III-10.1.3. Analyse du cas

III-10.1.3.1. Analyse du processus d’intervention

Le processus d’intervention ne s’est jamais établi à l’intérieur d’un cadre formalisé. Il a été uniquement alimenté par diverses rencontres auprès des acteurs dont le degré d’implication dans le dispositif était varié. Par ailleurs, le projet d’évaluation a été lancé à l’initiative de VTE et non à celle de la direction. La définition du projet d’intervention a reposé sur trois étapes : la définition des attentes des acteurs ; l’identification succincte des limites du dispositif par la rencontre de quelques membres du dispositif et la réalisation de bilans d’activité ; et la définition des objectifs et des modalités d’intervention. Dans la mesure où il n’y a pas eu de demande explicite de la direction, le temps de l’analyse de la demande n’était pas strictement associé à la négociation d’un cadre d’intervention. La définition du projet d’intervention devait permettre de construire un cadre d’intervention qui précise l’engagement de la direction et la valeur du soutien financier qu’elle concédait à l’intervenant, qui permette de susciter l’adhésion des acteurs et de poser les étapes et objectifs des différentes actions à venir. Enfin, ce cadre nous aurait largement permis d’affirmer notre approche dans l’intervention, basée sur la réunion du collectif et la participation des acteurs. Nous illustrons, à l’aide de ce schéma, le processus d’intervention pour ce cas :

Figure 9 : Le processus d’intervention dans la CAF
Figure 9 : Le processus d’intervention dans la CAF

Ainsi, on s’aperçoit qu’un certain nombre d’actions entreprises devait concerner strictement le temps de l’évaluation et non de sa définition. La difficulté liée à la définition stricte des étapes de l’intervention provenait de l’hésitation de la direction à s’y engager. VTE, voulant être à l’écoute des acteurs, connaissant le temps nécessaire à la maturation d’une demande, et cherchant à réunir les conditions d’un engagement plus impliquant pour la direction, a finalement donné la matière suffisante pour produire des éléments d’analyse des limites du dispositif.

Le coût de l’intervention a dû, par ailleurs, fortement retenir la décision de la direction. La directrice des ressources humaines avait pourtant à plusieurs reprises considéré qu’il était essentiel de réaliser une évaluation plus approfondie du dispositif. Elle avouait ressentir beaucoup de difficultés dans le traitement des situations qui se répercutaient sur elles. Le constat de son incapacité à traiter et de son impuissance l’amenait à suggérer que le traitement engage davantage le collectif. Cette dimension aurait été soulignée par l’évaluation et aurait dû être entendue par la direction. Ainsi, celle-ci n’était pas prête à réunir les conditions de l’implication du collectif. A partir de là, de notre côté, l’intervention ne pouvait se poursuivre sans ces conditions.

L’examen des difficultés qui faisaient toujours obstacle à la mise en place de l’intervention nous a laissée très perplexe. Les arguments amenés par la direction nous paraissaient peu crédibles. Ils venaient contredire le désir d’évaluer le dispositif dans la mesure où l’intervention se serait efforcée de définir des préconisations permettant une meilleure prise en charge de situations particulièrement délicates à traiter et urgentes. Dans la mesure où nous identifions, dès les premiers échanges, que la peur de l’agent était de s’impliquer dans le traitement de sa situation, nous nous serions appliquée à imaginer les moyens de travailler sur cette peur. Mais la direction n’était pas prête à penser les conditions d’une meilleure efficacité pour l’avenir du dispositif. Sa préoccupation était de pouvoir agir au présent par rapport à deux situations apparemment insolubles et urgentes. Implicitement, elle montrait à VTE qu’elle ne souhaitait pas rester passive si un nouveau drame se produisait dans l’organisation, qu’elle avait tiré les leçons du précédent passage à l’acte d’un agent par rapport auquel l’organisation n’avait pas réagi à temps. Ce qu’elle ne saisissait pas était qu’il ne suffisait pas de réagir à temps mais d’agir avec justesse. Sa préoccupation d’agir l’empêchait de penser à la manière de venir en soutien à ces agents.

Nous concevions, à ce moment et d’une manière plus large, qu’il était délicat, dans le processus d’intervention, d’impliquer une direction dans la réflexion et l’analyse des dysfonctionnements. Celle-ci se situait principalement dans la mise en œuvre d’actions structurées autour de son pouvoir de décision. Par rapport au processus d’intervention, il était sans doute complexe de favoriser la prise de décision de la direction dans la mise en œuvre d’un changement sans pouvoir véritablement l’associer à l’analyse des dysfonctionnements et des risques organisationnels ainsi qu’à la recherche de solutions appropriées.

Finalement, en septembre 2009, soit plus de deux ans et demi après cette tentative d’intervention, la directrice des ressources humaines reprenait contact avec nous afin de discuter d’une possible collaboration autour de ce qui avait commencé mais qui n’avait pas pu aboutir. Les changements que vit l’organisation recomposent ses préoccupations et repositionnent les acteurs. Ici le changement était le départ récent du directeur général de la structure. Et, le CHSCT, qui n’avait pas été impliqué jusque là par la direction, malgré les recommandations de l’intervenant, demandait à VTE, par l’intermédiaire de la directrice des ressources humaines, les raisons qui avaient conduit à ne pas poursuivre l’intervention et l’évaluation. Une rencontre a donc été organisée pour faire le point et envisager de nouvelles possibilités et une manière, peut-être, de coopérer autrement.