IV-12.1.1.3. L’adhésion des acteurs

L’adhésion est vectrice du soutien aux acteurs qui ont la responsabilité de conduire l’intervention. Elle résulte d’un attrait pour l’intervention, de la croyance dans la contribution et la résonance qu’elle va avoir sur l’organisation, et de la reconnaissance implicite ou explicite de l’entité garante des objectifs et de la déontologie de l’intervention. Parfois, la direction est dans la crainte d’une trop forte résonance, car l’intervention est inévitablement « impliquante » pour elle. Et la direction de la CAF l’avait bien compris. Mais elle peut l’être également pour les partenaires sociaux qui souhaitent tenir contre la direction et maintenir leur position à l’égard des travailleurs qu’ils défendent. Seuls Hansez & al. (2009) ont mis l’accent sur cette question de l’adhésion en expliquant qu’il est important, pour que l’intervention ait des effets favorables, que la direction adhère et soutienne la démarche et ses objectifs. Pour nous, l’adhésion doit concerner l’ensemble des acteurs impliqués. De plus, elle doit résulter d’un acte volontaire de s’engager. L’adhésion à l’intervention est liée à l’espoir qu’elle est capable de susciter pour les acteurs, la croyance en un passé révolu et à un avenir organisationnel possible et meilleur, mais elle est également le premier des dangers pour les acteurs qui espèrent. Paul Nizan (1938) écrivait : « L'essentiel consiste à s'accepter. Rien ne me sollicite davantage que l'idée d'engagement irréversible. Il nous faut inventer les contraintes qui nous interdiront l'inconstance ; l'adhésion à la révolution ne doit pas être une promesse à temps sur laquelle il soit un jour licite de revenir » (p. 64).

L’adhésion n’est pas toujours présente dès le début de l’intervention, parfois elle s’acquiert au fil de l’intervention, voire à la fin comme cela a pu être le cas au sein du journal. En effet, ce n’est que lors de la restitution des préconisations que les acteurs, même les plus impliqués dans le processus, ont exprimé leur adhésion et ont reconnu l’utilité de l’intervention et des conditions que nous nous étions efforcée d’instaurer sans qu’ils n’éprouvent véritablement leur intérêt. Concernant l’intervention menée au sein de la Mairie, la dynamique de l’adhésion était acquise dès le départ au sein du comité de pilotage, mais celui-ci n’impliquait pas les acteurs syndicaux ; et elle s’est manifestée à l’intérieur du groupe de travail à partir du moment où les acteurs ont été convaincus que l’évaluation du dispositif interrogerait l’ensemble des acteurs, des élus jusqu’aux organisations syndicales. Toutefois, pour l’une des organisations syndicales, qui souhaitait maintenir son cap politique, cela n’a pas suffit. La restitution des résultats de l’évaluation a renforcé l’adhésion des acteurs mais les enjeux politiques et la dégradation des rapports avec la DRH étaient trop importants pour que cette organisation franchisse le pas de la coopération. Franchir ce pas implique de s’extraire d’un fonctionnement relationnel clivé pour envisager autrement la posture de l’autre et d’apprendre une autre manière d’agir ensemble. Au sein du service appartenant à la collectivité territoriale, l’adhésion des agents était possible à condition que l’intervention leur donne la possibilité de dénoncer les dysfonctionnements de l’organisation du travail et du management. Mais la perception que le changement pouvait nécessiter une modification de leur posture suffisait à empêcher cette adhésion. La direction, quant à elle, prise dans la peur d’une résonnance de l’organisation sur sa situation en se voyant mise en cause, retenait son adhésion, ce qui ne l’empêchait pas de l’afficher quand même devant les agents. Au sein de la collectivité territoriale, l’ensemble des acteurs adhérait à l’intervention et en avait été les instigateurs. L’adhésion devait dépendre du crédit que l’intervenant serait capable de donner au projet lié au dispositif. Enfin, au sein de la collectivité locale, l’adhésion se limitait à une partie des acteurs et elle participait de leur intention d’instrumentaliser l’intervention en mettant en cause un acteur particulier. Ils étaient également à l’origine de l’initiative de l’intervention. L’acteur en cause ne pouvait adhérer ressentant que l’intervention allait se faire contre lui. Dans de telles conditions, il devient complexe de créer les conditions d’une confrontation favorable au changement.