IV-12.2.1.1. Les limites de l’investissement dans le collectif ou l’oubli des préoccupations individuelles

VTE défend une posture dans l’intervention qui vise à favoriser l’internalisation des processus de prévention des RPS au travail. Penser que seules les solutions sont à l’extérieur est pour elle une idée fausse et une dérive pour la prévention. La mise en place de processus durables doit se fondre dans les ressources de l’organisation. Le dispositif incarne en cela cette posture. Il réunit les acteurs autour de la prise en charge, l’écoute et la prévention. Cette posture contient des valeurs essentielles pour que l’organisation s’implique dans la prévention car c’est par l’internalisation qu’elle peut produire des processus durables. Mais nous pensons que la volonté d’internaliser des processus en impliquant le collectif peut en quelque sorte s’opposer à la problématique que pose le recours individuel vers une aide organisationnelle.

Nous avons choisi d’étudier les dispositifs à partir de l’efficacité perçue qu’en avaient les acteurs impliquées et du point de vue de ce qui favorisait ou empêchait le recours. Cette efficacité perçue, qui soutient la crédibilité du dispositif, nous l’avons interrogée à partir de différents critères précédemment présentés. De même, les déterminants du recours ont été étudiés à partir de différentes conditions, permettant au sujet de se sentir en sécurité, acteur du processus et capable de mettre en rapport son problème et les réponses proposées par le collectif. Le dispositif de VTE n’a pas été élaboré à partir de ces questionnements. Les procédures qui l’ont progressivement structuré visaient à créer les conditions d’une coopération sécurisante pour les acteurs qui avaient à le faire fonctionner : produire les conditions de la pluridisciplinarité indispensable aux actions de prévention. Cette sécurité devait leur permettre d’aborder des problèmes sensibles en ayant à l’esprit les règles déontologiques de métier de chacun. Améliorer l’efficacité du dispositif nécessite que VTE réoriente le dispositif vers les attentes, les préoccupations et les inquiétudes des individus qui pourraient envisager d’y recourir et donc de se décentrer du collectif composé des acteurs institutionnels. Ce qui fait l’originalité et la force de VTE, par la recherche du renforcement de régulations institutionnalisées dans l’organisation, constitue une limite à l’efficacité des dispositifs qu’elle met en place. Améliorer l’efficacité demande de construire une plus forte préoccupation pour l’individu, ce qui ne signifie pas abandonner le collectif ou tomber dans l’individualisation. C’est développer un regard lucide sur les ressources collectives et les obstacles au processus de recours internes. La question à poser est de savoir pour qui, finalement, ces dispositifs s’orientent ? Sont-ils en priorité une réponse pour les personnes en souffrance ou pour le collectif ? Peut-être qu’ils peuvent être les deux à la fois mais cela demande de les investir autant l’un que l’autre. Mais l’étude que nous avons menée a montré que ce n’est pas encore le cas. Ainsi le changement auquel donnera lieu cette recherche devra tendre vers une interrogation de VTE sur la cohérence entre l’intérêt pour le collectif et pour celui de la personne. L’efficacité du dispositif doit respecter cette cohérence : celle de la coopération des acteurs permettant de produire une vigilance collective sur l’organisation ; et celle de permettre la constitution d’outils d’aide suffisamment sécurisant pour les personnes. Quand VTE nous proposait d’étudier les raisons du manque d’efficacité du dispositif, elle ne soupçonnait sans doute pas que l’une des limites était l’investissement exclusif donné à la question du collectif, qui ne peut à lui seul déterminer le déclenchement de demandes d’aides dans l’organisation. Une multitude d’enjeux, qui dépasse le collectif, pèse sur la décision de recourir ou pas à un dispositif quel qu’il soit.