IV-12.1.3. Les éléments favorables à la décision de changement

Le cadre négocié dans nos interventions ne nous a pas permis d’étudier ce qui allait être moteur dans la prise de décision de changement de l’organisation par la direction. Nous avions fait l’hypothèse que ce qui allait lui être favorable était la manière dont l’intervention allait amener les acteurs à s’approprier les éléments produits par celle-ci. Nous souhaitions en effet étudier comment mettre en rapport processus d’intervention et dynamique de changement. Ainsi, nous nous sommes attachée à mettre en relief la manière dont la collaboration avec les acteurs pouvait permettre de définir, d’’implanter et d’orienter des actions visant à modifier l’organisation (Jabot & Bauchet, 2009). Ce processus est orienté par la recherche maîtrisée et progressive de la connaissance à l’action. Parce que de nombreux obstacles bloquent le passage de l’évaluation à l’action (Hansez & al., 2009), nous voulons mettre en lumière ces facteurs bloquants et limitants et les facteurs progressifs et favorables.

L’importance de l’analyse de la demande pour identifier les éléments liés à la problématique et à l’action attendue pour construire un cadre permet également de projeter les différentes étapes d’une dynamique de changement. Nous proposons par la suite un outil permettant de faciliter l’identification conjointe des objectifs et des limites de l’intervention. Nous confirmons notre hypothèse relative à la nécessité de créer les conditions de l’implication du collectif à partir de la mise en place de groupes de pilotage et d’analyse mais pensons qu’il est limitant pour favoriser le changement de distinguer, à l’intérieur de ces structures, ce qui relève de la réflexion collective et ce qui relève de la décision.

D’autre part, nous pensons que plusieurs éléments peuvent permettre de soutenir la décision de changement. Tout d’abord, il est important de donner, à l’intérieur du cadre d’intervention, la même importance, symboliquement et en termes de temps consacré, à l’évaluation qu’à la construction de préconisations. Chacune doit donner lieu à une restitution des éléments produits collectivement. Ensuite, l’intervenant est censé proposer un accompagnement du processus de changement et d’afficher sa disponibilité. Mais après cela, il est nécessaire que le processus s’oriente de manière à amener les acteurs, même ceux qui n’étaient pas directement impliqués, à s’approprier les éléments de l’intervention. La conduite de l’intervention dépend de la capacité de l’organisation à s’approprier et mettre en œuvre les actions guidées par le souci de pérennisation de son impact (Guérin & al., 2001). Nous pensons que cela demande de préserver le lien avec la direction et les professionnels de la santé au travail mais également de convaincre l’organisation de diffuser ces éléments et de les discuter au sein d’instances engageantes pour elle dans le but de dégager collectivement une stratégie pérenne de prévention. Pour cela, il est fondamental que le cadre d’intervention ne s’arrête pas à l’étape de la restitution du plan d’action mais qu’il prévoit d’autres restitutions au sein par exemple du CHSCT ou du CE de l’organisation. Enfin, il est important également que l’intervenant soit en capacité de donner des clefs et une lisibilité de ce que le changement impliquera ainsi que sur ces modalités de mise en œuvre. Enfin, pour favoriser cette appropriation, nous avons choisi, au fil des interventions, en percevant la faiblesse de l’impact des éléments produits sur l’appropriation organisationnelle, d’insérer dans le rapport de synthèse diffusé à la fin de l’intervention aux acteurs impliqués, un compte-rendu des éléments discutés lors de la restitution du plan d’action. A ce titre, les réactions exprimées et les perspectives dessinées ne peuvent être niées. Si l’intervention représente un moment particulier dans la vie de l’organisation (Guérin & al., 2001), la trace laissée par ce compte-rendu faisant état des réactions exprimées « à chaud » en est l’un des marqueurs. Mais l’idéal pour favoriser la décision de changement est que le cadre d’intervention convienne de la réalisation d’une évaluation permettant de mesurer les effets de l’intervention. A ce titre, la direction convient d’afficher un engagement crédible et inscrit dans la durée.

Notre recherche s’est également intéressée à la problématique du non-recours en l’associant au problème posé par les dispositifs de préventions dans les organisations. Nousa avions formulées différéntes hypothèses, centrées sur les sources du recours ainsi que sur les conditions d’efficacité.