I-4.2.1.3. Les limites envisagées

Malgré les objectifs pertinents que ce dispositif poursuit pour construire une dynamique de prévention, certains des éléments qui le structurent nous questionnent et nous amènent à soulever quelques arguments critiques. Tout d’abord, en ne se centrant que sur les situations individuelles, le dispositif risque de se heurter continuellement aux processus d’individualisation des difficultés vécues dans le travail. L’autre risque à éviter étant de renforcer ces processus déjà bien ancrés dans les organisations comme nous l’avons vu précédemment. Il est donc essentiel qu’il crée les conditions pour interroger l’organisation sur ce qu’elle produit et qu’il favorise des questionnements dans l’intérêt collectif. La pluridisciplinarité constitue, en effet, un moyen d’éviter ce risque. D’autre part, l’internalisation de l’écoute, soit le premier niveau du dispositif, questionne nécessairement, dans la mesure où il est difficilement envisageable de solliciter un ou une collègue pour confier un problème vécu dans le cadre professionnel. Cette sollicitation peut constituer une prise de risque. Malgré le cadre confidentiel qui règle l’entretien, des enjeux interviennent dans les situations et le collectif de travail qui peuvent mettre en cause cette sécurité. De plus, ces travailleurs volontaires et écoutants peuvent être l’indice d’un éloignement des professionnels en charge de la prévention : éloignement dans la relation au travailleur qui se plaint de sa situation professionnelle, et éloignement des problématiques relatives au réel du travail. La dérive est que les professionnels se positionnent exclusivement dans l’action.

Ensuite, ce dispositif semble ne pouvoir se restreindre qu’aux grandes organisations. La pluralité des acteurs formant le collectif du second niveau n’existe pas dans la majorité des organisations. De plus, les moyens d’intervention y sont moins diversifiés. En effet, l’internalisation du traitement nécessite un panel de ressources et d’outils que l’organisation ne possède pas toujours. Enfin, il subsiste des zones qui manquent de clarté, notamment dans le passage du second niveau au troisième niveau. D’une certaine manière, il doit veiller à ne pas connaître le même paradoxe qui se pose à la prévention de la sécurité au travail. Trinquet (1996) s’interroge sur ce paradoxe en observant une croissance des accidents du travail alors qu’existent assez largement dans les milieux concernés un consensus pour les réduire, de multiples dispositifs pour les prévenir et des procédures de droit pour les sanctionner.

Ces dispositifs s’inscrivent dans un objectif de prévention. Bien qu’ils suscitent a priori de nombreuses interrogations autour des objectifs qu’ils visent et des principes qui le fondent, à l’heure où les spécialistes dénoncent les processus d’individualisation et de psychologisation, ils méritent une réflexion et une investigation spécifique. En tant qu’outil de prévention porté par des acteurs qui l’intègrent dans leur organisation, mais également dans le but d’alimenter notre réflexion sur les éléments qui vont participer à faire progresser l’action de prévention dans l’organisation, on peut s’interroger sur leurs conditions d’efficacité et leur pertinence.