II-6.1.4.2. La décision de changement

La décision est prise par la direction. Elle seule peut décider de modifier l’organisation. Cette décision sera rarement celle d’entreprendre un chantier global de prévention de la santé psychique au travail. Mais, elle peut prendre des décisions à des niveaux très localisés (formation des managers, diffusion des fiches de postes réactualisées, etc.). Cette localisation du changement est d’ailleurs favorisée par la détermination du plan d’action qui liste un certain nombre de préconisations. La décision est l’acte qui joint le processus d’intervention, relatif à l’évaluation et à la détermination de préconisations, et celui qui engage le changement. L’intervenant pourra accompagner l’organisation dans ce nouveau processus d’intervention relatif au changement. Cet accompagnement fera l’objet d’une nouvelle convention. Enfin, l’intervenant pourra aider à la réflexion préalable sur la mise en œuvre des procédures liées au changement et à la manière dont ces procédures participeront à la mise en place d’un futur processus durable.

Par conséquent, nous appliquerons cette grille d’analyse pour chacun des cas que nous avons étudiés. Elle constitue une base pour définir les étapes du processus d’intervention et pour analyser ensuite comment, ce qui n’a pas pu être respecté ou ce qui a été ajouté à l’intérieur des différentes phases, a permis de faire varier le processus d’intervention. Cette grille a été construite progressivement au fur et à mesure des interventions. Pour cela, nous retrouverons toujours des éléments qui ne suivent pas l’ensemble des étapes définies. Justement, c’est l’analyse rétrospective des différents processus d’intervention et leur diversité qui ont permis de proposer cette grille. Cette élaboration progressive d’un outil d’intervention s’est réalisée dans la durée.

L’analyse comparative que nous ferons par la suite s’appuiera sur cette grille d’analyse. Nous ne cherchons à mesurer les effets de l’intervention et nous ne définissons par pour cela des indicateurs de mesure de l’efficacité de l’intervention. D’ailleurs, « il n’est jamais aisé de définir des indicateurs susceptibles de mesurer des phénomènes évolutifs » (Vas, 2005, p. 140). De plus, les contraintes auxquelles nous nous sommes confrontée au cours des interventions ne permettaient pas de stabiliser des indicateurs afin d’évaluer, par exemple, les effets d’une intervention à partir d’une approche développementale. La convention s’arrête à des phases particulières du changement. Elle prend fin, par exemple, à la présentation du plan d’action aux acteurs décisionnaires et ne va donc pas au-delà. La poursuite de l’intervention pour l’accompagnement au changement demanderait la signature d’une autre convention. Toutefois, ce n’est pas tant les résultats d’une intervention que nous souhaitons évaluer que le processus d’intervention que nous choisissons d’analyser, c’est-à-dire les facteurs de variation d’un processus relatif à l’intervention, en décrivant non pas simplement le déroulement d’une intervention mais en mettant l’accent sur les liens qui participent de l’enchaînement des différentes phases de l’intervention et de l’émergence d’un changement, qu’il soit au niveau de l’organisation ou des compétences et relations des acteurs entre eux.

Par ailleurs, nous savons que l’exercice répété de mise en œuvre d’intervention dans l’organisation permet le développement de la pratique de VTE en matière d’ingénierie. Pour cela, dans le cadre de notre recherche, nous pouvons décrire comment cette pratique a évolué et analyser les variations de la pratique d’intervention proposée aux organisations. L’établissement de cette grille d’analyse de l’intervention apportera sans doute un nouveau cadre pour alimenter la pratique de VTE. Ainsi, à la fin de chaque étude de cas, nous montrerons en quoi le processus d’intervention mené à permis de faire varier l’approche de l’intervention et comment des éléments nouveaux ont été introduits dans la pratique et ses démonstrations (dans le vocabulaire choisi ou dans les modalités proposées). Ces démonstrations affinent dans le temps la posture de VTE par rapport à l’objet de la prévention de la santé psychique au travail.

Enfin, pour rendre compte a posteriori des processus d’intervention, nous nous sommes appuyées sur les comptes-rendus de réunions réalisées en cours d’intervention avec les acteurs du groupe de travail ou du comité de pilotage. Ces supports témoignent du déroulement de l’intervention, du développement de son processus et de la nature des relations qui évolue au fur et à mesure de l’action. Ces éléments transcrits in situ contribuent à définir sur qui participe au processus de développement de l’intervention, ce qui facilite ou empêche cette maturation des processus organisationnels.

Après avoir présenté notre grille d’analyse des cas d’intervention, nous mettons en relief dans les paragraphes qui suivent notre méthodologie d’évaluation des dispositifs, aux niveaux de l’efficacité et du recours.