IV-14.1.2. Proposition d’un modèle d’intervention intégratif

Nous proposons donc ce modèle intégratif dans les domaines de la prévention et de la construction de la santé psychique au travail, axé sur les correspondances potentielles :

Figure 16 : Définition du niveau de correspondance entre les objectifs de la prévention et les objectifs de la construction de la santé au travail
Figure 16 : Définition du niveau de correspondance entre les objectifs de la prévention et les objectifs de la construction de la santé au travail

Ce schéma nous aide à penser des correspondances possibles entre les problématiques de la prévention et de la construction de la santé psychique au travail. La relation triangulaire signifie la nature des liens interactifs qui se tissent entre l’individu, le collectif de travail et l’organisation, au cours des situations quotidiennes de travail comme au cours d’une intervention. Le second triangle marque l’interdépendance entre les trois aspects fondamentaux de l’activité : le travail prescrit, réel et l’autonomie. Du côté de l’organisation, on conçoit trois dimensions qui façonnent le sens de sa relation à l’individu et au collectif. Il s’agit du travail prescrit, qui lui appartient, du travail réel dont elle doit tenir compte en reconnaissant les insuffisances du prescrit et la nécessité de faire appel à la créativité des individus et des collectifs. La manière dont elle parviendra à tenir ces deux dimensions dans un relatif équilibre reflètera en partie son niveau de maturité sur la question de l’interaction des travailleurs à l’organisation, en leur reconnaissant un pouvoir d’agir. L’intervention de niveau primaire pourra favoriser cette mise en équilibre du travail prescrit et réel. Elle devra chercher à connaître les situations réelles de travail. En transformant l’équilibre prescrit-réel elle favorisera la maturation de l’organisation sur cette question mais également plus largement sur les processus de construction de la santé psychique au travail. Cette équilibration prescrit-réel cherchera à construire une forme d’autonomie appropriée pour permettre la mise en œuvre des régulations et du pouvoir d’agir. Lorsque l’intervention veillera à réunir les conditions pour que le collectif des acteurs institutionnels se rencontrent et investissent positivement les moments de confrontation, elle produira des effets positifs sur la coopération. Du côté du collectif de travail, il est quant à lui pris entre l’exigence de répondre au travail prescrit et au développement de son autonomie pour parvenir à affronter le travail réel. L’intervention en prévention primaire visera à garantir cet équilibre en veillant à déceler les besoins d’autonomie et à les adapter aux exigences du prescrit, sans pour autant chercher à régler l’ensemble du travail réel qui est l’espace de développement du pouvoir d’agir et du genre professionnel. Enfin, du côté de l’individu, sa santé reposera sur la liberté et les épreuves qui lui seront données pour développer son pouvoir d’agir. Celui-ci pourra se construire dans la maîtrise d’un équilibre entre autonomie et travail réel sans perdre de vue le travail prescrit. Il puisera dans le collectif de travail les règles partagées pour évaluer l’effort à fournir pour maintenir cet équilibre et aura l’occasion de s’en démarquer en mettant en rapport et avec adresse le travail réel et son autonomie. Le style de son action réside dans la mise en œuvre d’une régulation originale née du réel et d’une utilisation nouvelle de l’autonomie et des ressources du collectif.

Par conséquent, l’intégration de la question du travail réel dans la problématique de la prévention primaire et la détermination d’actions permet de faire correspondre prévention et construction. Dès lors, l’intervention doit intégrer la question du métier et tendre vers l’autonomie, le pouvoir d’agir et la maturation. Dans la pratique de l’intervention, cette correpondance peut s’effectuer à partir de l’observation des espaces de régulation en situation réelles de travail dans le temps de l’évaluation, en identifiant non pas des risques pour la santé psychique mais des ressources de diverses natures. Puis, dans le temps de l’action, après avoir pris connaissance de ces enjeux de régulation et de leurs effets, en construisant des préconisations qui veillent à ne pas leur nuire et à les renforcer. Ensuite, l’intervention peut prévoir de mettre en discussion ces actions de changements avec les travailleurs afin de percevoir l’impact pour les situations réelles de travail et leur utilité sur l’équilibration du travail prescrit avec le travail réel en fonction de l’autonomie nouvellement définie.

Néanmoins, parler de promotion ou de construction de la santé au travail, psychique ou physique, peut apparaître parfois « déplacé » ou en décalage par rapport aux discours tenus sur la nécessité de la prévention en des temps particulièrement graves. Nous souhaitons malgré tout franchir le pas et oser réfléchir à cette association prévention/construction.