1.2.2. Les intentions de la politique des arts et de la culture

[Les intentions de la politique des arts et de la culture32]

Qu’en est-il des volontés et visées de la politique éducative des arts et de la culture ? Trois grandes intentions se distinguent dans l’énoncé de cette politique, c’est-à-dire dans ses propos mêmes : une exigence d’épanouissement, de continuité et d’égalité.

Le plan place la culture et l'art au cœur du système éducatif. La philosophie du plan est fondée sur une volonté de rupture avec une tradition : il ne faut plus considérer l’art comme le supplément d’âme du système éducatif, la matière à pratiquer après toutes les autres, et sacrifiée aux savoirs considérés comme plus « fondamentaux ». Cette opposition, cette hiérarchisation doivent disparaître. Le plan propose de donner aux arts et à la culture une place centrale dans notre système éducatif.

Les arts et la culture, qui, auparavant, étaient considérés comme étant à la marge du système scolaire, se voient promus au premier plan, au centre des préoccupations pédagogiques.

Une exigence d’épanouissement

D’après le ministre Jack Lang, « l’enfant ne peut connaître un épanouissement équilibré que si son intelligence rationnelle et son intelligence sensible sont développées en harmonie et en complémentarité 33 . » L’épanouissement passe alors par l’équilibre entre le monde scolaire et le monde de l’art.

« Il faut que l’enseignement prenne en compte chaque enfant dans son intégralité. Une rationalité excessive a pour effet de cantonner l’éducation artistique à la marge du système. Or, l’éveil de la sensibilité est la condition de la maîtrise de la langue. Elle est un sésame pour les autres formes d’intelligence. L’éducation artistique et culturelle développe une pensée mobile et souple pour faire face de manière inventive à des situations inédites.

L’art est une discipline d’appropriation des savoirs qui fait appel à l’affectif, à l’intelligence sensible, à l’émotion : l’apprentissage modifie l’écoute, le regard, le rapport à soi et aux autres, il donne confiance en soi. Pratiquer une activité artistique est un antidote à l’ennui et une source de motivation.

L’éducation artistique apporte aux enfants une sensibilité capable de structurer leur corps, d’élever leur esprit, d’aiguiser leur sens critique, et de développer la compréhension de l’autre. Par le chant choral, le jeu théâtral, la danse, l’enfant cerne son identité, affirme sa personnalité, rencontre les autres sur des bases créatives et constructives 34 »

Une exigence d’égalité

« Tous les enfants ne sont pas égaux devant la culture. L’École a le devoir d’agir pour compenser efficacement l’injustice des inégalités sociales. Parce que les attitudes culturelles s’acquièrent dès le plus jeune âge, l’École de la République doit offrir à chaque enfant l’accès non seulement à l’héritage culturel commun, mais aussi à l’acte de création 35 » La tension entre le monde scolaire relevant de principes propres à la tradition et aux œuvres achevées, et le monde de l’art, mettant en avant le processus de création et les performances vécues est présente.

« Elle doit d’autant plus le faire que les médias de masse influencent le regard et le comportement des enfants dans le sens d’une uniformisation : il s’agit, par l’éducation artistique et culturelle, de donner à chacun l’occasion d’affirmer son indépendance et de marquer son originalité. Au-delà de son rôle fondamental de transmission des connaissances, l’École a pour but de former des hommes et des femmes en mesure de conduire en pleine responsabilité leur vie personnelle, civique, professionnelle et culturelle.

L’acte de création, la mise en jeu des talents individuels, la relation directe avec les artistes et les œuvres, le contact avec l’environnement culturel sont autant de moyens de placer chaque élève au cœur de la culture. Le souci d’une plus grande égalité doit conduire à donner une priorité aux zones rurales isolées, aux zones et réseaux d’éducation prioritaire et aux lycées professionnels. Il n’y a pas d’autre lieu que l’École pour organiser la rencontre de tous avec l’art et pour instaurer de manière précoce le contact avec les œuvres, bref pour réduire les inégalités d’accès à l’art et à la culture 36 . »

Une exigence de continuité

« Si la rencontre des élèves avec l’art et la culture ne peut exclure le hasard, elle doit en revanche le minimiser : elle doit donc être généralisée dès l’école élémentaire et se poursuivre jusqu’à l’université. C’est dans cet esprit qu’a été élaboré le plan 37 » Son ambition n’est pas de créer des dispositifs supplémentaires : tout en restant dans le cadre à la fois des horaires et des programmes, il représente un changement radical de pédagogie permettant de mettre l’activité artistique et culturelle au cœur de tous les enseignements. Ce changement radical ne peut qu’être source de tensions et de conflits potentiels, d’ailleurs voulus, puisque le monde de l’école (cadré, normé…) va accueillir le monde de l’art (souple, se mouvant au gré de l’inspiration et de la créativité…).

Il privilégie le contact personnel de tous les élèves avec les œuvres, les lieux de création, l’environnement culturel, et favorise les rencontres actives et vivantes et les relations directes avec les artistes et créateurs, dont la présence dans les établissements ou les classes permet de faire entrer un autre regard sur les choses et les êtres. L’école est perçue, ici, tel un sanctuaire faisant entrer à titre exceptionnel un monde qui lui est étranger : le monde de l’art.

Le plan vise à assurer la continuité et la cohérence de la formation artistique et culturelle de la maternelle à la terminale. L’objectif est bien de doter chaque élève, au terme de la scolarité obligatoire, d’une culture générale couvrant l’ensemble des domaines artistiques et culturels.

Dans sa déclinaison par catégories d’actions, le plan maintient et renforce ce qui existe, qu’il s’agisse des enseignements artistiques, obligatoires et optionnels, ou des activités artistiques et culturelles facultatives. De plus, il favorise la pédagogie de projet à travers la généralisation des classes à projet artistique et culturel (classes à PAC), qui s’adressent à tous les élèves des classes concernées et constituent la trame générale d’application du plan.

Dans sa déclinaison par moyens, le plan organise une mobilisation administrative, financière et pédagogique et consacre une attention particulière à la formation des enseignants.

Dans sa déclinaison territoriale, le plan privilégie les formes de partenariat entre tous ceux qui concourent à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans académiques et départementaux pour les arts et la culture, établis par chaque recteur et inspecteur d’académie en liaison avec les collectivités locales, les services déconcentrés des autres ministères (notamment les directions régionales des affaires culturelles – DRAC – et les directions régionales et départementales de la jeunesse et des sports – DDJS et DRJS), les établissements culturels et les grandes associations éducatives et culturelles.

Dans sa déclinaison thématique, le plan se déploie sur plusieurs domaines artistiques et culturels : la musique, la danse, la littérature, le théâtre, les arts plastiques, le cinéma, la photographie, l’architecture, le patrimoine, la culture scientifique et technique, les arts du goût, le design et les musiques actuelles.

La politique éducative des arts fait ainsi rentrer dans l’école, dans la culture scolaire, une pluralité de thématiques artistiques, y compris les moins patrimoniales qui soient (le design, la cuisine). Nous sommes ici bien loin des idées de Malraux. La rupture est sensible, plusieurs dichotomies sont perceptibles : universalité/singularité, achèvement/processus créatif, culture/éducation, etc.

Le décret fondateur du 24 juillet 1959 sur la mission et l’organisation du ministère de Malraux, donne à la nouvelle administration la « mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français : assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. »

Il est nécessaire de déplacer légèrement l’angle de vue et de faire la mise au point, tout d’abord, sur le contexte politique et institutionnel de cette affirmation de la mission égalisatrice du ministère et, ensuite, sur les modalités de l’accès à la culture envisagées par Malraux et son administration. Ce déplacement laisse apparaître une opposition à l’éducation. Le rejet de l’éducation a une dimension conceptuelle et pratique : la culture est distinguée de la connaissance et la pédagogie est une voie d’accès exclue. La démocratisation culturelle passait, à cette époque, non pas par une éducation spécifiquement culturelle ou par l’apprentissage des pratiques artistiques, mais par une mise en présence de l’art, des œuvres comme des artistes, et des publics qui n’avaient pas l’habitude d’une telle rencontre. La notion d’accès à la culture rejetait donc toute idée de médiation ou de pédagogie.

Les deux mondes étaient donc séparés, et lorsqu’ils se rencontraient cela faisait alors l’effet d’un choc.

Cette volonté de diversification, déjà engagée par la loi de 1988 sur les enseignements artistiques, est le complément indispensable de la généralisation de l’éducation artistique et culturelle à tous les élèves.

La multiplication des domaines est un moyen d’augmenter le nombre des « déclencheurs » susceptibles de toucher une plus grande population d’élèves. De même, elle augmente les chances de l’enseignant de monter des projets en rapport avec ses propres centres d’intérêt. Elle facilite également le croisement du domaine choisi avec les disciplines enseignées, favorisant de fait les projets interdisciplinaires. En revanche, la diversification ne constitue pas le prélude d’une augmentation systématique des domaines artistiques pratiqués au titre des enseignements obligatoires.

Notes
32.

Jack Lang, Orientations pour une politique des arts et de la culture à l’École, Conférence de presse, 14 décembre 2000, disponible sur http://discours.vie-publique.fr/notices/003003427.html [24/09/2010].

33.

Ibidem.

34.

Ibidem.

35.

Ibidem.

36.

Ibidem.

37.

Ibidem.