III-10.2.2.2. La restitution

Deux restitutions ont été réalisées. La première a été effectuée auprès du comité de pilotage. Une seconde, plus synthétique, a été réalisée au mois de janvier 2008 avec la direction et les représentants du personnel au CHS. L’objectif de cette réunion était de débattre les résultats. Cette présentation concernait les premiers résultats « à mi-parcours » car les préconisations devaient être rendues à la fin du mois de février 2008. Les résultats ont été présentés successivement pour chacun des dispositifs106. Les résultats montraient que la démarche « santé au travail » était pertinente mais pas suffisamment lisible et exhaustive, dans la mesure où nous avions constatés que les problèmes exprimés dépassaient les problématiques de violences, d’alcool et de psychotropes.

Plus spécifiquement au dispositif « Violences internes », l’évaluation du dispositif mettait en évidence que le traitement des situations conflictuelles étaient généralement pris en charge en interne dans le service et remontait à la DRH lorsque l’encadrant ne parvenait plus à les réguler. On notait une évolution de la prise en compte de ces questions, mais en dehors du dispositif, ce qui ne signifiait pas qu’il n’y avait pas contribué. Celui-ci ne fonctionnait pas comme prévu107. Au premier niveau, hormis l’action des acteurs médico-sociaux, le groupe de confiance ne fonctionnait pas. Cela posait la question de l’utilité de l’écoutant qui déclarait, par ailleurs, réalisé des temps d’écoute informels, c’est-à-dire en dehors du dispositif. De plus, il existait un problème de confiance dans ce groupe et un doute sur les suites réelles données au problème, sur la crédibilité du dispositif. Au second niveau, certaines situations avaient été traitées, ce qui était positif, mais on soulignait que, formellement, elles n’étaient pas traitées dans le cadre du dispositif, à savoir dans un cadre collectif et formalisé. En effet, le traitement se réalisait de manière traditionnelle, entre les acteurs directement et de manière cloisonnée. Les agents, comme nous, avaient une vision confuse de l’activité du dispositif et celui-ci paraissait être davantage un outil d’aide pour les encadrants dans la gestion des situations conflictuelles. La cible du dispositif s’était déplacée de l’agent à l’encadrant. De plus, ce niveau n’était pas visible, à la fois dans ses réponses, ses résultats et les liens qu’il entretenait avec d’autres ressources. On percevait également une inadaptation des réponses au problème, lié en partie à la question du respect de la confidentialité. Enfin, nous indiquions qu’il existait une fragilité dans le processus dans la mesure où celui-ci convergeait vers un seul acteur, et même vers une seule personne. Il était par conséquent indispensable que l’organisation s’interroge sur son implication dans ce contournement du collectif.

Cette restitution a donné lieu à des échanges. Bien que la collectivité soit dotée de multiples outils de prévention, les débats ont souvent porté sur la définition des objets (qu’est-ce qu’un psychotrope ?). Concernant le dispositif « Alcool et psychotropes », les personnes s’interrogeaient sur la mise en place des contrôles nominatifs de taux d’alcoolémie. Les échanges autour du dispositif « Violences externes » ont quant à eux souligné la nécessité de réagir au plus juste dans la phase post-traumatique et de distinguer ce qui relevait des violences physiques et des violences verbales. Enfin, concernant le dispositif « Violences internes », les acteurs reconnaissaient qu’il s’agissait du sujet le plus complexe des trois. Il leur semblait que les causes de souffrance au travail étaient plus larges que les situations décrites dans les procédures du disposistif. Celles-ci ne tenaient pas compte de l’impact des projets de service et du fait que les agents souffraient d’un manque de reconnaissance, et que les « deltas » de rémunérations entre agents créaient des « situations explosives ». Enfin, les acteurs insistaient sur la nécessité que l’organisation développe une vigilance sur « les signes avant-coureurs ». L’absentéisme étant compris comme un moyen de se retirer d’une situation vécue comme difficile, il constituait le signe d’une dégradation dans l’organisation et devait être analysé, comme d’autres signes de démotivation tels que la lenteur à la prise de poste, à la mise en application des consignes. Par ailleurs, des critiques ont été exprimées sur ce dispositif. Pour les acteurs, il s’avérait difficile de choisir un interlocuteur dans une liste aussi importante108 ; l’écoute de multiples situations d’un même collectif de travail ne pouvaient pas être mise en connexion ; le problème de la confidentialité des entretiens réalisés à la DRH et l’inadaptation du lieu. Cependant, les acteurs se sont également exprimés sur les conditions de réussite de ce dispositif. L’une des conditions était de travailler ensemble, en tendant à décloisonner le traitement, en renonçant à stigmatiser une catégorie et en mettant en cause uniquement un individu. Enfin, le souhait a été exprimé de revoir la limite imposée entre le traitement syndical et le traitement par le dispositif. Ainsi, l’intervention commençait à avoir une utilité plus large pour le collectif. Les représentants syndicaux réfléchissaient aux liens possibles entre ce dispositif, porté par la direction, et leurs actions propres. Ceci a été possible dans la mesure où l’intervention a recherché, dès le départ, l’implication des partenaires sociaux et la transparence de la direction.

Il était clair pour les acteurs que les outils ne pouvaient pas fonctionner seulement à partir de procédures et que personne ne détenait seul la solution. Ils s’accordaient pour dire que la transparence donnée aux résultats produits permettrait d’augmenter l’adhésion au dispositif et la mise en débat régulière des difficultés rencontrées permettrait de l’améliorer. Enfin, la fin des échanges a porté sur l’intérêt d’intégrer un psychologue du travail dans l’organisation. Mais les acteurs convenaient qu’il était nécessaire, avant de prendre cette décision, de décider de ce qu’ils voulaient ensemble.

La fin de la réunion précisait que nous devions rendre notre rapport et nos préconisations à la fin du mois de février, que le comité de pilotage ainsi que le groupe de travail « santé au travail » se réuniraient tous les deux au mois de mars.

A partir de là, nous commencions donc à réfléchir à des pistes de préconisations. Cette réflexion n’a pas associé les acteurs de l’organisation109.

Notes
106.

Cf. les annexes relatives au terrain F : Résultas : analyse détaillée de l’évaluation des dispositifs.

107.

Des situations autres qu’individuelles étaient traitées et le traitement des situations se faisait dans un cadre qui n’était pas collectif.

108.

Rappelons qu’il existait trente membres du groupe de confiance.

109.

Nous n’avions pas encore abouti à notre modèle d’intervention et nous ne concevions pas encore d’utiliser les modalités d’intervention que nous déployions, par ailleurs, dans la réalisation de plans d’actions associés à celle de diagnostics (prévention primaire). A ce moment, nous concevions la construction de préconisations relatives à l’amélioration d’un dispositif comme reposant uniquement sur l’intervenant et son expertise. Nous n’impliquions pas le collectif dans cette seconde étape de la détermination des préconisations.