III-10.2.5.3. Le rôle de l’instrumentalisation dans le processus d’intervention

Cette réflexion sur le risque d’instrumentalisation nous amène à nous interroger plus largement sur le rôle de l’instrumentalisation dans le processus d’intervention. Le risque d’instrumentalisation était-il toujours présent dans l’intervention ? Doit-il être évité et comment ? Peut-il être maîtrisé par l’intervenant ? Comment dévoiler son sens ? A-t-il une utilité pour le processus d’intervention ? A-t-il un sens qu’il faut interpréter comme un indice des enjeux qui traversent l’organisation ? Peut-il explicitement être interrogé avec les acteurs pour mettre en lumière ces enjeux et leurs effets sur la dynamique sociale et organisationnelle ?

Pour nous, l’instrumentalisation est certes un risque redoutable pour l’intervention et sa réussite. Néanmoins, elle marque la dynamique d’appropriation de la démarche par les acteurs. Pour qu’une démarche existe dans une organisation, il est nécessaire qu’elle s’inscrive dans les enjeux qui divisent et malmènent les acteurs qui tentent malgré tout de manœuvrer de manière à avoir l’avantage sur l’autre. Cette nécessité est sans doute d’autant plus importante lorsque l’intervention porte sur la problématique sensible de la santé psychique au travail. Pour que ce risque ait une utilité pour le processus d’intervention, il faut qu’il participe à la dynamique d’appropriation de la démarche par les acteurs. Cette dynamique est « naturellement » conflictuelle, en tout cas lorsque l’action est collective. L’intervention ne s’impose pas simplement de manière consensuelle. Elle impose du conflit entre les acteurs. Ce conflit les conduits à défendre leurs intentions, leurs attentes, à formuler les conditions à partir desquelles ils s’engageront et, en même temps, à exposer leur volonté implicite d’instrumentaliser l’intervention et à nous instruire sur les enjeux que celle-ci représentent pour eux. Pendant que les acteurs sont pris dans les enjeux de l’intervention, l’intervenant lui s’occupe de mettre du cadre et empêchera peu à peu ces enjeux de faire écho sur la définition de l’intervention.

Le risque est que l’intervention soit instrumentalisée contre l’autre. Si l’intervention s’engouffre dans une ou l’autre orientation, ce risque devient réel. Mais si l’intervenant parvient à entendre ces intentions tacites, en les orientant vers la mise en débat plus large, pour produire un conflit qui pourra trouver un mode de régulation dans la définition partagée d’objectifs. L’utilité de l’évaluation pour le collectif peut résider dans la possibilité donnée aux acteurs de réguler un conflit à partir de leur regroupement autour d’un projet qui ne sera pas leur relation, mais l’évaluation d’un dispositif, par exemple.