III-9.2.4. La décision

III-2.2.4.1. L’appropriation organisationnelle

Le changement s’est institué progressivement au sein de l’organisation, et à partir de l’organisation de réunion institutionnelle. Au mois de janvier 2009, le Comité d’Entreprise (CE) nous a contactés afin de présenter les éléments de notre intervention lors de sa prochaine réunion. A partir de ce moment, le représentant désigné du groupe de travail, particulièrement impliqué dans le processus et mis au courant d’une « possibilité de reprise » par l’institution, nous a contactée pour nous fournir quelques éléments sur le contexte qui nous attendait et d’autres conseils. Il souhaitait vivement être présent lors de cette réunion, ce qui n’a pas été possible puisque sa présence reposait sur une invitation des acteurs institutionnels dont il n’avait fait l’objet. La prévention implique du débat. Il avait commencé dans le groupe de travail et il devait se poursuivre. Etait-ce pour autant l’avis de la direction ? Il nous indiquait également qu’une réunion s’était tenue au mois de février 2009 entre la direction générale et le comité de pilotage où avait été souligné l’intérêt de poursuivre, de ne pas fermer un dossier qui suscitait encore beaucoup d’attentes, de la part des salariés comme des membres du groupe de travail. Nous apprenions qu’une présentation des actions initiées suite à l’intervention avait été faite au CHSCT.

Lors de cette réunion au CE, nous avions décidé de présenter le cadre dans lequel s’était déroulée l’intervention, en particulier la contribution d’acteurs paritaires et diversifiés, ainsi que quelques résultats et les problématiques que nous avions identifiées pour construire le changement, complétées de quelques préconisations.

Les échanges avaient lieu entre les représentants syndicaux, VTE et la direction générale. Plus précisément, ils provenaient des représentants et allaient en direction de VTE, et indirectement étaient orientés vers la DG, qui elle s’exprimait directement aux représentants mais jamais à VTE. La DRH, quant à elle, n’est quasiment pas intervenue. Ainsi, les acteurs syndicaux ont pris la parole à tour de rôle. Le premier a rappelé le contexte difficile dans lequel l’intervention s’était déroulée. Après le suicide d’Hervé, il fallait « faire quelque chose en urgence ». Celui-ci a expliqué pourquoi il n’avait pas voulu participer à la démarche, considérant que la direction avait « vicié » la démarche méthodologique. Pour lui, on parlait de « diagnostic partagé », mais par qui l’était-il véritablement ? Il a également fortement critiqué la représentativité de notre échantillon. Toutefois, il reconnaissait que les résultats du diagnostic étaient conformes « à tout ce qui se dit depuis plusieurs années » dans l’établissement, mais également par le médecin du travail. Il constituait pour lui un « nouvel événement ». Puis, il a indiqué que le cadre n’était pas favorable à l’intervention, notamment qu’un dialogue social « rude » avait pu lui nuire. Il maintenait que la direction devait prendre une décision réelle car, a-t-il dit, « on ne traite pas les causes avec du soutien psychologique ». Selon lui, la direction aurait dû laisser le CHSCT délibérer avant d’exprimer d’elle-même son accord pour engager la démarche d’intervention. D’après lui, la direction avait voulu imposer cette solution pour « empêcher » le CHSCT et le « devancer », et « n’[avait] pas laissé le CHSCT travailler ». La DG a ensuite répondu qu’elle avait « la volonté de s’attaquer aux causes ». Quant à nous, nous nous sommes personnellement exprimée sur l’objectivité de notre échantillon ainsi que sur la nécessité de réaliser un changement qui ciblent les causes de la souffrance au travail.

Un autre représentant a ensuite pris la parole. Celui-ci avait participé à la démarche en tant que membre du groupe de travail. Il reconnaissait que « le travail avait été bien fait » et confirmait l’objectivité de l’échantillon. Néanmoins, il a souligné que, selon lui, le plan d’action n’était pas complet, ce que nous reconnaissions. Un autre est intervenu pour demander s’il était possible de permettre de poursuivre le plan d’action à l’aide d’un avenant. Un autre se demandait ainsi « comment traiter les causes si pendant les négociations, on a affaire principalement à des refus de la direction ? ». Ainsi, ils déclaraient « attendre » de voir « comment la direction [allait] prendre en compte tout ceci », en mettant en place des actions, et non pas des « mesurettes ». Après qu’un représentant ait exprimé qu’il avait l’impression de parler à une « statuette », il a demandé à la DG ce qu’elle comptait faire. Celle-ci a souligné la qualité du diagnostic. Mais l’un des représentants l’a interrompu pour questionner la manière dont la DRH interprétait les résultats dont elle était particulièrement la cible. Après quelques attaques de la DRH, l’une des personnes a pris la parole pour demander « comment passer du constat à l’action ? ». C’est sans doute toute notre problématique. Mais les représentants continuaient de se disputer sur les résultats mis en avant par le diagnostic. Si celui-ci faisait débat, après plus de trois trimestres, l’action restait suspendue, bloquée. Enfin, à la fin de la réunion, le directeur des ressources humaines a décliné les différentes mesures prises par la direction suite à l’intervention et pour renforcer la prévention des RPS. Ensuite, les représentants ont débattu des différentes actions, notamment le renfort à la DRH de personnels compétents, qui devait reconnaître son rôle dans les problèmes évoqués. Certains soulignaient que le projet était trop ambitieux pour y croire. Mais que certaines préconisations allaient dans le bon sens, celui des problèmes. Ils exprimaient de manière globale leur étonnement et leur colère en constatant « un décalage phénoménal entre les alertes » réalisées par l’inspection, le médecin du travail, l’étude de VTE, « et les actions entreprises ». Alors que « tous les clignotants [étaient] au rouge », il n’y a « aucune piste d’intervention à la hauteur ». Une personne a insisté, de manière sarcastique, que la meilleure action déclenchée était de faire venir du personnel compétent pour aider la DRH.

Ainsi, l’appropriation organisationnelle a consisté à débattre des résultats du diagnostic et à critiquer la position des uns et des autres dans sa contribution à bloquer le changement. La décision appartient finalement à la direction générale.