1.6.2. Remise en cause des situations

Le thème global des percussions n’est arrivé que tardivement, début novembre, aucune précision n’a été ajoutée :

‘«Le thème à l’intérieur de ce projet n’a pas encore été défini parce que l’on a rencontré le musicien compositeur avec lequel nous allons travailler cette année, pour la première fois ce matin même. Je sais que certains enseignants définissent un thème sans connaître le musicien et après, “ imposent ” entre guillemets leur choix aux musiciens, se concertent. Bon, moi ça n’est pas mon cas, j’ai déjà fait ce projet une fois et un projet un peu similaire il y a deux ans. J’attends vraiment qu’il y ait une interaction entre les élèves et puis le compositeur, qu’ils se découvrent mutuellement. Alors au départ, il n’y a pas de direction très très précises du travail. Bon déjà, à l’issue de la rencontre de ce matin on voit un petit peu quel est l’univers des musiciens donc en l’occurrence le monde des percussions avec des instruments entièrement réalisés à partir de matériaux de récupération. Donc cela a déjà donné des idées, à moi, au différents intervenants en musique avec lesquels je vais travailler, aux élèves évidemment. Donc pendant un mois on va partir dans cette direction. Donc niveau rythme, percussions, récupération d’objets, et on va rencontrer une deuxième fois le musicien, donc dans un mois, quatre semaines pile. On va lui présenter un petit peu notre travail. Lui va prendre, retenir ce qui l’intéresse, en disant bien aux élèves, on leur aura tenu le même discours, que ce qui n’est pas retenu : ce n’est pas un signe de moindre qualité. C’est que cela ne s’inscrit pas forcément dans le projet, donc il n’y a pas pour l’instant de thème sauf bon, on part a priori plutôt dans les rythmes, les percussions à partir de matériaux de récupération, mais sans s’interdire le travail sur la voix des choses comme ça. 224»’

Dès le début du premier entretien, l’enseignant fait part de son expérience et de son engagement dans le temps auprès de ce type de projet artistique et culturel.

Il souligne la méthode originale qu’utilise la structure « écrin de la création musicale », où le musicien est rencontré avant la formulation du thème. À ce propos, il compare cette structure aux autres projets PAC qui, à l’inverse, définissent le thème et le contenu sans connaître l’artiste. L’enseignant venant récemment de rencontrer le musicien compositeur (en novembre), le contenu n’est donc pas déterminé, il est non ciblé, et il n’y a pas de directions très précises.

La méthode de l’artiste semble avoir été clairement assimilée par l’enseignant, elle consisterait en un travail à faire en classe chaque mois, avec le mois suivant une rencontre avec l’artiste pour lui présenter le travail, et de là, l’artiste prend, retient ce qui l’intéresse en justifiant son choix auprès des élèves.

La décision de la dominante du projet musique, en l’occurrence les percussions, vient d’une attirance personnelle pour la musique en dehors de l’école, et une attirance pour ce type de projet, à l’origine, fédéré par une ancienne collègue de l’école : « comme pour pas mal de choix, il y a un part d’attirance personnelle et une part de hasard . Donc bin je fais de la musique moi , en dehors de l’école. Donc c’est vrai que j’ai une attirance et puis, plus spontanément je suis attiré par ce genre de projet. Et d’autres part, il y a quelques années une collègue qui est arrivée dans l’école était porteuse de ce projet là. Les écrins sont attachés, j’allais dire, à un enseignant, pas à une classe ni à une école. Donc quand un enseignant change d’école en cours de route, le projet le suit. Donc c’est une collègue qui est arrivée dans l’école il y a cinq six ans avec ce projet là que personne dans l’école ne connaissaient, enfin, ce type de dispositif, et bon on a vu que c’était…, bon elle nous l’a vanté , en disant qu’il y avait un surcroît de travail mais pas si grand que ça non plus , et puis tous les avantages étaient bien au-delà des quelques inconvénients. Donc bin après on était deux à le faire, et puis voilà quoi, c’est vrai que ça, ça m’a apporté beaucoup de satisfaction 225 »

N’ayant pas de contenu défini et de cap fixé, la classe a travaillé tout azimut sur : des jeux vocaux, des jeux de rythme avec le corps, des déplacements, la récupération de matériel pour en faire des percussions, la recherche de sons. Le travail est fondé sur la philosophie des écrins reposant sur les réactions en fonctions des apports des enfants. Cette méthode de travail relève du domaine de l’inspiration. L’enseignant est convaincu que plus la classe approchera de la production finale, qui est le concert, plus le travail sera précis. Le concert n’est pas une finalité, seule la manière d’y arriver et le travail fourni toute l’année sont importants pour l’enseignant : « la philosophie des écrins c’est quand même beaucoup les réactions en fonction des apports des enfants. Donc enfin moi je le conçoit comme ça. Donc j’ai du mal à me fixer un cap , pour l’instant en tout cas, dans une première étape à long terme. Alors il est sûr que plus on va approcher de la production finale qui est un concert, plus on va essayer quand même de… de sérier les choses, d’être de plus en plus précis. Mais sachant que l’intérêt du travail c’est… Bon le concert c’est intéressant mais c’est le travail toute l’année, la recherche.  226 »

« le compositeur lui aussi est très : “  On verra, on a le temps  ” . Ça dépend des compositeurs. Je sais qu’il y a des compositeurs qui sont, bon moi je prends en compte les idées des élèves mais j’ai bien envie qu’on aille par là. Qu’ils soient très très directifs, parfois trop, bon là c’est pas le cas de celui avec qui on va travailler. Donc ce sera vraiment en fonction du travail des idées qu’il va nous donner, peut-être que je serai amené à prendre tel élève, tel groupe d’élèves à tel moment, mais ça j’en sais rien, c’est trop tôt.
La dernière fois, on a eu la partition mars avril, on a toujours les choses pour le spectacle très très tard. Ça paraît venir très tard mais en fait les gamins, sans qu’on le sache ils ont déjà les matériaux, et après on les met en forme et ça va aller vite, effectivement
, quinze jours avant (le spectacle ), c’était n’importe quoi , et puis bon…  227»’

La nouvelle organisation des écrins fait qu’il y a maintenant une cohérence d’œuvre produite puisque les compositeurs sont issus d’un même groupe déjà constitué, et qu’il y a une possibilité de rencontre entre les classes pour travailler en commun. Alors qu’il y a trois ans, chaque classe avait son compositeur attitré et chacun travaillait dans sa sphère personnelle, dans son univers sans s’inquiéter de ce que faisaient l’autre, ce qui aboutissait à quatre pièces musicales indépendantes.

Les notions d’analyse critique, de retour sur la pratique, d’auto-évaluation et de plaisir sont importantes pour l’enseignant pour faire progresser les élèves, notamment lors de la présence de l’artiste.

Les principes véhiculés par le projet reposent sur trois aspects : la découverte d’un univers musical, leur progrès en musique, la rencontre humaine. Les valeurs véhiculées par le projet sont : l’écoute de l’autre, la responsabilité, leur engagement.

Pour l’enseignant, la constitution, en termes de formulation, d’un dossier de demande de projet artistique et culturel nécessite la consultation des instructions officielles, qui est l’outil de travail principal, afin de s’y référer au niveau des compétences disciplinaires en musique, et des compétences transversales.

De part son expérience antérieure, l’enseignant a déjà rédigé plusieurs fois ce type de dossier, ce qui lui a rendu la tâche plus facile que pour le premier dossier. L’enseignant a mobilisé les Instructions Officielles selon sa propre démarche : après avoir eu l’idée du projet en tête, il a vu dans les instructions les compétences susceptibles d’être mobilisées, et ensuite ce que l’on était en mesure d’attendre de ces compétences mises en jeu. L’enseignant n’a pas fait la démarche inverse, qui aurait été de prendre les instructions en se disant « quel projet peut-on rédiger pour que ça aille dedans ».

La distance, en termes d’écart, existant entre la trace écrite du dossier de validation et la mise en place concrète sur le terrain semble être inexistante, l’enseignant affirme qu’il n’y a pas eu d’écart pour ces deux précédents projets, tout est un peu anticipé, il n’y a pas de choses écrites qui n’ont pas été faites. Pour les intervenants en musique, le projet est assez défini, calibré, et les prévisions du compositeur se font au coup par coup d’une séance sur l’autre. Les écarts sont donc peu important au niveau actions, interventions, et au niveau budget, du fait de l’absence de précision dès le départ et tout au long du projet. Il est à noter que les musiciens-compositeurs font de l’improvisation musicale, et ont une démarche basée sur l’improvisation. Seule une production cohérente leur est demandée en fin d’année.

Enfin, un écart budgétaire peut parfois exister car, par exemple, il est difficile de prévoir à l’avance une rencontre supplémentaire avec une autre école.

Notes
224.

Entretien 1 de contact, p.1.

225.

Entretien de contact 1, p.2.

226.

idem.

227.

Entretien de contact 1, p.4.