III-10.2.6. Éléments d’analyse rétrospective du cas

Le premier entretien a été axé sur les effets de l’intervention. La personne nous a donc fait part de ses observations sur l’intervention et ses effets sur l’organisation. Elle dit très bien s’en souvenir et ajoute qu’elle a particulièrement bien travaillé avec son supérieur dans la mise en œuvre de la démarche. Elle a notamment souligné la modification de la posture organisationnelle car, selon elle, la direction a une posture plus globale depuis l’intervention. Elle explique que ce qui était auparavant « implicite » et « indicible » est devenu « l’explicite dicible ». L’intervention a permis de changer de regard et d’augmenter la coopération entre acteurs. Elle précise qu’avec l’intervention et la prise de connaissance des résultats de l’évaluation, les acteurs ont compris qu’ils avaient un rôle déterminant sur les RPS et ont changé leur posture face à la prévention ; et qu’en plus « ils savent qu’ils n’ont pas intérêt à ce que la santé des agents se dégradent ». Pour elle, ce qui a été positif dans le processus d’intervention est le fait que les acteurs puissent se permettre seulement de dire qu’ils allaient évaluer le dispositif. Elle a souligné la valeur de la posture de VTE par rapport à la question du collectif et pensait que le fait que nous ayions encouragé l’intégration d’un élu du personnel et des organisations syndicales dans la démarche avait permis de faire progresser les acteurs vers plus de coopération, suscitant ainsi une évolution des postures de chacun. Tout cela a amené les acteurs de la DRH à se sentir protégés dans l’intervention du fait de l’implication de l’ensemble du collectif. Elle a avoué avoir été très étonnée et réticente au départ par cette proposition d’impliquer l’ensemble des acteurs et de s’être progressivement sentie en sécurité dans l’intervention.

Elle nous avoue également, qu’à l’origine, la collectivité avait fait appel à VTE car « l’organisation n’avait pas le courage de dire les choses ». Elle souligne qu’ « aujourd’hui, l’organisation osera dire si elle perçoit une dérive » liée à la centralisation du processus de traitement des violences internes sur un acteur unique. Elle déclare ainsi que « l’évaluation a beaucoup fait mûrir l’organisation ». Le rapport remis aux acteurs avait permis de disposer d’une liste de préconisations sur lesquelles ils ont pu travailler. Nous apprenions également que l’évaluation avait permis notamment de changer la posture des acteurs à l’égard du dispositif « Violences internes » ; que la collectivité avait recruté un psychologue du travail et avait défini sa fiche de poste à partir des éléments soulevés dans l’évaluation et des préconisations que nous avions formulées. L’organisation veillait à ce que ce nouveau professionnel tende vers le collectif et n’agisse pas seul. Elle pense que « ce qui a fait que cela a changé est qu’on a su définir, à partir des préconisations, le poste de ce professionnel ». Par ailleurs, la direction a souhaité que ce professionnel réponde à d’autres missions que le fonctionnement de ce dispositif et exprime ainsi sa volonté d’éviter de surinvestir le dispositif par ce professionnel qui constituerait une nouvelle dérive.

Elle explique enfin que « l’organisation a beaucoup appris avec l’évaluation » et que celle-ci a permis de rassurer les représentants du personnel et de permettre aux acteurs de « regarder autrement le dispositif ». Ainsi, « aujourd’hui, ils sont prêts à faire évoluer le dispositif ». De plus, une nouvelle procédure a été écrite avec les représentants du personnel dans laquelle a été affichée la modalité du traitement collectif, ce qui contredisait l’élément soulevé par l’autre acteur que nous avons interrogé. Ensuite, les préconisations ont conduit l’organisation à réfléchir aux moyens de mieux connaître les contextes spécifiques de travail afin d’adapter les dispositifs. La personne précise que les acteurs essaient également de dégager collectivement des « familles de situations » pour prévenir et intervenir plus efficacement. Par ailleurs, il a été décidé l’organisation d’une réunion avec le réseau des écoutants professionnels pour mettre en commun des situations et développer la prévention. En revanche, elle est plus réservée et critique même à l’idée de « payer un intervenant pour mettre en place un groupe de confiance puis le payer ensuite pour le critiquer ».

Enfin, concernant le dispositif « Violences internes », la personne a souligné que les acteurs semblaient continuer de ne pas croire dans le groupe de confiance. Ils percevaient un problème au niveau de sa composition car il ne reflétait pas suffisamment la diversité sociologique de la collectivité. Elle a insisté également sur le fait qu’il ne fonctionnait pas. Selon elle, les acteurs souhaiteraient le supprimer mais ils se heurtent aux écoutants qui eux veulent le garder pour préserver leur rôle. Elle a déclaré alors : « Même pour modifier sa composition, on n’ose pas y aller » et a ajouté : « Certaines personnes ne peuvent pas être en état d’écouter ». Elle percevait également un problème de déontologie lié au respect de la confidentialité qui ne permettait pas de traiter les situations. Les procédures, d’une certaine manière, cautionneraient le non signalement de danger avéré. Ainsi les acteurs pensent aujourd’hui à supprimer le groupe de confiance dans la mesure où le réseau professionnel est largement suffisant et poserait moins de problème de confiance et de légitimité. La personne a déclaré à la fin de l’entretien qu’aujourd’hui, « l’organisation est plus efficace » sur la prévention des RPS au travail mais qu’il reste néanmoins des choses qu’elle n’arrive pas à dire.

D’autre part, notre entretien avec le psychologue du travail nous a permis d’envisager les changements entrepris pour le dispositif « Violences internes » qu’il investit tout particulièrement dans sa fonction. Il nous a ainsi indiqué que, visiblement, il existait une plus forte adhésion des syndicats à la démarche et au dispositif en particulier, et que des progrès avaient été effectués au niveau de la coopération avec ces acteurs. En effet, auparavant, le dispositif avait suscité des oppositions. Notre interlocuteur soulignait que c’est l’évaluation qui avait permis d’impulser le collectif vers la concertation. Cet entretien a également confirmé qu’une distinction devait continuer de se maintenir entre la DRH et les représentants du personnel dans le traitement des problèmes.