Annexe 6.5.3. Le dispositif « Violences internes » : Quelques résultats issus du questionnaire

Répartition de l’effectif

Sur 30 écoutants ayant été invités à répondre au questionnaire, 18 y ont répondu, ce qui est un taux satisfaisant.

Les personnes ayant répondu au questionnaire sont principalement les professionnels : 4 assistantes sociales ; 3 médecins du travail ; 3 acteurs RH ; 3 responsables ; 2 préventeurs ; 1 assistant ; 1 rédacteur.

Plus de 70% de l’effectif ont plus de 40 ans et la moitié a plus de 20 ans d’ancienneté.

L’expérience de l’écoutant

Les motivations des écoutants

Lorsque les personnes expliquent les raisons qui les ont amenées à se porter volontaires pour devenir membres du groupe de confiance, elles donnent quatre principales raisons :

La première repose naturellement sur la fonction exercée par cet écoutant. C’est le cas notamment pour les professionnels. Cette raison est également apportée par les personnes ayant participé au groupe de travail sur les violences internes.

La seconde est liée à un aspect plus personnel puisque certaines soulignent leur envie de se consacrer et d’être disponible pour des personnes en difficulté dans leur travail. Certaines perçoivent dans leur rôle l’« officialisation » d’une activité (l’écoute) qu’elles exercent depuis bien longtemps. Ces personnes se disent « sensibles » au bien-être et au mal-être des autres.

La troisième raison est également personnelle et est liée à une expérience passée et certainement « douloureuse », vécue par l’écoutant dans son travail, au sein de la collectivité ou dans une autre entreprise.

La quatrième raison réside dans la perception positive que les personnes avaient du dispositif : « courageux et novateur ». Enfin, « le problème de violence et de conflit, ayant une influence sur la santé et la carrière, m'a semblé être un problème qui pouvait trouver des solutions dans notre institution ».

L’activité de l’écoutant

Sur 18 écoutants, 12 déclarent ne jamais avoir été sollicités par un agent pour un entretien. Les 6 autres sont principalement des professionnels (médecins du travail et assistantes sociales ou acteurs des Ressources Humaines). Selon eux, ce résultat s’explique d’abord par la méconnaissance du dispositif par les agents et donc par le fait que les écoutants ne sont pas encore identifiés en tant que tel. Cette méconnaissance est liée au manque de visibilité du dispositif. Ensuite, certains pensent qu’il s’agit plus d’un problème de confiance dans le dispositif.

La majorité des écoutants répondants (16 sur 18) déclare personnellement pratiquer des temps d’écoute informels avec des collègues en difficulté.

Parmi les écoutants recevant, dans le cadre de leur fonction, des agents vivant des situations de travail difficiles, similaires à celles décrites dans le dispositif (11 sur 18 écoutants), rares sont ceux qui estiment que cela est une source de difficulté. Seule la difficulté de distinguer la demande, autrement dit le problème des « casquettes » et la succession des entretiens avec plusieurs représentants de la DRH, « saturant » le dispositif d’écoute, ont été évoquées.

Le sentiment d’appropriation du dispositif

Ici, les résultats sont très partagés. Il y a autant d’écoutants qui estiment s’être suffisamment appropriés le dispositif que d’écoutants qui estiment le contraire. La moitié de l’effectif estime que non, ce qui mérite une réflexion autour de ce résultat. Ces derniers l’expliquent tout d’abord par leur méconnaissance des procédures et par le fait qu’il n’y a pas d’interprétation commune du dispositif et de son fonctionnement théorique. Ils l’expliquent, d’autre part, par leur manque de pratique dans ce dispositif. Et enfin, par le manque de visibilité de son fonctionnement. L’appropriation des procédures reste pour eux complexe et l’effort pour les expliquer aux autres encore plus. Ils souhaitent un rappel, non pas sur la pratique d’écoutant, mais sur les procédures elles-mêmes et les moyens de les expliquer simplement.

Par ailleurs, la majorité des agents interrogés (15 sur 18 agents) estime avoir été assez formés pour assurer leur rôle d’écoutants.

L’engagement de l’écoutant

Nous demandions aux différents écoutants s’ils avaient pensé mettre fin à leur engagement en tant que membres du groupe de confiance.

Le regard sur le dispositif

L’efficacité du dispositif

Il est important de dire qu’un certain nombre d’écoutants ne se trouvait pas en capacité d’évaluer son efficacité dans la mesure où ils n’avaient pas connaissance de son activité.

7 écoutants sur 18 considèrent que le dispositif est suffisamment efficace dans la mesure où il permet réellement d’aller dans le sens de la prévention et où il est capable de traiter des situations qui relèvent des violences internes. Néanmoins, 10 estiment qu’il n’est pas encore efficace et ils donnent diverses raisons.

Selon eux, le dispositif ne serait pas efficace puisque qu’il est encore très confus pour les agents qui ne le connaissent pas. Le peu de personnes ayant sollicité une écoute, principalement auprès des professionnels, n’ont pas souhaité aller plus loin dans leur démarche. Ils pensent que le dispositif, à partir du moment où il existe, a déjà des effets et qu’il est efficace, si non dans son fonctionnement, au moins dans son principe et pour la prévention. Enfin, ils perçoivent que son fonctionnement n’est pas porté collectivement et que parfois, la manière dont il fonctionne ne reconnaît pas l’utilité de tous les acteurs qui le composent.

Lorsque l’on demande à ces personnes de mentionner les principales limites au fonctionnement efficace du dispositif, elles parlent avant tout des craintes que peuvent avoir les agents de solliciter un tel dispositif : la crainte d’un manque de confidentialité de l’écoutant, la crainte de sortir de la confidentialité pour aller plus loin. Cette limite-là est celle de la légitimité du dispositif et du groupe de confiance (en dehors des professionnels). Cette limite renvoie principalement à la méconnaissance qu’ont les agents du dispositif. Les personnes soulignent également les manques d’implication de l’institution et de portage politique du dispositif. Certains estiment qu’il est nécessaire de se donner les moyens de traiter et pas seulement d’écouter : « Tendre l'oreille est nécessaire mais non suffisant, il faut aussi tendre la main ». Les répondants parlent également du manque de cadre et de suivi du dispositif, du manque de visibilité de son fonctionnement et de la transparence du traitement.

L’exhaustivité du dispositif

8 écoutants pensent qu’il existe des situations pour lesquelles le dispositif est inadapté.

Ces situations sont les suivantes : lorsque l’agent souffre de dépression ou d’autres troubles psychiques et qu’il n’est donc plus maître de sa situation ; lorsque la situation est très « grave » ; lorsque l’agent n’exprime pas une réelle volonté de se sortir de sa situation ; lorsque la situation relève du dysfonctionnement d’un collectif de travail ; lorsqu’il s’agit d’une situation de harcèlement au travail ou de discrimination.

La perception du niveau 1 du dispositif

La plupart des écoutants souligne l’importance de créer les conditions pour donner un cadre au groupe de confiance : 11 agents estiment que le fonctionnement du groupe de confiance n’est pas suffisamment cadré (rencontres régulières, partage d’expériences, etc) ; 12 estiment que c’est une condition qui garantisse la qualité du dispositif et 11 que c’est une condition qui garantisse le bien-être de l’écoutant dans sa pratique.

La perception du niveau 2

Nombreux sont les agents qui ne se trouvaient pas en capacité d’évaluer la qualité du niveau 2 du dispositif. Ce résultat montre bien encore une fois que les agents n’ont pas de visibilité de son fonctionnement et de son utilité et que cette perception pèse certainement sur la vision qu’ils en donnent à l’entourage professionnel. En moyenne, la moitié des personnes a répondu aux questions concernant la qualité de ce niveau et voici les résultats.

Pas du tout d’accord Pas tout à fait d’accord Assez d’accord Tout à fait d’accord Non réponse
Est efficace 1 2 5 1 9
Est pertinent 0 4 3 1 10
Traite dans des délais convenables 0 3 5 0 10
Garantit la confidentialité 1 2 7 0 8
Peut traiter de manière collective 1 2 6 0 9
Est exhaustif 1 8 2 0 7
Peut sensibiliser les agents 1 1 5 1 10

Un tiers pense que ce niveau n’est pas encore capable de proposer des actions concrètes en vue traiter des situations relevant des violences internes dans la structure. La moitié pense que ce niveau est capable de proposer des actions adaptées aux situations rencontrées. Un peu plus de la moitié considère que ce niveau est plutôt capable de traiter des situations dans des délais convenables. La majorité estime qu’il est suffisamment capable de garantir la confidentialité des situations rencontrées et que le groupe de professionnel est suffisamment capable d’analyser et de traiter des situations de manière collective. Néanmoins, la moitié considère que ce niveau n’est pas capable de traiter l’ensemble des situations concernées par les violences internes. Enfin, les agents estiment généralement que ce niveau est suffisamment capable d’interpeller et de sensibiliser les agents de la collectivité.

La perception du niveau 3

Pas du tout d’accord Pas tout à fait d’accord Assez d’accord Tout à fait d’accord Non réponse
Est efficace 1 1 5 1 9
Est pertinent 1 1 4 2 10
Traite dans des délais convenables 1 2 5 0 10

Encore une fois, on remarque le nombre important de non réponse, résultat qui renforce l’idée que les agents et les membres mêmes du dispositif ne connaissent pas son activité. Parmi les réponses données, on s’aperçoit que plus de la moitié des écoutants est « plutôt d’accord » pour dire que ce niveau est capable de traiter, dans des délais convenables, des situations pour lesquelles les deux niveaux précédents n’ont pas suffit et de proposer des actions adaptées aux situations qui sont restées bloquées. Ce niveau n’avait jamais été activé au sein de la collectivité.

La perception des agents du point de vue des écoutants

15 écoutants sur 18 interrogés pensent que certains agents de la collectivité craignent d’interpeller le dispositif alors qu’il pourrait leur être utile.

Selon eux, si les agents ne déclenchent pas cette procédure, cela s’explique essentiellement par les répercussions que pourrait avoir une telle action. Cela s’explique également par le fait que la procédure leur paraît encore trop opaque et complexe. Pour d’autres, cette réserve s’explique par la difficulté à se confier à un autre collègue, par le fait que l’agent ne perçoit pas forcément l’intérêt du dispositif et parce que les agents restent assez peu informés.

La place de la hiérarchie

Plus de la moitié de l’effectif interrogé (13 sur 18 écoutants) considère que la hiérarchie a bien un rôle à jouer pour garantir l’efficacité du dispositif, et plus de la moitié également (12 sur 18 écoutants) estime qu’elle ne s’implique pas encore suffisamment dans son efficacité.

La diffusion du dispositif

11 écoutants sur 18 pensent que la communication qui a été réalisée en direction des agents de la collectivité n’a pas été suffisante. Ils soulignent que malgré les efforts faits, le dispositif n’est toujours pas connu des agents.

Cette insuffisance s’explique par le manque de renouvellement de l’information. Selon quelques écoutants, une communication a été réalisée au démarrage du dispositif sans jamais être renouvelée sous une autre forme. De même, d’autres remarquent qu’une communication est réalisée auprès des encadrants et non auprès des agents qui ne sont pas informés.

Selon certains, une plus grande visibilité de son activité pourrait aider à le faire connaître davantage.

Les personnes qui estiment que cette communication a été suffisante, soulignent néanmoins qu’elle n’est peut-être pas suffisamment adaptée : la multiplicité des protocoles et projets complique la lisibilité et la mise en mémoire de nouveaux repères tels que ce dispositif.

Les attentes et les suggestions

La première attente que ces écoutants ont formulée est celle de rendre visible l’activité du dispositif. La seconde est de travailler à mieux préciser les rôles de chacun des acteurs et les moyens pour les coordonner au mieux et à tous les niveaux. Répondre à cette attente c’est en même temps répondre à la question que plusieurs écoutants se posent aujourd’hui : « suis-je à ma place dans le dispositif ? ». Troisièmement, quelques écoutants soulignent l’intérêt d’interroger les agents sur la connaissance du dispositif, puisqu’il s’agit d’un dispositif pour les agents. Cette action permettrait en même temps de renouveler la communication autour du dispositif. En ce sens, le dispositif a besoin d’évoluer vers plus de coordination et de visibilité. Tous attendent que le dispositif parvienne à mieux « soulager la souffrance de certains collègues ».

Ils suggèrent également de : travailler de manière à améliorer la prévention des situations de violences internes, en permettant, d’une part, de détecter des « familles de situations » et, d’autre part, d’alimenter cette compréhension d’indicateurs de mesure de la « souffrance » au travail (absentéisme par exemple) ; poursuivre le travail de communication de manière à donner plus de légitimité au groupe de confiance ; simplifier le dispositif pour améliorer sa lisibilité ; faire participer la hiérarchie à la recherche de solutions au niveau 2 ; repréciser le rôle du référent en lui donnant la fonction de coordonner l’action des professionnels. Selon eux, il ne devrait intervenir qu’au niveau 2 de façon à ce qu’il soit clair pour l’agent que, lorsqu’il le fait intervenir, il déclenche un traitement et peut sortir du cadre de la confidentialité ; organiser une réunion de travail avec tous les membres que compte le dispositif pour discuter ensemble des évolutions possibles.

Les remarques générales

Un espace était donné aux répondants pour leur permettre d’aborder d’autres points concernant le dispositif et son évaluation. Ces répondants ont pu exprimer d’autres idées et renouveler certaines de leurs remarques, notamment : des questionnements sur la composition du groupe de confiance qui ne reflète pas, selon eux, suffisamment la sociologie de la collectivité ; l’incapacité de répondre à certaines questions ne connaissant pas le bilan du dispositif et son activité. Le manque de pratique ainsi que l’absence d’information transmise font que l’écoutant lui-même ne connaît plus le dispositif ni les procédures qu’il contient ; le décalage entre les acquis de la formation et le sentiment d’avoir construit une compétence d’écoutant, et le manque de pratique et le doute aujourd’hui de ne pas être à la hauteur pour aider réellement un collègue ; la volonté, par la mise en place de ce dispositif, de prendre en compte les situations de conflit et de souffrance, et qu’il faut maintenant aller plus loin pour mieux les traiter.