Annexe 1.4.6. Retranscription d’un entretien : Leïla, une femme chargé de mission et contractuelle

Nous avons choisi de faire apparaître le texte de cet entretien dans la mesure où il révèle les problématiques liées à une situation de précarité qui se posent de manière spécifique à un agent contractuel d’une collectivité territoriale.

Présentation de la démarche et du guide d’entretien.

Donc, par rapport à cette demande de (la collectivité territoriale : CT) qui souhaite parler des questions de souffrances et de violences, qu’est-ce que ça vous évoque ?

Non moi je crois que dans la mesure où c’est une, où la (CT), en termes d’effectif, importante, ben il est normal qu’on se préoccupe de la situation, au quotidien des agents, et de, des difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans leur, dans leur mission, dans leur fonction. Non moi je trouve que c’est une bonne chose.

Vous savez pourquoi on s’y intéresse maintenant ?

Je pense que c’est aussi probablement la personne des, des dirigeants de la collectivité. Les élus, peut-être la sensibilité qu’ils ont aujourd’hui à vouloir s’intéresser à ces questions-là. E puis peut-être aussi parce qu’il y a eu des remontés, d’agents, enfin. Des élus et l’administration, ont dû ressentir la nécessité d’avoir recours à, à ces questions-là, et de pouvoir les traiter avant que la situation, devienne plus grave. Il y a probablement des cas d’agents effectivement qui sont remontées et, des situations particulièrement difficiles qui nécessitent aujourd’hui, ben de les voir traiter.

Quelles sont ces situations difficiles ?

Oh ben je suppose des relations un peu conflictuelles au sein des services ou. Ben les relations que peuvent entretenir la hiérarchie avec les équipes en place. Voilà, notamment.

Est-ce que vous pouvez me décrire un peu, à la fois le climat qui règle, ou l’ambiance qui règne dans toute (la CT) en général, et en particulier dans votre service ?

Encore une fois, moi j’ai un peu du mal à répondre à cette question parce que je suis là depuis quelques mois. Bon j’ai j’ai. Ça fait douze ans presque que je travaille dans l’administration. Toujours comme contractuelle. Position pas facile. Donc, euh, pour ce qui concerne spécifiquement la (CT), encore une fois, j’ai pas un recul très important, pour pouvoir parler de l’ambiance. Mais, je dirais simplement, que j’entends ici et là des bruits qui courent, de collègues, de collègues plus ou moins proches. Ben qui disent que, effectivement, y aurait peut-être besoin d’un rapprochement, de la hiérarchie, avec les agents. Des difficultés que peuvent rencontrer aussi certains agents, entre les élus, qui prennent les décisions, et les techniciens, qui sont là pour exécuter bien entendu les décisions de l’exécutif, mais également pour participer à ces décisions en apportant des éléments techniques. Donc peut-être, effectivement, un rapprochement nécessaire entre, ben ces élus et les services. Et les agents donc qui composent ces services. Et puis peut-être aussi, une meilleure information. Un rapprochement, entre la hiérarchie, dans le service, et les agents.

Dans votre service, ça se passe comment ?

Ben, service tourisme. Y a un chef de service depuis. Qu’est arrivé en même temps que moi. Donc, y a trois mois qu’il est là. Bon ben, pour l’instant ça se passe bien ? C’est quelqu’un de volontaire, dynamique, qui a envie de, qui a envie de diriger le service au mieux et. On sent vraiment ce côté très motivé, et volontaire. Mais en même temps y a, bon y a beaucoup à faire au sein du service. Je crois qu’il faut le laisser le temps aussi peut-être de s’imprégner de l’ambiance. C’est quelqu’un d’extérieur qui vient d’arriver. Il vient de. Enfin il a eu le concours d’administrateur et là ça fait. Là il vient d’avoir son, sa, enfin comment dire ? Sa formation vient de s’achever, et donc voilà, maintenant il est là, à temps plein, au service.

Comment vous vous sentez vous personnellement dans votre travail ?

Heu, moi je dirai qu’il y a une chose qui est fondamentale, et qui participe d’une certaine souffrance hein, au travail. C’est la situation de précarité dans laquelle je suis depuis plusieurs années. Bon j’ai un parcours assez atypique, enfin assez atypique tout en restant très. Comment dire ? Aussi un peu dans les normes quoi parce que j’ai toujours travaillé dans l’administration. Au sortir de mes études j’ai. Je suis titulaire d’un DESS, en droit. Et j’ai toujours travaillé, j’ai toujours eu des contrats dans l’administration. Bon après, la vie a fait que je me suis installée, que j’ai eu des enfants. Que. Du coup, ben j’ai toujours profité de contrats. Et après plus de 10 ans, je vous dis aujourd’hui, c’est pas une situation satisfaisante. La précarité c’est vraiment, ça pèse tous les jours. On y pense tout le temps.

Parce que du jour au lendemain vous pouvez

Ah ben j’ai un contrat qui va jusqu’au 15 juillet, voilà. Et au 15 juillet je me retrouve.

Si il est renouvelé ?

Ah ben non il sera pas renouvelé, c’est clair puisque les contractuels à. Les emplois temporaires à (la CT) sont d’une durée maximale, maximum de 14 mois. Donc j’ai déjà fait.

Vous ne pouvez pas être intégrée après ?

Non. Non parce que. Il faut passer un concours pour. C’est la voie normale de recrutement dans l’administration le concours. Sinon y a des. Jusqu’à présent, moi j’ai toujours eu des contrats de trois ans renouvelables. Mais il se trouve que ben cette fois à (la CT) c’est. Je suis arrivée, y avait de moins en moins de contrats de trois ans. Donc, on ne peut rentrer à (la CT) que sur des missions temporaires. Et les missions temporaires ben sont d’une durée maximum de 14 mois. Donc j’ai déjà fait une première mission de mai à octobre, 2005. Un remplacement congé maternité. Sur un poste de cadre. Et là je suis depuis le mois de novembre jusqu’au mois de juillet sur un remplacement d’une personne qui est en disponibilité. Qui ne revient probablement pas au moment où cesse mon contrat. Mais, ben le poste sera vacant.

Et pourquoi vous ne passez pas ce concours ?

Je l’ai passé. Je l’ai passé y a un mois, un peu moins d’un mois.

Donc vous n’avez pas les résultats

Non.

Donc si c’est positif ?

Ah ben si c’est positif. Si j’ai l’écrit, je passe l’oral et si j’ai l’oral, c’est bon. Et là je peux rester. Mais si je n’ai pas le concours. Alors j’en suis amenée après un Bac plus 5, et une bonne dizaine d’années d’expérience, à passer, à passer les concours bien entendu pour pouvoir rester dans l’administration. Et, j’ai passé le concours d’attaché. Donc qui correspond à mon niveau d’étude et à mon grade actuel. Mais j’en suis amenée aussi, dans 15 jours, je passe le concours de rédacteur qui est d’un niveau Bac, ou inférieur. Mais tout ça pour avoir plus de chance. Donc voilà, je, dans 15 jours. Mais ça me demande un investissement très très important, puisque j’ai une vie de famille, j’ai 3 enfants, j’ai un poste à plein temps. Et je suis amenée. Donc ça a été un gros gros gros gros sacrifice. Nous avons. Et pour moi ça participe de cette souffrance. Puisque, ça m’a demandé un gros investissement personnel. Travailler quand mes enfants dorment le soir, après une journée de 10 heures de travail. Comptant encore trois heures supplémentaires ou quatre avec les enfants. Plus deux, deux heures de travail le soir quand tout le monde dort.

Et si vous pouvez restez, qu’est-ce que ça changera fondamentalement pour vous ? Qu’est-ce qui changera ?

Je n’ai plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête (émotion : nœud dans la gorge). Voilà. Et ça, ça change tout. Ça change tout. Je vais enfin pouvoir dormir sur mes, sur mes. Et là, je, voilà je. Ça fait de nombreuses années que je vis avec, avec cette pression, à me dire mais dans quelques temps, tu sais pas ce que tu vas devenir. Et depuis que je suis à la (CT) c’est encore pire, puisque que je n’ai pas de contrat de trois ans renouvelable. Voilà. Je suis sur des missions temporaires, qui ont une fin. Je la co. La fin je la connais d’avance. Et je sais aujourd’hui que le 15 juillet si je ne réussis pas mon concours, le 15 juillet je n’ai absolument aucune possibilité de pouvoir rester à (la CT).

Comment vous vous expliquez que vous vous trouvez dans cette situation ?

Ben, encore une fois, au départ. J’avais peut-être mois conscience aussi des conséquences, d’un contrat. Aujourd’hui, ben avec le temps, la maturité. Et la situation sociale dans laquelle nous vivons. Ben la précarité, je la ressens plus fortement aujourd’hui. Alors j’ai des collègues qui me disent oh mais après toutes ces années de service, tu peux être titularisée dans la fonction publique sans passer le concours. Non c’est pas aussi simple que ça. Si c’était si simple, et ben je crois que j’aurais déjà été titularisée. Non. Alors au lieu de. J’aurais pu me reposer sur mes lauriers, et me dire oh ben après, je trouverais une autre mission, ou. Non. Je vis la précarité tellement fortement. Et c’est un sentiment qui me. Vraiment qui me bouleverse quoi ! Que au final, j’ai préféré faire un gros gros sacrifice. Mais ça m’a demandé beaucoup beaucoup d’efforts hein. Pour passer ce concours et essayer de le réussie. J’espère que la déception, si je le réussis pas sera pas à la hauteur de la, des efforts que j’ai fournis parce que, ça risquerait de faire mal. Voilà. Donc c’est aussi la raison pour laquelle je passe deux concours, même ce, le concours d’un grade inférieur, pour avoir plus de chances de pouvoir rentrer dans la maison cette fois de manière définitive. En tous cas, d’éviter, d’avoir à revivre ce, ces épisodes précaires. Voilà. Ma précarité professionnelle.

Et comment vous vous investissez dans votre travail ?

Ah ben je vous dis, c’est du temps. C’est du temps que j’essaie de mobiliser, en plus de mon activité professionnelle qui. Je suis quand même sur un poste de cadre, qui me demande de nombreux déplacements, qui me demande un travail de réflexion important. Et c’est pas facile, tous les jours hein. Et puis j’ai par ailleurs trois enfants en bas âge, qui me demandent aussi beaucoup, de temps. Et d’énergie. Non vraiment je. Là je sors. Enfin je sors, j’en suis pas encore totalement sortie, mais d’une période vraiment difficile. J’ai vécu un hiver, pas simple. Donc la souffrance au travail, moi je connais. J’ai toujours connu. Mais. Et puis vous savez, quand on est contractuel, on a quand même, le regard des autres, qui ne le sont pas. On se sent jamais totalement intégré dans l’équipe. Puisqu’on sait qu’à un moment donné on va devoir céder la place. Même si on est mobilisé, on. On est vraiment, on fait tout pour mener à bien la mission pour laquelle. On n’est, on se sent jamais vraiment intégré dans l’équipe. Et puis au moment où on se sent le plus à l’aise dans son travail, et dans la mission qui nous a été confiée, on doit s’en aller. C’est ce qui s’est passé pour moi à l’économie où j’ai mis en route. Où j’ai participé à la mise en route de nouveaux dispositifs, je commençais à connaître un peu le réseau, à avoir. J’ai noué de relations assez intéressantes avec différents partenaires.

A être à l’aise

A être à l’aise, effectivement, dans les contacts que j’ai pu avoir. Et la personne est revenue de son congé maternité et j’ai dû bien entendu céder la place. Tout ça je le sais au départ ! Mais, quand on doit céder la place, c’est, c’est, c’est pas simple hein.

Au niveau relationnel, avez-vous vécu des difficultés à (CT), avec vos collègues ?

Non non, moi j’ai eu de la chance. Non mais parce que je crois que je suis quelqu’un d’assez ouvert hein. En toute modestie. Toute proportion gardée hein. Je crois que je suis quelqu’un d’assez ouvert et. J’ai eu la chance de pouvoir partir outre mer pendant quatre ans, de pouvoir voir autre chose, de pouvoir côtoyer d’autres milieux. Donc c’est vrai que ça m’a. Et puis je crois que je suis d’une nature assez ouverte et. Et. Encore une fois, c’est je pense agréable. Doc j’arrive à relativiser beaucoup de choses. Donc je prends beaucoup sur moi aussi. J’ai pas rencontré de grosse difficulté relationnelle depuis mon arrivée à (la CT).

Et si vous restez, avec cette sécurité, vos relations elles s’en trouveront changées ?

Ecoutez, de mon côté je crois que non. Parce que, je connais ma nature et je sais que j’ai aussi cette propension à beaucoup relativiser, et à prendre beaucoup sur moi. Moi je crois que non. Maintenant, au niveau des collègues, le fait de, d’être intégrée dans la fonction publique, je pense que ça changera beaucoup de regards. Et, je pense qu’à mon niveau aussi je vais pouvoir m’impliquer davantage. Je pense hein. Parce que quand on est. Quand on sait qu’on s’en va. Moi dans quatre mois je m’en vais, a priori. Ben. Face à des missions qui nous demandent un gros investissement. On se dit que dans quatre mois c’est terminé. Donc, je pense même involontairement, on peut pas aller jusqu’au bout. De ce qu’on voudrait donner, de ce qu’on pourrait aller aussi, jusqu’où on pourrait aller. Je crois qu’on a ce côté un peu, inhibé. On se met en retrait, même involontairement, alors que la mission nous intéresse particulièrement et. Alors que, moi je pense que les titulaires. Etre titulaire change tout. (…).

Vous avez connaissance dans votre entourage professionnel de personnes qui vivent des moments difficiles ?

Au sein de la (CT) ?

Oui

(…). Non, je vous dis, mise à part les, les exigences d’une plus grande, proximité, avec la hiérarchie. Aussi parfois de. Egalement une nécessité de clarification, un besoin de clarification des relations, entre élus et administration. Mis à part ça, j’ai pas connaissance de cas particulièrement lourds de souffrance au travail. J’ai pas aussi eu l’occasion de rencontrer, de connaître plusieurs personnes au sein de la (CT) avec lesquelles j’entretiens des relations, étroites.

Au niveau du travail, le travail est-il suffisamment bien défini ?

Ben, au sein du service oui. Même si y a un besoin peut-être aujourd’hui de, de réorganisation, des tâches des uns et des autres, pour une plus grande motivation, une plus grande proximité entre collègues. Y a aujourd’hui un besoin de réorganiser peut-être. Y a un besoin qui se fait sentir de réorganiser. D’ailleurs, le chef de service l’a bien compris. Et à la prochaine réunion de service on va parler de tout ça. Donc. En tout cas le service qui est le mien aujourd’hui, le fait qu’il y ait un nouveau chef de service, a fait en sorte que les agents se sont mobilisés pour lui dire, ben voilà aujourd’hui on a envie de changer peut-être un peu, la répartition des tâches entre nous. Et on fait. Les agents ont fait remonter des, des idées au chef de service qui les a entendues. Et, la prochaine réunion de service est consacrée à ça.

Et le service est assez libre pour changer d’organisation ?

Ben on a. Au sein de la direction de l’économie y a plusieurs services, dont le service tourisme. Et bien entendu, y a un directeur, et un chef de service. Et oui je pense que le chef de service a, a carte blanche pour organiser son service. En étroite collaboration avec le directeur bien évidemment mais je crois que, i lest assez autonome, me semble-t-il.

D’accord. Vous êtes combien en tout dans le service ?

On est, je crois une douzaine. Mais y a une bonne ambiance et le service tourisme est réputé pour être un service, agréable. La mission, elle participe aussi hein.

Et vous avez connu d’autres services

Le service économie. Avant, j’étais. Mais toujours dans la même direction. Le service économie où je travaillais. J’avais un autre chef de service, bien évidemment. Et, qui entretenait aussi une étroite proximité avec, professionnelle bien entendu, avec ses agents. Et, je pense que les réunions de service toutes les semaines sont intéressantes à ce niveau-là. Parce que chacun peut remonter, des préoccupations, des idées. Et le chef de service est là pour, ben pour les entendre. C’est bien de pouvoir voir son chef de service chaque semaine. A l’économie c’était chaque semaine. Au service tourisme c’est à peu près une fois par mois. (…).

Et, y a eu une grève l’année dernière, vous ne l’avez pas vécue ?

Moi je l’ai pas vécue. Je suis arrivée juste après.

Et vous en avez entendu parler ?

Oui.

Qu’est-ce qu’on vous a dit là-dessus ?

On m’a juste dit qu’y avait eu des des difficultés, avec certains élus. Je crois. C’est tout ce que j’ai pu, entendre. Parce que vraiment, je suis arrivée, le mouvement se terminait. Peut-être que ces difficultés passaient à travers les chefs de service. Ou à travers ce que les agents peuvent. Vous savez, en tant qu’agent on est amené à traiter de certains dossiers. On a des communications avec les élus, mais à travers, le chef de service, le directeur, de la direction. Quand on fait passer des notes, ou des courriers, qui nous reviennent tardivement, ou qui ne reviennent pas, on peut quand même émettre un avis, avoir un avis sur l’élu en question. Donc soit y a pas de retour, soit y a un retour tardif. Les élus sont souvent sur les territoires, sont élus de territoire et sont souvent présents sur le territoire. Ils émettent dispositions, au nom de la (CT), notamment en termes financiers. Et derrière, les finances suivent pas forcément. Donc les agents se plaignent également, des promesses qu’on peut tenir sur des territoires qui ne. Par les élus donc. Qui ne sont pas forcément réalisables techniquement.

Bien. Merci pour toutes ces explications, très claires.

Mais je vous en prie.

Comment savez-vous que vous faîtes un bon travail ?

Parce que j’ai pas eu de reproches, jusqu’à présent. C’est quand même un indicateur important. Quand je fais quelque chose de qualité, on va pas forcément me le dire. Pas tout le temps. Mais il arrive qu’on me le fasse comprendre, que

Que c’était bien

Que c’était satisfaisant. C’est réconfortant. Ça fait plaisir. Moi j’ai eu la chance de. A certaines reprises, d’avoir des retours positifs, de ma hiérarchie, ou de l’élu, avec lequel. Mais pas directement avec l’élu. Ça passe par le chef de service. Mais, moi il m’est arrivé, dans passé de travailler directement avec les élus. Donc, je vois un petit peu la façon dont ils fonctionnent.

Parce que vous, vous travaillez avec le chef de service, qui est votre supérieur. Et est-ce que ce chef de service travaille aussi avec les agents de toutes catégories, avec les agents de catégorie C ? Ou est-ce que ces agents doivent communiquer avec d’autres avant de parler avec ce chef de service ?

Ben, on travaille, Nous chargés de mission, on travaille avec des agents de catégorie B et C. Et c’est vrai que je pense que l’agent, le chef de service a plus de relations, avec chargé de mission, qu’avec les agents de catégorie B et C. Eux, ils ont des relations, très souvent avec les chargés de mission. Parce qu’en fait ils sont chargés d’exécuter, certains dispositifs gérés par des chargés de mission. (…).

Est-ce que vous avez une idée sur ce que la structure, (la CT) devrait faire pour que les gens aillent mieux ?

Parce que les gens vont si mal que ça.

Moi j’en sais rien. J’essaie justement de voir. On m’a parlé d’un dispositif pour lutter contre les souffrances et contre les violences aussi.

C’est un terme fort violence. Et ça regroupe plusieurs cas de figures. Dieu merci j’ai jamais connu de cas de violence. On pense à la violence physique A la violence morale, à travers le harcèlement. Je préfère le terme souffrance, parce que, la souffrance elle est. Enfin non, je préfère pas. Mais je pense que le terme souffrance moi me parle plus. Parce que c’est peut-être plus diffus. La violence c’est très concret. C’est des cas particuliers. Alors que la souffrance elle peut être vécue, je pense de manière plus, fréquente. A travers. Plus dans le silence aussi. C’est peut-être plus. Les situations de souffrance sont plus perverses dans la mesure où elles se voient pas forcément. Les situations elles sont, plus caractérisées je pense. Que les situations de souffrance qui elles sont plus, diffuses, qui elles sont plus perverses, il me semble parce que. Elles peuvent être passées sous silence justement. Et à mon avis elles le sont la plupart du temps. Comme je vous dis. Moi je vis une situation de souffrance du fait, de la précarité dans laquelle je suis.

Et puis vous allez pas forcément en parler

Oui. Je reste plus dans le silence. Alors que si je vivais une situation de violence caractérisée, j’en parlerais probablement plus, plus ouvertement. Pour essayer, parce que c’est plus fort la violence. La violence est peut-être plus forte que. Une situation de souffrance on peut vivre avec. Mais une situation de violence c’est très difficile, me semble-t-il. Alors.

C’est vrai que le terme de violence surprend généralement les gens. Le mot souffrance est très chargé aussi émotionnellement, donc ils préfèrent me parler de mal-être, ou de malaise, des gens qui se sentent pas très bien dans leur peau. Après ces deux mots

Oui je pense que oui. Et puis la frontière elle est aussi, mouvante quoi.

Et vous pensez, par exemple, que le groupe de confiance dont je vous parlais tout à l’heure pourra aider des personnes ?

Ah moi je pense que c’est une bonne initiative dans la mesure où ça va peut-être à des personnes. Ça va dépendre aussi des modalités, d’organisation, de ce groupe. A savoir si. La manière dont vont se dérouler les entretiens. Est-ce qu’il y aura un secret autour ? Y a aussi le fait de préserver peut-être aussi les situations, des uns et des autres D’où l’importance de la mission de préservation des cadres habituels. Comment ça va se passer ? Comment éviter que tout le monde le sache. Parce que la personne va peut-être bien vouloir se confier, mais pas que tout le monde le sache. Moi je pense que la parole libère et que, et que c’est bien de pouvoir se dire que, voilà, ben telle situation de souffrance ou de violence, restera pas, dans le silence. Et c’est important pour les personnes restent silencieuses, qui se plaignent pas, qu’elles sachent qu’il existerait une structure où on pourrait, les recevoir, les écouter, éventuellement régler leur situation. Ça peut qu’être positif. Voilà.

Il va y avoir également l’intégration des TOS. Donc l’effectif va fortement augmenté. Est-ce que vous pensez que si vous restez, ça va vous touchez dans votre travail, le modifier ? Est-ce que vous avez des craintes ?

Mois j’ai aucune crainte à voir arriver les TOS. Moi dans le cadre de. Bon si je restais au service Tourisme, je pense qu’on serait pas affecté. Je sais simplement que, pour en avoir discuté avec les collègues que, certains craignent l’arrivée massive des TOS, par rapport aux prestations sociales dont ils peuvent bénéficier, les avantages offerts par les deux associations de personnel. Moi je n’ai aucune crainte là-dessus. De toute manière je peux pas bénéficier des prestations. Etant contractuelle, je vais pas en bénéficier. Mais quand bien même, j’aurais pu en bénéficier, non je crois que. Je reste pas sur mes acquis, avec mes privilèges. Si je peux bénéficier de certaines prestations, pourquoi d’autres pourraient pas en bénéficier là-dessus. Non moi je n’ai aucune crainte là-dessus. Et puis y a de la place pour tout le monde. Je crois que tout est fait pour accueillir au mieux ces personnels. Et bon voilà. Peut-être que le changement fait peur à certains. Mais du moment où tout est pensé pour l’arrivée dans les meilleures conditions de ce personnel-là. Et puis la (CT) a les moyens de pouvoir accompagner, accueillir, accompagner ces personnels. Bon c’est sûr, c’est vrai que ça va entraîner, oui ça va entraîner des changements, évident. Maintenant. Maintenant je crois que, ben la (CT) n’a pas trop le choix non plus, c’est comme ça. Et puis qu’elle est en train d’essayer de les accueillir dans les meilleures conditions et, moi j’ai toute confiance. (…).

D’accord. Est-ce que vous avez d’autres choses à ajouter ?

Vivement que je réussisse le concours.

Mais je vous le souhaite. Je vous le souhaite e, ça va marcher

Ben oui ! (rire) C’est ce que me dit mon mari aussi, c’est ce que me disent toutes mes collègues mais, bon. Et ben j’aimerais être sûr.

Vous avez vos chances

Oui oui. Et puis je vous dis, entre 10 et 12 ans d’expérience professionnelle

Dans la fonction publique

Dans l’administration, dans la fonction publique. J’ai fait que la territoriale et l’Etat. A Mayotte j’ai travaillé quatre ans à la préfecture. Mais, vous savez un concours, reste un concours. Y a cette part de.

Et pourquoi la fonction publique ?

Ecoutez. Parce que je. Dans le cadre de mes études, j’ai étudié les, le droit des collectivités locales. Et ça m’a beaucoup plu. Mon expérience professionnelle aussi a fait que j’ai touché aux deux fonctions publiques et je préfère de loin la territoriale et, voilà quoi. Je sais pas faire autre chose. (…). Mais vous savez quand il faut partir, c’est. (…)

Qu’est-ce que vous ressentez quand faut partir ?

Ah c’est. (Souffle). C’est comme ça de toute manière. Quand on m’a recruté on m’a dit que je pouvais pas aller au-delà de huit et quatorze mois. Donc là moi je l’ai intégré hein. Simplement c’est toujours difficile de se dire, ah ben dis donc je me suis investie autant et, malheureusement. Oui ben oui, je compte les jours quoi. Maintenant les mois encore. Mais dans pas longtemps les jours. Et je me dis ben, c’est dommage parce que je me suis vraiment investie. Je commençais à m’investir aussi dans la vie, ben dans la vie de l’administration, dans la structure, dans l’institution. Mon travail me plaît beaucoup. Les missions que j’ai eues à assurer m’ont aussi beaucoup plu. Je me suis réinvestie. Et puis à un moment, y a le couperet qui tombe et puis, il faut laisser la place. Alors qu’y a les chantiers en cours, y a les dossiers en cours à traiter, etc. Enfin, y a une date butoir, hop, on peut pas aller au-delà. Vos voyez ça me fait un peu l’effet de, d’un couperet quoi. C’est comme ça et. Et. C’est un peu inhumain quelque part, parce qu’on tient pas compte, on tient pas compte de la personne. Voilà c’est. Y a une date fatidique, c’est comme ça, il faut la respecter, on peut pas aller au-delà. Quelque part, je trouve ça un petit peu inhumain dans le sens où ben derrière y a des personnes, quand même avec des vies. Et, pour moi, c’es c’est. Oui je peux dire que c’est une souffrance. Et c’est la raison pour laquelle je me suis investie beaucoup dans la préparation.

Pour que ça ne se reproduise pas

Oui, oh oui. Non non, surtout pas. Non. (…). Mais y en a plein plein à la (CT). Des personnes, qu’on a embauchées pour des contrats temporaires. Et y a du travail quand on repart. Les deux postes que j’ai assumés jusque-là je n’ai jamais chômé. Au contraire, j’ai beaucoup apporté, mais j’ai aussi beaucoup appris. C’est vraiment des postes très intéressants, très motivants. Et la déception de devoir les quitter est d’autant plus grande que l’intérêt a été important.

Et donc vous avez passé les deux concours, donc si vous passez de cadre à rédacteur, est-ce que vous pensez que ?

Non, parce que pour moi ce sera du temporaire. Mon objectif il est, stabiliser ma situation professionnelle. En étant intégrée dans la fonction publique. Que ce soit au grade d’attaché, ou au grade de rédacteur. Bien entendu je préfèrerais le grade d’attaché puisque c’est le grade qui est le mien aujourd’hui, enfin c’est le poste que j’occupe. Mais si j’obtenais le concours de rédacteur, pour moi l’objectif serait atteint, dans la mesure où je serais intégrée dans la fonction publique. Ça serait pas une fin en soi. Pendant peut-être quelque temps, ben oui j’aurais le regard des collègues qui vont dire, oh ben elle passe d’un, d’un poste d’attaché à un, à un statut de rédacteur. Parce que la mission sera la même. Mais c’est pas grave parce que pour moi, ça serait du temporaire. Et, vous savez, après toutes ces années j’ai appris à vivre avec le regard des autres hein. Donc, ça changerait pas grand-chose.

Comment il est ce regard

Ben, je suis dans une situation d’intérim, quelque part. Donc je suis intérimaire, alors que j’ai un Bac plus 5, que j’ai 10, 12 ans d’ancienneté dans l’administration. Que. Bon ben oui y a un regard, que je perçois, qui me dit que je ne suis pas intégrée. L’intégration elle est pas faite tant que j’ai pas de statut. Et puis moi aussi. L’intégration elle a du mal à se faire. L’intégration elle a du mal à se faire correctement. Même si, je pense. J’ai cette conscience professionnelle qui fait que je suis embauchée sur ce poste-là, même de manière précaire. Mais je suis payée en conséquence. Donc, j’ai une mission à remplir. J’essaie de la remplir du mieux que je peux. Ah ben je crois que de toute manière, dans ma tête c’est ça, dans quelque temps je dois quitter le poste et. (…). En tout cas je me serais donné les moyens. Ce qui a été bien, c’est que j’ai eu la chance de pouvoir passer le concours en interne. Parce que comme j’ai des années. J’ai des années d’expérience qui me font que je peux le passer en interne. Et y beaucoup plus de candidats en externe qu’en interne. Donc moi je l’ai passé en interne, donc y a un peu moins de candidats.

Et y a pas d’autres moyens que le concours, je sais pas si on appartient à un service, on est, notre chef de service veut à tout prix nous garder, à tout prix, et qu’on est contractuelle, on passe le concours mais on l’a pas, qu’est-ce qui se passe ?

Ben c’est ma situation. Et ben c’est ma situation actuelle. Où, bon a priori je donne satisfaction. Que la personne qui est partie en congé, sans solde, enfin en disponibilité. N’a pas dit si elle souhaitait re, prolonger sa disponibilité ou revenir. On a aucune assurance là-dessus. Il peut aller jusqu’à deux ou trois ans il me semble. Sans être rémunéré bien entendu. Donc, si la personne ne revient pas, pour le mois de juin, il me semble, ou juillet, et ben le poste sera vacant. Mais moi j’ai pas de possibilité de rester. C’est une règle qui a été délibérée, par les élus, et donc le directeur des services dit aujourd’hui. Parce que d’autres se sont retrouvés dans la situation dans laquelle je suis. Ils ont donné également satisfaction, et au bout de 14 mois, ils ont dû laisser la place. Même si y a personne derrière pour prendre la suite. C’est comme ça. Voilà, en fait c’est révoltant. Je peux vous dire que, quand on se trouve dans cette situation. Parce que tous les matins je me lève en me disant, ben voilà c’est un jour en moins. Et. Voilà. Le compte à rebours. (…). J’espère avoir la chance de réussir le concours voilà. Et c’est très stressant d’attendre les résultats. Je les aurais en mai. Mais avant de les avoir je passerai celui de rédacteur. Voilà, c’est comme ça, je vis dans l’incertitude, je vis dedans depuis des années. Donc c’est cette incertitude, dont j’ai envie de. Tirer un trait. Le jour où je vais pouvoir me poser, ah mais ça va changer ma vie. Je vais enfin pouvoir m’ouvrir complètement, et me détendre complètement quoi. Parce que là depuis des années, vivre avec, vivre avec cette incertitude, en permanence, se dire on peut pas faire de projet. Ou si on en fait, ben on est pas sûr de les voir aboutir.

Et depuis que vous travailler, après vos études, vous avez toujours eu une telle situation ?

Oui. Toujours. Ben oui, toujours. Je me suis arrêtée deux ans pour, avant l’arrivée de mon troisième enfant. Je me suis arrêtée six mois avant d’accoucher, et puis un an et demi après. Mais après quand j’ai repris, ben voilà j’ai repris sur des missions temporaires. Donc.

Comment ça agit sur le rapport au travail ?

Ben. Même si on s’investit. On y pense tout le temps. Moi dans la mission que j’essaie d’accomplir au mieux, ben je me dis, attention de trop d’investir, même dans les relations avec les collègues, parce que, de toute manière, tu vas devoir partir. Voilà. Mais cette fois j’espère rester. Et mon chef aussi c’est tout ce qu’il espère. Faut voir (rire), à chaque fois qu’il me voit, il me dire alors Leïla c’est quand les résultats ? Ah ben, voilà. Donc oui oui, mon chef veut me garder. Maintenant. Je crois que le directeur de la direction aussi. Je crois que l’élu aussi.

C’est quand même dommage que pendant ces épreuves, on ne se renseigne pas, auprès de vos supérieurs pour savoir si ils vous appuient ou pas

Ben, ça fait l’objet du projet, de réforme de la fonction publique territoriale de prendre en compte l’expérience professionnelle, auprès des supérieurs.

Bien. Je pense que notre entretien va prendre fin. Voulez ajouter quelque chose ?

Non je crois que j’ai fait le tour. C’est vrai que ma souffrance, c’est cette précarité.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et je vous souhaite d’avoir ce concours.

Merci c’est vraiment gentil. Bien, alors au revoir.

Au revoir.