1.3. Projet danse et arts visuels (sur la façon de vivre en ville) : Des arts visuels à la danse, une démarche de création

1.3.1. Présentation du projet

Ce projet a pour thématique la danse et s’inscrit dans le dispositif de la « semaine de la danse ». Il s’intitule précisément « Des arts visuels à la danse, une démarche de création ». L’école, classée REP (réseau d’éducation prioritaire), est située dans la banlieue lyonnaise. Le classement REP semble être un critère déterminant ou en tout cas favorisant l’accréditation, la validation du projet PAC. Pour l’enseignante, les parents ne s’intéressent pas au projet, ne proposent pas leur aide, ne s’investissent pas dans la scolarité de leurs enfants, car la distance entre la culture scolaire et la culture familiale est trop éloignée. Elle considère le quartier comme étant difficile. La classe concerne seize élèves de CM1. Cette classe est la seule de l’école présentant un projet artistique et culturel. L’enseignant a pris contact et est en partenariat avec une danseuse chorégraphe renommée de Lyon par ses têtes d’affiches à la Maison de la danse, qui a créé sa propre compagnie de danse. Lors du premier entretien, l’enseignante indique que cette danseuse a au départ suivi le début de projet, puis a transféré ses directives et son rôle auprès d’une de ses collaboratrices :« et puis après, elle m’a envoyé une de ces… une personne avec qui elle travaille ». Elle lui a donc présenté une autre danseuse chorégraphe en danse contemporaine (non connue) qui a été ensuite présente tout au long du projet. Le budget prévu pour ce projet n’a pas été dévoilé. Les dépenses prévues concernent les achats et fournitures (petit matériel : panneaux de tissus pour fabriquer les costumes de scène, cd de musique), et les vacations de la chorégraphe danseuse.

Cette enseignante ne trouve pas logique de me fournir la photocopie du projet écrit, pour la raison que ce n’est pas elle qui l’a rédigé, que tout à été modifié, seuls le titre, l’artiste et son intervention sur dix séances, ainsi que la subvention académique ont été conservés. En effet, l’enseignante à l’origine du projet est partie travailler dans une association qui l’a employée à la dernière minute en septembre, ce qui explique la reprise du projet, en partie, par la nouvelle enseignante arrivée sur son poste.

Pour quelle raison avons-nous alors gardé ce projet dans notre échantillon ? Cette caractéristique de vouloir s’approprier et modifier le projet investi par une précédente collègue nous a semblé accentuer certains traits (souci de l’efficacité, tensions entre le monde scolaire et le monde inspiré…) que nous avons trouvé dans des cas plus favorables. À ce titre, cela nous est apparu nécessaire de nous en servir comme une sorte de moyen de grossir ces traits, puisque l’on est dans une situation où la prise en main par l’enseignante est forcément accentuée. Cela révèle assez bien la manière dont l’enseignante s’approprie le projet pédagogique : dès le début, elle fait un choix qui est axé sur le lien avec la géographie.

L’enseignante précédente avait déjà eu une classe à PAC danse et un financement l’année antérieure, et elle avait donc reconduit son projet pour cette année.

La nouvelle enseignante a alors eu le choix de conserver ou non ce financement pour un projet danse. Elle a choisi de le conserver en changeant le thème. Son choix s’est porté sur les différents aspects de la ville (le jour, le soir, la nuit, les habitants, les quartiers…), en lien avec la géographie qui est une « notion importante » en CM1. Ici, l’espace, l’environnement proche, la ville sont des notions pouvant êtres travaillées dans le projet danse. Le choix de garder et de modifier ce projet a été fait tardivement. L’enseignante a accepté de nous rencontrer en milieu de projet.

Ce qui explique que l’entretien de contact s’est déroulé début avril (les interventions de la danseuse étant planifiées entre mars et juin). Pour l’enseignante « de septembre à mars, le projet végète un peu », les interventions de l’artiste, pour qu’elles soient efficaces en termes de production et d’entraînement afin que les élèves soient prêts pour la semaine de la danse en juin, doivent être concentrées entre le mois de mars et le mois de juin. Le domaine de l’efficacité est à nouveau présent pour le spectacle de fin d’année (être prêt à temps).

Pour leurs recherches chorégraphiques, les élèves se sont nourris de la poésie de Raymond Queneau pour apporter de la matière à leurs expressions et à leurs gestes chorégraphiés :

‘« On a petit à petit avancé avec ces duos de plus en plus élaborés, en mettant des consignes, des contraintes plus importantes, un porté ou un contact ou plus de ralenti, enfin… enrichir vraiment les mouvements. Après on est parti sur la poésie, Raymond Queneau, en leur lisant des morceaux de poèmes, on leur a demandé d’exprimer ce que ça… ce que c’était pour eux, ce que ça voulait dire, ce qu’ils ressentaient, donc, ils ont travaillés ça individuellement toujours pareil, puis en groupe, il y avait un enfant qui était lecteur pour toute la salle, par deux, ce l’apprendre, présenter le mouvement créé, on a changé plusieurs fois de poème, en fait on a fait plusieurs poèmes pour avoir, pareil, de la matière. Et ce qui est difficile aussi quand on essaye de reprendre si vous voulez, cette matière c’est de leur dire, « tiens alors, resservez-vous de ce que vous avez vu quand vous étiez en couple et que vous exprimiez des gestes de la vie quotidienne ou des évitements », aller rechercher ça au fond d’eux c’est vrai que ça n’est pas évident, parce qu’ils ont fait seul, en groupe, par deux, donc voilà, faire le tri des informations c’était pas évident donc c’est aussi pour ça qu’on est passé par l’écrit, normalement dans leur classeur ils ont tel enchaînement, telle phrase, mais ceci dit c’est toujours pareil : passer par l’écrit pour de la danse c’est pas évident parce que… je fais trois pas, je… voyez ? Si c’était un mouvement où il y a vraiment tout le corps, c’est vrai que l’exprimer pour eux aussi c’est pas évident. 205  »’
Notes
205.

Entretien 1 de contact, p. 4.