II-5.3.1.2. La place et le rôle des personnes impliquées

Notre méthodologie visait à soutenir et observer un changement spécifique lié à l’amélioration des stratégies de prévention et de la qualité des dispositifs organisationnels de VTE. Ce changement de pratique impliquait de mettre à l’épreuve des faits des hypothèses liées à la réussite d’un processus d’intervention. L’identification de ces conditions de réussite devait favoriser l’amélioration de la pratique de VTE. L’élucidation de ce processus et des conditions qui le sous-tendent nous imposait d’expérimenter sur des terrains divers. Par l’intermédiaire de VTE, nous avons donc intégré différents terrains et ainsi participé à des processus d’intervention. Notre positionnement à l’égard de VTE était d’être professionnelle. Nous devions produire des modalités d’intervention et les accompagner dans les organisations. Nous devions être opérationnelle. VTE devait pouvoir disposer d’un professionnel pour intervenir le plus efficacement possible sur le terrain. Nos interventions concernaient l’ingérierie, c’est-à-dire la conduite d’évaluation de dispositifs organisationnels et la réalisation de diagnostics et de plans d’actions. Dans ce contexte, construire une réflexion alimentant notre recherche nous imposait d’adopter une attitude intellectuelle autre que celle que requiert l’action, afin de parvenir à « se décoller » de l’action et des attentes que les acteurs ont à son égard. Notre recherche devait se réaliser à partir de l’action réalisée sur le terrain, à partir d’attentes institutionnelles doubles, celles des terrains d’intervention et celles de VTE à l’égard du professionnel et du chercheur. Ainsi, les attentes de VTE à notre égard étaient à la fois à court terme, liées aux résultats d’une action, et à long terme, liées aux résultats de notre recherche. Et, ce n’est que dans l’action que nous réalisions que l’on pouvait mettre à l’épreuve des faits nos hypothèses. Dès lors, il fallait être prudente afin que l’attente de résultats des institutions diverses n’empêche à notre réflexion d’analyser, au plus près des situations réelles, des processus d’intervention et non des résultats d’intervention. Ainsi, nous avons à la fois conduit et supervisé l’action propice au changement dans l’organisation et mené ce travail de recherche présenté dans cette thèse.

Par ailleurs, concernant la place et le rôle des personnes impliquées dans notre recherche qui elle-même s’est déclinée en plusieurs études dans des espaces et à des temps différents, il convient également de mentionner que quelques professionnels de VTE (sociologue et psychologue du travail et des organisations) sont également intervenus pour conduire l’action. D’une part, chaque intervention débutait par une rencontre institutionnelle entre la direction de l’organisation à l’origine de la demande et le directeur de VTE. Cette rencontre posait les bases de l’intervention. Elle favorisait l’accès au terrain en même temps qu’elle contraignait l’action. En effet, la seule définition des objectifs de l’intervention suffisait à contraindre la poursuite des objectifs de la recherche. Par conséquent, le directeur de VTE avait un rôle clef dans la poursuite et l’implantation des interventions et concourrait, avec les acteurs institutionnels43 et décisionnaires des organisations, à porter la démarche. Dans le cadre de notre collaboration, nous nous rencontrions régulièrement afin d’aborder les objectifs à donner à chacune des interventions et négocier le plus « habilement » possible les objectifs et contraintes de l’étude. D’autre part, quelques professionnels de VTE prenaient part à l’action. Nous participions à définir le rôle qu’ils devaient jouer. Celui-ci consistait principalement dans la passation d’entretiens individuels semi-directif nécéssaire à l’évaluation de type diagnostic. Enfin, d’autres acteurs ont été impliqués dans les différentes interventions. Leur rôle était défini en amont dans le cadre d’intervention. Il s’agissait notamment de collectifs organisationnels composés de divers acteurs concernés par les problèmes liés à la santé psychique au travail. La composition de ces collectifs était définie par le directeur de VTE, le doctorant et intervenant et les acteurs institutionnels. Leur rôle résidait dans la participation à la construction de la démarche, à la mise en débat des résultats et parfois à l’élaboration collective de préconisations. Il s’agissait notamment de groupes de travail aux côtés desquels VTE s’engageait dans l’analyse du problème que traversait l’organisation et dans la recherche de solutions.

Dans ce processus de recherche, se sont développées différentes relations utiles à sa construction. Elles s’établissaient entre le doctorant et les professionnels de VTE, dont l’employeur associé au CIFRE, les interlocuteurs liés aux terrains, décideurs, professionnels de la santé et acteurs participants, et le directeur de thèse ainsi que le laboratoire de recherche.

Notes
43.

Nous précisions que nous parlerons d’acteurs institutionnels lorsqu’il s’agira de membres de la direction, d’élus politique, de médecins de travail, d’assistantes sociales du personnels ou de représentants d’organisations syndicales. En revanche nous parlerons d’acteurs organisationnels pour désigner les personnes qui interviennent dans l’organisation du travail, notamment les représentants de l’encadrement et du personnel.