

De plus, l’approche doit se fonder sur des données probantes à partir de questionnements clairs concernant le contexte (Rick & al., 2002). Une telle approche « consiste essentiellement à appuyer la pratique sur les meilleures preuves scientifiques disponibles et à s’assurer que toutes les interventions recommandées soient effectuées à la lumière de ces preuves » (Harvey & al., 2006, p. 22). Cette approche nécessite de maîtriser les modèles théoriques sur le développement des problèmes de santé psychique auxquels se référer pour construire une intervention et des recommandations pertinentes et efficaces (Ibid.). Et plus encore, l’intervention doit être différenciée selon les causes (ou stresseurs) du problème. Qu’il s’agisse de conflit, de changements structurels ou de charge de travail, l’intervention devra être adaptée au problème précisé. Une telle approche requiert d’identifier et de se représenter en amont le cheminement du stresseur en question jusqu’aux conséquences qu’il produit ; puis de proposer et d’évaluer l’action la plus appropriée en vue de solutionner le problème (Rick & al., 2002). Mais il est important que l’intervention s’intéresse autant aux éléments objectifs et subjectifs qui concourent au développement de problèmes de santé psychique au travail. En effet, les théories du stress professionnel établissent que les perceptions jouent un rôle dans ce processus. Il est donc nécessaire de développer des interventions capables de saisir tous ces éléments subjectifs. Ces perceptions sont aussi importantes que les facteurs objectifs qui les engendrent. L’intervention vise à modifier, directement ou indirectement ces facteurs objectifs. Leur évaluation passe nécessairement par la perception qu’en ont les salariés38. Ainsi, la définition de l’intervention et des solutions doit prendre en compte la complexité qui active le processus du stress et éviter de tomber dans la simplicité des rapports de cause à effet, qui rendent ces solutions inefficaces (Rick, Hillage, Honey & Perryman, 1997). D’autres auteurs ont renvoyé la réussite de l’intervention à des facteurs liés au processus d’intervention.

Notes
38.

En ce qui concerne les interventions sur le stress, l’évaluation doit prendre en compte des modérateurs dans l’émergence du stress (Harvey & al., 2006). Ils peuvent être liés à la personnalité et à la démographie, à des caractéristiques situationnelles ou sociales (Cooper, Dewe & O’Driscoll, 2001). Ces modérateurs vont modifier les symptômes et problèmes associés au stress, et faire varier la sensibilité et les réactions aux situations objectivement stressantes.