I-4.2.1.2. La pluridisciplinarité

La particularité du dispositif réside, en effet, dans le regroupement des acteurs qu’il institue. C’est parce que la nature des problématiques est multidimensionnelle, et leurs contours flous, que leur traitement et leur compréhension requièrent des compétences diverses et qu’il est essentiel de réunir différents professionnels pour réfléchir et intervenir. Sahler & Gallet (2006) déclarent que « plus les risques sont complexes et spécifiques, plus la pluridisciplinarité est déterminante puisqu’il faut recourir à une large palette d’expertises pour une analyse pertinente des phénomènes et une prévention réussie » (p. 153). Par ailleurs, les risques psychosociaux au travail sont des risques complexes. Des difficultés sémantiques entourent cette notion (Ibid.). On évoque autant des causes, des effets, des risques et des troubles. Elle fait aussi bien référence à des vécus individuels qu’à des situations relationnelles qui possèdent leurs mécanismes d’apparition et de développement propres. Elle concerne à la fois le stress, les violences, les conduites addictives, l’anxiété, la dépression, le mal-être, la souffrance au travail, et d’autres encore. Il existe une grande diversité des problématiques qui concourent à l’apparition de ces différents troubles. Regrouper des professionnels divers dans un objectif de pluridisciplinarité implique une clarification de ces objets et de construire une compréhension transdisciplinaire, qui se heurte aux pratiques de spécialistes habituellement cloisonnées (Ibid.). Enfin, la pluridisciplinarité constitue un moyen d’éviter le risque de l’individualisation des difficultés en analysant la situation sous l’angle d’autres dimensions. Toutefois, il apparaît que la pluridisciplinarité ne permet pas toujours de garantir une véritable prise en compte de la globalité d’une situation « sans que telle intention nuise à telle autre » (Merit & Michel, 2006, p. 132). En effet, « le pourquoi intentionnel va se nicher dans le plus petit dénominateur commun basé sur le point jugé le plus consensuel au sein de l’équipe pluridisciplinaire au regard des enjeux professionnels et/ou institutionnels des différents investigateurs » (Ibid., p. 132). De plus, ces investigateurs laissent souvent de côté ce qui se joue dans le réel du travail.

La pluridisciplinarité engage les professionnels de la santé, soit les médecins du travail et les psychologues, mais également les acteurs de l’organisation. En effet, la prévention des risques psychosociaux au travail ne doit pas concerner exclusivement les professionnels et les experts mais s’élargir aux acteurs et salariés (Ibid.). Elle constitue une ressource pour l’analyse de la situation, et offre la possibilité de disposer d’une lecture plus complète de la situation. Le collectif d’acteurs organisationnels joue ainsi un rôle dans le traitement de situations individuelles de souffrance au travail. Car ce dispositif traite « théoriquement » uniquement de situations individuelles. Elle cherche néanmoins à maintenir l’organisation dans un état de vigilance pour agir au plus tôt sur des situations collectives. Le dispositif tend à répondre ainsi à un objectif de prévention et joue un double rôle : un rôle d’aide de la personne et un rôle d’alerte sur le collectif.