III-8.4.2. La position de la DRH dans l’intervention et la place de l’intervenant

Tout au long de l’intervention, nous avons étroitement travaillé avec la DRH. La plupart du temps, nous étions d’accord avec sa stratégie et nous lui reconnaissions pour cela une compétence forte liée au développement d’une cohérence en matière de prévention des risques psychosociaux au travail.

Par ailleurs, une des stratégies implicites de la DRH était de redonner confiance aux agents et de réhabiliter son image dans la collectivité. Pour cela, elle devait se construire un rôle et des compétences en matière d’accompagnement des salariés et de prise en charge, ainsi qu’en se dotant de véritables objectifs de prévention. Elle manifestait ainsi son intention de questionner l’organisation du travail et de coopérer pour cela avec les représentants du personnel. L’intervenant venait apporter du crédit aux intentions et garantir une déontologie de la démarche. Les problèmes exprimés par les agents nécessitaient un effort de compréhension partagée des situations en l’élargissant aux causes organisationnelles. Cette compréhension devait favoriser un traitement élargi à l’organisation en l’impliquant dans le traitement. Cette stratégie implicite correspond d’une certaine manière à ce qu’on attend d’une DRH. Le risque cependant est qu’avec le temps et si les exigences du suivi se réduisent, le dispositif devienne un outil RH à part entière permettant de repérer les fragilités. L’autre risque est qu’il s’éloigne par conséquent des principes de collégialité inscrits dans l’esprit du dispositif.

D’autre part, cette stratégie implicite et, plus largement, le traitement des situations de souffrances au travail étaient portés par un acteur principal. Le directeur des ressources humaines centralisait l’ensemble du processus. Tous les acteurs reconnaissaient sa capacité à prendre en compte les problèmes et à intervenir d’une manière juste et efficace. Ainsi, le principal concurrent du dispositif était ce directeur, qui était par ailleurs acteur du niveau 2 et membre du groupe de travail. Cette centralisation a eu pour conséquence de ne pas permettre l’émergence de l’action au niveau 2 du dispositif. Ensemble, nous étions spectateurs de l’efficacité de ce directeur. La prévention et le traitement des questions de souffrance au travail étaient portés par un acteur central alors que nous avions travaillé depuis des mois à réunir les conditions d’une action collective et paritaire. Le risque pour les agents était que la qualité de ce traitement disparaisse avec l’acteur.

Cette centralisation sur le DRH était renforcée par son désir de maîtrise du processus d’intervention. Tout devait passer par lui. Il était dans le même temps l’expert du contexte institutionnel et progressivement devenait l’expert du dispositif. En quelque sorte, il se mettait à la hauteur de VTE. Nous percevions cette tension dans les positions entre acteurs qui se traduisait parfois dans les échanges. L’ampleur de la collectivité et le niveau d’exigence des acteurs constituaient une pression forte pour nous. Il fallait être infaillible. La position souveraine du directeur nous bloquait dans l’initiative et la critique. Notre position basse vis-à-vis de la DRH était renforcée par le rôle que nous devions assumer par la suite dans l’intervention. Ce rôle, dans la mesure où aucune situation ne parvenait au second niveau, reposait finalement sur des aspects de logistiques. D’autant plus que nous assumions temporairement l’activité du futur chargé de mission RH. Ce problème dans les positions déséquilibrées entre acteurs internes et externes, ainsi que le conflit de rôles auquel nous devions répondre, ont participé à alimenter pour nous un sentiment d’insécurité dans le processus d’intervention. Nous étions face à une contradiction dans notre rôle puisque nous devions être un technicien du dispositif et en même temps renvoyer des éléments d’analyse critiques sur le suivi du dispositif, en étant force de proposition alors que celui-ci ne fonctionnait pas.

Ainsi, la définition du rôle de l’expert dans l’intervention est essentielle. L’expert n’est pas censé prendre part à l’activité quotidienne des acteurs. Il ne doit pas pouvoir se substituer à eux. Cette définition du rôle le place dans une situation d’échec parce qu’il ne peut pas être l’expert de l’activité de travail, ce que sont véritablement les acteurs de l’organisation. Finalement, aujourd’hui VTE a modifié son approche de la question et accepte la contribution de l’externe dans l’analyse des situations, sous beaucoup de réserve encore et en précisant au préalable le cadre d’intervention pour éviter de perdre la maîtrise, elle aussi, du processus.