II-6.3.1. Définition des unités d’analyse et construction de l’échantillon

Pour étudier le recours au dispositif et son efficacité, nous avons procédé par une méthode d’évaluation centrée sur les perceptions des acteurs impliqués à différents degrés ainsi que par l’étude des bilans d’activités des dispositifs. Notre choix des unités d’analyse a été effectué de manière à répondre à nos hypothèses. Nous devions ainsi pouvoir mesurer les critères relatifs à l’efficacité et identifier les limites et obstacles au fonctionnement des dispositifs ; et, dans le même temps, interroger les facteurs de recours et de non recours. Après avoir défini les moyens à l’aide desquels nous allions pouvoir recueillir le matériau nécessaire à cette analyse, nous avons sélectionné les acteurs à interroger. Néanmoins, le cadre de l’intervention n’a pas toujours permis d’interroger l’ensemble des acteurs envisagés. Pour des raisons de coûts ou par prudence de l’organisation pour ne pas « éveiller » des insatisfactions diverses conduisant à l’expression de plaintes envers la direction, nous n’avons pas toujours eu la possibilité d’interroger le personnel. Cette modalité était pourtant l’occasion de mesurer l’adhésion au dispositif.

Nous sommes intervenue au sein de trois organisations dans lesquelles un dispositif avait été mis en place. Toutes ces organisations sont issues du secteur public. La première est une Caisse d’Allocations Familiales (CAF) ; la seconde est une collectivité locale ; et la troisième une Mairie. L’intervention qui s’est déroulée au sein de la collectivité locale a porté sur l’évaluation de trois dispositifs différents : l’un portait sur le risque alcool et psychotropes ; l’autre sur les violences externes ; et le dernier sur les violences internes. Notre étude portera plus particulièrement sur ce dernier dispositif. Les deux autres dispositifs instaurés au sein de la marie et de la CAF portaient sur la prévention et le traitement des violences internes.

Pour effectuer ces évaluations, nous avons constitué un échantillon composé d’acteurs divers. Nous nous sommes centrée sur les acteurs de l’organisation impliqués dans le dispositif à des degrés différents. Au total, nous avons interrogé six groupes d’acteurs. Notre échantillon se composait :

  • De personnes ayant sollicité le dispositif ;
  • De personnes qui auraient pu le solliciter mais qui ne l’ont pas fait ;
  • Des membres du dispositif ;
  • D’acteurs organisationnels, notamment des membres de l’encadrement ;
  • D’acteurs institutionnels, notamment des élus et des syndicats ;
  • D’agents divers faisant partie du personnel.

Néanmoins, pour les raisons que nous avons évoquées plus haut, l’ensemble des interventions n’a pas permis d’interroger la totalité des acteurs dans l’évaluation. L’intervention qui a porté sur le dispositif instauré dans la CAF a reposé uniquement sur les acteurs institutionnels (DRH et direction) ainsi que sur les membres du dispositif de premier niveau, soit de l’écoute. L’intervention mise en place au sein de la collectivité locale a impliqué les membres du dispositif, les acteurs organisationnels, dont l’encadrement. Enfin, l’intervention menée au sein de la Mairie a été la plus exhaustive puisque nous avons interrogé les acteurs institutionnels et organisationnels, les membres du dispositif aux deux premiers niveaux, ainsi que des personnes concernées par la problématique des violences internes ayant sollicité le dispositif. Nous avons également eu la possibilité d’interroger quelques personnes qui auraient pu l’interpeller mais qui ne l’ont pas fait pour diverses raisons que nous exposerons par la suite.

En interrogeant les personnes qui avaient par le passé sollicité l’aide du dispositif, nous avons, tout d’abord, pu mesurer l’efficacité de l’action du dispositif en termes de résultats. Autrement dit, nous cherchions à comprendre si la réponse fournie par le dispositif avait donné satisfaction à la personne. L’efficacité des résultats étaient mesurée à partir du degré de satisfaction exprimé par le sujet. D’autre part, nous avons pu identifier dans quels conditions et état d’esprit elles avaient fait appel au dispositif. Comment l’avait-elle connu ? Comment avaient-t-elles été orientées vers le dispositif ? Qu’est-ce qui avait été, selon elles, déterminant dans le recours ? Avaient-elles par ailleurs sollicité d’autres formes d’aides, internes et externes ? Enfin, nous avons pu interroger la manière dont elles avaient vécu le processus. Nous amenions les sujets à s’exprimer sur leur sentiment de sécurité et de maîtrise du processus. Nous pouvions discuter avec elles de l’impression qu’elles avaient eu de participer au processus, d’être actrices, de l’autonomie qu’elles avaient ressenti et de leur degré de participation au processus de traitement.

L’échantillon qui a porté sur ces personnes a été constitué avec la contribution des professionnels de santé et des organisations syndicales de la Mairie. En effet, nous considérions très délicat de faire appel à des personnes qui, par le passé, avaient connu une difficulté, et pouvaient encore l’endurer, dans le but de satisfaire les objectifs de l’évaluation du dispositif. Après quelques échanges avec les acteurs impliqués dans la définition de l’intervention (les membres du comité de pilotage), nous avons pris la décision de faire appel aux professionnels de santé (médecins du travail et psychologue). Ces derniers avaient pour tâche de contacter des agents qu’ils avaient rencontrés dans le cadre d’un entretien ou d’une visite et qui leur avaient fait part d’une difficulté vécue dans le cadre du travail. Différentes options avaient au préalable été interrogées, notamment la diffusion d’une information à l’ensemble du personnel afin de solliciter les agents concernés. Mais nous sommes arrivés, avec les acteurs, à la conclusion que cette modalité comportait un risque de sur-effectif dans l’échantillon qui ne garantirait pas la faisabilité de l’enquête, dans la mesure où il avait été convenu, pour des raisons de coûts, de rencontrer seulement dix sujets. Nous avions par ailleurs, indiqué à la direction que nous nous donnions la possibilité de rencontrer davantage de personnes dans le cadre de l’évaluation dans la mesure où l’évaluation avait également une finalité de recherche. Nous nous donnions ainsi davantage de temps et de disponibilité pour l’intervention. Par la suite, au cours d’une séance de travail menée auprès du groupe de travail, dans lequel les organisations syndicales étaient représentées, il a été convenu que ces dernières contribuent également à la constitution de l’échantillon.

L’enquête auprès des personnes qui, en revanche, n’avaient pas fait appel au dispositif nous permettait de questionner les causes du non-recours. Nous envisagions trois causes principales : celle d’une non connaissance ou d’une méconnaissance de la procédure ; et/ou celle d’un manque de crédibilité perçue du dispositif ; et/ou celle d’un manque de sécurité perçue. Nous pouvions également identifier d’autres logiques et orientations du recours, ainsi que leur efficacité perçue (en termes de satisfaction). Comme dans l’enquête précédente, ces personnes ont été rencontrées par l’intermédiaire des professionnels de santé.

Ensuite, en interrogeant les membres du dispositif nous pouvions mesurer différentes variables. Tout d’abord, nous pouvions questionner les acteurs sur l’efficacité perçue du dispositif, ses limites et ses atouts, ainsi que sur l’adhésion et la crédibilité perçue par les agents ; sur sa pertinence et son exhaustivité ; sur la qualité de son fonctionnement ; sur le niveau d’appropriation des procédures qui le structurent. Nous nous sommes également attachée à apprécier la manière dont ces acteurs vivaient le fonctionnement du dispositif. Se sentaient-ils eux-mêmes en sécurité pour assurer son fonctionnement ? Avaient-ils la possibilité de respecter l’ensemble des règles prescrites au départ de son élaboration ?

Puis, interroger les acteurs organisationnels, tel que l’encadrement, permettait de comprendre la crédibilité qu’ils accordaient au dispositif, la manière dont ils se sentaient concernés par l’objet visé par la prévention, le rôle qu’ils devaient tenir ainsi que leur degré d’implication et d’adhésion. De plus, l’enquête pouvait permettre le recueil d’éléments relatifs à la manière dont ils avaient vécu le processus dans la mesure où ils avaient été impliqués directement ou indirectement par les effets de sa mise en œuvre. L’évaluation qui a portée sur le dispositif instauré au sein de la collectivité locale a été réalisée en appui avec un représentant de la DRH. Il avait été convenu d’interroger en priorité des encadrants ayant été impliqués dans le fonctionnement d’un dispositif. Pour cela, nous avions besoin de la contribution de ce représentant, qui par ailleurs avait un rôle d’animation des dispositifs. En revanche, nous avons sélectionné nous-mêmes les encadrants de la Mairie. Ici, le degré d’implication n’était pas une condition pour l’enquête. L’enquête auprès des acteurs organisationnels a également impliqué des agents issus d’un service en participe, et qui n’étaient pas a priori concernés par la problématique des violences internes. Cette enquête, réalisée au sein de la Mairie, avait pour objectif de mesurer leur degré d’adhésion et de saisir les déterminants du recours ou du non-recours au dispositif. Comment envisageaient-ils ce type de recours ? Seraient-ils prêts à solliciter le dispositif en cas de difficulté vécue dans leur travail ? Plus particulièrement, nous souhaitions interroger des agents travaillant dans un même service afin de comprendre comment un collectif de travail interprète un tel outil et lui donne un sens par rapport aux situations de travail qui sont vécues. La sélection des agents a été effectuée avec l’appui d’un acteur organisationnel, plus précisément un préventeur, membre également du groupe de travail. Celui-ci nous a permis de rencontrer quelques agents de son service. Tous avaient été par ailleurs invités.

Enfin, l’enquête auprès des acteurs institutionnels, par ailleurs très favorable à la conduite du processus d’intervention, avait pour intérêt d’impliquer ces acteurs dans le processus d’évaluation et de lui donner une légitimité nécessaire à son implantation. Leur implication devait permettre d’impulser une dynamique de l’intervention favorable au changement. Ensuite, elle devait être l’occasion de comprendre le regard que ces acteurs portaient sur le dispositif et leur degré d’adhésion. Ils pouvaient enfin s’exprimer sur la crédibilité du dispositif ainsi que sur les déterminants du recours ou du non-recours. Ils devaient également permettre d’identifier des pistes de changement durables à un niveau qui sollicite l’organisation. Aucun échantillon statistique n’a été effectué pour mener cette enquête. Nous avons transmis une information à l’ensemble de ces acteurs afin qu’ils participent ou désignent des représentants pouvant participer à l’étude.

Une fois les unités d’analyse sélectionnées, les différents échantillons constitués, nous nous sommes consacrée à élaborer puis valider, avec les acteurs impliqués dans l’intervention, les instruments d’enquête nécessaires au recueil des données.