III-8.5. Éléments d’analyse rétrospective du cas

Il s’avère que le dispositif a, depuis deux ans, connu des évolutions. Plus précisément, ce sont les changements de l’administration qui ont fait varier le dispositif. D’une part, un service spécifique de prévention des RPS a été créé78. D’autre part, le service des ressources humaines a vu son DRH partir et être remplacé. Concernant le bilan de l’activité du dispositif, trois situations d’écoute ont été réalisées « formellement », c’est-à-dire dans le cadre du dispositif. A côté de cela, les écoutants ont assuré une vingtaine d’entretiens informels. Il a d’ailleurs été précisé que tous les écoutants avaient été sollicités informellement par des agents. Les réunions qui ont été effectuées auprès du réseau des écoutants témoignaient d’une « démobilisation » de ces acteurs dans la mesure où ils n’étaient pas sollicités dans le cadre du dispositif79. De plus, une seule situation était parvenue au niveau 2 du dispositif. Les représentants présents lors de l’entretien ont souligné que l’action à ce niveau s’était avérée très positive. Le collectif avait su donner un regard pluridisciplinaire utile à l’analyse et à la recherche d’une solution appropriée. Cette situation avait été solutionnée dans le cadre du dispositif et très rapidement, alors qu’auparavant aucune issue n’avait été trouvée par la DRH. Enfin, il apparaissait que le dispositif allait vers moins de sollicitations à tous les niveaux. Cet affaiblissement s’expliquait notamment par la création d’outils supplémentaires au sein de la DRH, qui avaient eux-mêmes évolué et pris davantage de place. Les agents semblaient avoir repris confiance dans la DRH et s’orientaient plus « naturellement » vers des outils « purement » RH et non vers le dispositif structuré autour de la collégialité.

Les changements qu’a connus la collectivité posent la question de la continuité et la stabilisation du processus auquel le dispositif devait aboutir. Par ailleurs, nous pensons qu’il existait auparavant un plus grand investissement du dispositif par les acteurs dans leur ensemble. De plus, l’absence prolongée du professionnel en charge du dispositif et le relais passé à un autre a sans doute joué un rôle dans ce désinvestissement. Une moindre attention a été portée au dispositif. Ce qui ne signifie pas par ailleurs, qu’une moindre attention a été porté aux situations de souffrance au travail, comme l’ont précisé les personnes, mais ces situations ont progressivement emprunté d’autres voies. L’investissement d’autres outils exclusivement RH ont permis de stabiliser d’autres processus de résolution et de prévention dérivés du dispositif.

Néanmoins, les acteurs ont toujours le souhait d’élargir le dispositif au personnel TOS80. De plus, ils ont dit réfléchir à l’idée de faciliter la démarche et l’accès au second niveau et de supprimer le troisième niveau dans la mesure où il n’a eu, jusqu’à présent semble-t-il, aucune utilité. Ainsi, l’une des perspectives envisagée est de « resserrer » les deux premiers niveaux afin d’améliorer la lisibilité et l’efficacité du dispositif. La définition de ces perspectives n’a pas été formulée dans le cadre de la réalisation d’une évaluation du dispositif, puisqu’à ce jour, aucune évaluation n’a été faite du dispositif81. L’entretien a souligné également que certains objectifs que nous avions contribués à définir lors de l’intervention n’avaient finalement pas pu aboutir. Les acteurs nous ont fait part d’autres possibilités d’évolution du dispositif. Enfin, les temps de réunions du « GARS » ne sont plus aujourd’hui stabilisés. Seulement deux réunions ont été effectuées, la première en mars 2008 et la seconde en février 2009. La prochaine est prévue en septembre 2009 mais rien ne semble garantir qu’elle ne sera pas annulée.

Cette évaluation rétrospective met en évidence la difficulté d’assurer une continuité dans un processus compte tenu des évolutions plus générales qui traversent la collectivité et le collectif des acteurs. Ces évolutions agissent sur tous les objets de l’organisation. Le dispositif semble être moins investi et moins représenté dans la collectivité. Des propositions d’évolution ont néanmoins été formulées, ce qui signifie qu’il suscite encore de l’intérêt. Ou bien on peut penser qu’ils agissent de manière à justifier l’énergie et les coûts investis dans une action qui ne porte visiblement pas encore ses fruits en termes de résultats, car en terme de maturation organisationnelle, il semble que l’intervention ait permis de faire progresser l’organisation. L’investissement initié sur la prévention des RPS met en évidence la volonté de la collectivité à tendre, à long terme, vers l’internalisation et l’autonomie dans la prise en compte de ces questions.

Nous avons pu confirmer notre impression concernant le rôle capital que jouait auparavant l’ancien directeur des ressources humaines. Cet acteur portait le dispositif. Avec son départ, le risque pour le dispositif était de disparaître. L’issue se trouvera sans doute dans l’ouverture au collectif et non dans son appropriation en tant qu’outil RH. Aujourd’hui, le dispositif ne semble plus être porté, ni par un acteur ni par l’institution. Il est important, malgré les changements et ruptures dans l’organisation et l’institution, que les procédures, elles, perdurent.

Enfin, nous avons appris qu’après notre intervention, la collectivité a eu recours à un autre prestataire dont l’action était principalement axée sur l’intervention dans les collectifs de travail en conflit ou qui connaissaient des ruptures dans les modes de régulation. Sans doute n’avons-nous pas pris suffisamment en compte cette question qui s’était pourtant exprimée tout au long de l’élaboration du dispositif mais qui partageait les acteurs et plaçait VTE dans la réserve.

Notes
78.

Ce service s’oriente vers des objectifs de santé, de prévention et de médiation. Dans ce cadre, deux postes vont être prochainement recrutés dont un chargé de mission sur la prévention des RPS au travail. Avec la création de ce service et de ce poste, les acteurs ont affirmé leur souhait de ne pas être seulement « sur le curatif ». Le sentiment s’est exprimé, en effet, de faire aujourd’hui principalement du curatif et non du préventif dans la collectivité.

79.

Les écoutants constataient les limites de leur rôle et exprimaient leur frustration. Ils avaient besoin d’avoir le sentiment « d’être dans un circuit », en jouant un rôle dans l’accompagnement de l’agent vers la DRH et de disposer en retour d’une information sur le fonctionnement du dispositif.

80.

Ce chantier semble se heurter à un problème de légitimité du dispositif pour ces personnels particuliers. A l’origine réalisé pour les agents du siège, ils semblent le considérer comme un outil « pour les nantis ». De plus, le dispositif semblerait souffrir d’une perception négative du fait de son orientation pluridisciplinaire. L’idée de raconter sa situation dans un collectif ne paraît pas sécurisant. Les acteurs présents ont souligné qu’il était nécessaire de mieux connaître les situations qui concernaient ce personnel afin d’adapter au mieux les objectifs du dispositif.

81.

Les acteurs regrettent, par ailleurs, que l’efficacité du dispositif ne soit mesurée qu’au niveau des écoutants, le second niveau ne fonctionnant pas véritablement. Par ailleurs, la question des écoutes « informelles » doit, selon eux, être posée dans le cadre d’une évaluation.