Pour les agents, il nous semblait que ce moment allait enfin permettre de valider leurs vécus. Après avoir rappelé les objectifs de l’évaluation, nous en avons restitué les résultats. Toutefois, nous n’avons pas restitué les résultats relatifs à l’évaluation des outils nouvellement intégrés, mais nous avons uniquement présenté des résultats concernant l’évaluation du bien-être des agents et des sources de difficultés ainsi que leurs conséquences. Suite à la présentation, les agents présents ont fortement validé les résultats. Ils se reconnaissaient dans les résultats et dans l’analyse. Néanmoins, lors de la présentation, il semblait qu’une personne manifestait une gêne, comme si les résultats de l’évaluation ne rendaient pas suffisamment compte de la souffrance. C’était intéressant pour un collectif, en particulier l’encadrement, qui ne souhaitait pas parler de souffrance mais de mal-être. Les responsables étaient devant, derrière eux se trouvait l’ensemble des agents. Au fur et à mesure des résultats, les premiers « encaissaient », les seconds écoutaient attentivement, approuvaient ce qui était dit, jusqu’au moment où d’autres résultats venaient déstabiliser leurs position.
Nous avons pu ainsi mettre en évidence que la problématique centrale vécue par les agents était celle du stress (62,1% des agents déclaraient ressentir des états de stress au travail). Le stress vécu était lié à l’augmentation de la charge de travail et l’accélération du rythme depuis l’intervention des changements dans le service, mais également aux manques de ressources, d’autonomie, d’informations et de règles claires. De plus, les agents notaient une dégradation de l’ambiance dans le service mais déclaraient entretenir de bonnes relations avec la hiérarchie directe et les collègues de travail. De manière générale, les agents disaient ressentir moins de plaisir dans leur travail. Et une part importante déclarait avoir le désir ou envisageait de changer de service (65,5%) et de métier (55,1%). Les résultats montraient enfin que les conséquences de ces difficultés pouvaient les conduire à s’absenter de leur travail85. Ainsi, nous avons pu, grâce à cette évaluation, confirmer qu’il existait bien un « malaise » au sein de ce service et l’identification d’une problématique de stress a pu nous orienter dans les retours que nous avons ensuite réalisés à la direction du service en termes de pistes d’action.
L’intervention a posé plus largement une réflexion sur le fonctionnement relationnel qui s’était installé depuis tant de mois dans le service et qui nuisait à l’amélioration de la sitaution. En effet, de nombreuses personnes avaient eu l’occasion d’exprimer les raisons du « malaise ». D’autres s’étaient faites porte-paroles de la souffrance d’autres collègues. Cependant, quelques personnes disaient se sentir bien malgré les difficultés qui pouvaient exister. Certaines renvoyaient la responsabilité de ce malaise à la direction ; d’autres estimaient qu’elle était le résultat de comportements négatifs manifestés par quelques agents qui formaient un même « clan ». Cette disparité des points de vue mettaient en relief deux regards portés sur la situation du service. Dans cettesituation, le symptôme majeur était que tout était soumis à l’interprétation et au jugement. Dès lors, tous agissaient avec prudence, s’auto-censuraient parfois, de manière à éviter au maximum l’interprétation négative portée par l’autre sur ses actes. Ce fonctionnement était le symptôme d’une relation dégradée. Un système qui fonctionne ainsi par le clivage est pour nous un système paralysé. En effet, les difficultés rencontrées étaient systématiquement externalisées, à savoir que le problème « venait d’ailleurs », « venait de l’autre ». Et tout effort mobilisé par l’un pour améliorer la situation était systématiquement mal perçu et rejeté par l’autre.
Il était donc nécessaire de construire un autre « lien ». D’ailleurs, on observait un désir partagé d’améliorer la communication. Néanmoins, imaginer que la parole soit possible plutôt que l’affrontement, demandait une responsabilité individuelle pour exprimer et entendre les problèmes qui étaient vécus. Ainsi, deux perspectives se dessinaient. La première était liée à l’effort de chacun pour tendre vers un respect interindividuel et ne plus avoir peur de « dire » et de « faire ». La seconde passait par une mise à plat des situations individuelles exposées pour sortir de la nébuleuse dans laquelle se trouvait actuellement le service. Ces situations résultaient en grande partie de dysfonctionnements liés aux multiples réorganisations du service. Il était donc nécessaire de ne pas faire des personnes la cause de la dégradation du service. Mais des insatisfactions très localisées s’étaient durablement installées auxquelles il fallait que la direction s’intéresse : des personnes qui avaient perdu tout ou une partie de leur travail à cause de réorganisations relatives à la répartition sans cesse revisitée de la charge de travail par exemple, alors que d’autres s’étaient vues soustraites à une quantité de travail supplémentaire et trop lourde. Ne pas traiter ces situations maintiendrait le service dans cette nébuleuse. D’ailleurs, les problèmes, qui semblaient connus, avaient été explicitement évoqués et tous les agents avaient le souhait de trouver les meilleures solutions. Le traitement de ces situations devait pousser l’organisation à s’interroger sur l’utilité et la qualité des réorganisations entreprises.
Après avoir restitués ces résultats, puis rédiger notre rapport de synthèse, nous avons soutenu la direction du service dans l’établissement de préconisations. Les séquences d’événements qui ont suivies n’ont pas porté véritablement sur la structuration d’un plan d’action. Cette modalité n’était pas précisée dans la convention passée entre VTE et la collectivité. Elles ont en revanche porté sur la définition de pistes d’action.
Cf. les annexes relatives au terrain B : Présentation de quelques résultats issus du questionnaire.