IV-12.1.1.2. La transparence de la direction

Une autre condition sera donc la transparence que devra assurer la direction au départ du lancement de l’intervention, en impliquant le plus rapidement les acteurs syndicaux. Cette question de la transparence ne se pose pas uniquement au début de l’intervention, pour convaincre de la sincérité de la direction, mais tout au long du processus et particulièrement lorsqu’elle prend fin. Car dans de nombreux cas, la suite échappe aux acteurs qui ont participé à la réflexion. La décision appartient à la direction, et elle n’est pas toujours prête à en assumer les conséquences. Par ailleurs, nous pensons que les attentes des acteurs sont d’autant plus fortes qu’ils ont été impliqués dans un processus de prévention primaire. De ce point de vue, elle peut aggraver la coopération entre les acteurs lorsqu’aucune suite favorable n’est donnée. Si la littérature souligne que la prévention primaire semble la moins utilisée (Brun & al., 2003 ; Hansez & de Keyser, 2007 ; Hansez, Bertrand & Barbier, 2009) parce qu’elle requiert la poursuite de changements dans l’organisation (Elkin & Rosch, 1990), pour les espoirs qu’elle suscite, elle est celle qui génère le plus d’attentes. Pour cela, elle est également celle qui engendre le plus de déception, car l’étendue espérée de son action se situe dans le champ organisationnel et des causes. D’ailleurs, nous avons souvent entendu lors de nos interventions des représentants de direction déclarer l’inutilité d’une ancienne intervention qu’ils avaient déclenchée, en sous-entendant qu’elle avait donné lieu à des propositions de changement trop abstraites, trop décalées qui n’avait pu conduire qu’à une décision superficielle et non engageante de la direction. Derrière cet argument, on pouvait percevoir le dégagement d’une direction qui n’est pas prête à en assumer les conséquences, malgré le coût qu’elle avait eu pour l’organisation. Bien que la littérature donne quelques éléments permettant de conduire une intervention dans un cadre favorable, elle ne souligne pas l’importance de cette condition alors qu’elle permet d’aborder sereinement les espaces de confrontation et de collaboration. Toutefois, Hansez & de Keyser (2007) considèrent que bien menée, l’intervention primaire est la seule garante d’une efficacité maximale de la réduction du stress « mais les interventions sont souvent lourdes, difficiles à mener, et exigent une volonté politique de changement dans l’organisation qui n’est pas toujours présente » (p. 192).

L’impact du manque de transparence s’est particulièrement révélé dans l’intervention menée au sein de l’établissement culturel. Ce manque de transparence est lié au fait que la direction n’assumait pas l’intervention. Celle-ci met en cause la capacité des acteurs, en particulier de la direction, à établir des conditions de travail favorables à la santé psychique des travailleurs qu’elle est censée prévenir. Respecter la condition de transparence implique de démontrer la clarté des objectifs fixés et la manière dont ils ont été négociés, d’être clair sur les raisons qui ont amené la direction à déclencher une intervention et d’être explicite sur l’engagement des acteurs à poursuivre une action.

L’intervention menée dans l’établissement culturel est emblématique des obstacles et pièges qui se posent dans l’intervention et qui ne vont donc pas favoriser le changement. Ici, la direction se dérobait, n’assumait pas son engagement et était ambigüe sur les finalités visées. De plus, elle agissait de manière à déstabiliser les intervenants dans la poursuite des actions et à déprécier sa valeur pour l’organisation.

La transparence est nécessairement favorable à l’adhésion des acteurs. Mais lorsqu’elle est faussée ou complètement absente, elle va nuire à l’adhésion et à l’engagement.