I-4.1.1. La construction de l’intervention

Nous nous référons en partie au schéma d’intervention proposé par l’ergonomie (Guérin & al., 2001) qui décrit certaines étapes clefs pour construire l’intervention. Celle-ci débute par une demande qui doit être portée à l’analyse par l’intervenant (François & Liévin, 2006 ; Giust-Desprairies, 2001 ; Israël & al., 1996) et se poursuit par la formulation d’une proposition d’intervention. La proposition peut consister, dans un premier temps, à mettre en place des structures de pilotage de l’intervention et des groupes de travail si nécessaire. Cette condition permet de s’assurer de la participation de l’ensemble des acteurs. Ces derniers auront une fonction d’analyse et concoureront à la production de connaissances, à la validation des résultats d’analyse et à la conception d’actions de changement. De plus, ces structures garantiront le suivi et la régulation entre les partenaires sociaux dans la mesure où le déroulement de l’intervention dévoile de multiples enjeux qui peuvent agir sur les compromis et décisions élaborés. La proposition d’intervention définit les résultats attendus, les moyens nécessaires et les délais fixés. Elle pourra encore être discutée entre l’intervenant et les demandeurs jusqu’à ce qu’ensemble ils décident de formaliser cette proposition en une convention. Après un premier contact avec le fonctionnement de l’organisation, la rencontre avec des acteurs et l’étude de documents, l’intervenant peut procéder à la réalisation de l’évaluation. Le diagnostic, issu de l’évaluation, identifie les difficultés rencontrées et leurs causes, et dégage ainsi les points sur lesquels doivent porter les changements. Il suggère des orientations de solutions que l’intervenant pourra proposer de mettre en œuvre dans un processus de changement dans l’organisation.

Nous choisissons de nous référer à cette démarche pour définir le déroulement d’une intervention. Nous nous appuyons également sur leur conception de l’intervention qui souligne l’existence d’un lien entre la nature de l’intervention et le changement (Guérin & al., 2001).La manière dont les questions qui sont posées dans l’organisation et la manière dont les problèmes à résoudre sont discutés et construits vont considérablement orienter la conduite de l’intervention. Mais celle-ci va également dépendre de la capacité de l’organisation à s’approprier et mettre en œuvre les résultats de l’action. La conduite de l’intervention doit, par conséquent, s’efforcer d’investir deux pôles : l’un est centré sur la production de résultats à atteindre en fonction d’une demande ; l’autre est centré sur la construction de l’intervention, « orienté par un processus à initialiser et à accompagner, guidé par le souci de pérennisation de l’action par des effets de long terme » (Ibid., p. 264).

La conduite de ce processus d’intervention est assurée par l’intervenant qui veille à ce que les différentes étapes soient réalisées et qui procède à des ajustements si nécessaire, qui s’assure que l’information parvienne aux acteurs concernés, et qui met à disposition des méthodologies appropriées et des cadres pour partager des points de vue. Il n’agit pas seul mais avec d’autres. Le processus d’intervention se construit à l’intérieur de relations qu’intervenant et acteurs organisationnels entretiennent. L’intervention est possible à partir de l’établissement de liens de coopération et se définit également comme une pratique sociale. L’intervention est « un moment, daté dans la vie de l’entreprise, correspondant à la mise en œuvre d’une expertise qui permet à un problème d’être a priori résolu si la bonne démarche a été mise en œuvre et la bonne expertise sollicitée » (Guérin & al., 2001, p. 264). Lorsque l’on s’inscrit dans la recherche de résultats immédiats de l’intervention, celle-ci suscite des interrogations qui sont utiles pour évaluer les méthodologies d’intervention de façon critique. Mais rien ne permet au préalable d’évaluer les résultats vers lesquels s’oriente l’intervention. En revanche, si on se dirige vers une action de long terme, l’enjeu de l’intervention ne repose plus seulement sur la découverte d’une solution au problème, mais sur la construction de ce dernier en y associant les acteurs concernés. Il s’agit là d’une conception de l’intervention plus dynamique et plus interactive. Ainsi, l’intervention n’est pas réduite à la mise en œuvre d’une expertise technique mais elle est également une pratique sociale.

L’objectif principal visé par l’intervention sera de favoriser l’élaboration d’une connaissance sur les situations vécues par les salariés afin de proposer des préconisations pertinentes de changement. L’élaboration de la connaissance, comme celle de l’action, nécessite de construire une méthodologie appropriée.