II-7.1.1.3. Les entretiens collectifs

Le recours à des entretiens collectifs a essentiellement visé deux objectifs, celui de discuter des résultats obtenus à l’aide des deux premiers outils, et celui d’éclairer un point spécifique préalablement identifié dans l’enquête.

La désignation des sujets s’est faite en fonction de critères qu’il nous paraissait pertinent d’interroger au vu des premiers résultats du diagnostic. En effet, à partir des éléments ressortis de l’analyse des entretiens semi-directifs, les relations professionnelles constituaient la première forme d’expression de la souffrance chez les agents. Ces relations semblaient marquées par la perte des liens de confiance. Plus précisément, on notait une dégradation des relations agent-hiérarchie, qui se manifestait de différentes manières : manque de considération et d’écoute de la part des supérieurs ; des difficultés pour manager une équipe du côté des encadrants, d’où une faible reconnaissance de la part des agents à l’égard des compétences managériales de l’encadrement ; un éloignement dans les relations agents-hiérarchie. Par conséquent, il nous a semblé pertinent, pour mener ces entretiens collectifs, de rassembler des encadrants. Nous avons ainsi pu être en mesure d’approfondir la compréhension des relations agent-encadrant de leurs points de vue. Le but était de voir comment ils exprimaient les difficultés qu’ils vivaient avec leurs subordonnés et leur hiérarchie, de voir s’ils partageaient ce vécu, d’observer l’effet de groupe, ce qu’il était autorisé de dire ou de ne pas dire sur la position d’encadrant et leurs relations, et de comprendre s’il existait un vécu collectif dans les difficultés de manager et dans quelle mesure. Enfin, il s’agissait d’étudier comment les participants recevaient les éléments rapportés par le diagnostic.

Ainsi, nous les avons sollicités pour faire part de leurs réflexions à propos de ce thème de la souffrance au travail, en donnant leur opinion et en s’exprimant sur leur expérience propre, chacun étant encouragé à se situer et à réagir par rapport aux avis des autres. Contrairement aux deux premières techniques (questionnaire et entretiens individuels), qui sont détachées de la communication quotidienne, les entretiens collectifs sont issus d’une méthode fondée sur la communication de groupe. Les participants peuvent confronter leurs idées, leurs représentations, et polémiquer de manière ouverte ou cachée. Nous animions ces entretiens collectifs. Notre rôle était d’encourager les participants à s’exprimer sur ce thème, sans être directive. Le cadre de l’entretien devait permettre de générer des idées avec confrontation des points de vue, en veillant à repérer les effets de censures qui pouvaient se révéler.

D’après nous, il n’était pas forcément nécessaire que les groupes soient homogènes. Parfois, au contraire, l’hétérogénéité de profils permet d’obtenir des informations riches car les participants confrontent leurs points de vue et les argumentent. Cependant, il ne fallait pas non plus créer des situations trop déséquilibrées. Pour cela, nous avons choisi de sélectionner des encadrants (homogénéité) dont la durée d’exercice dans la fonction d’encadrement variait (entre 5 et 15 ans d’expérience). Puis, nous avons estimé que chaque entretien collectif devait compter entre six et huit participants. Le risque est qu’en dessous de six personnes, la dynamique de groupe soit pauvre, et qu’au dessus de dix ou douze, le groupe soit beaucoup plus dispersé. Il nous semblait également important que l’entretien dure un temps suffisant pour permettre au groupe, une fois « mature », de s’exprimer librement. Nous nous donnions entre deux et trois heures. Au cours des échanges, nous prenions notes des déclarations des différentes personnes.

Enfin, après avoir recueilli l’ensemble des données, nous les avons interprétées en vue de les restituer, oralement au groupe de travail puis aux instances décisionnaires, puis par écrit dans le rapport final.

L’évaluation de type diagnostic qui a suivie a concerné un des services de cette collectivité. Nous proposons de restituer dans ce qui suit les éléments qui ont soutenue notre démarche méthodologique.