Entretien 1 Projet danse et arts visuels (sur la façon de vivre en ville) « Des arts visuels à la danse, une démarche de création »

Entretien Madame P., le mardi 6 avril 2007

Ecole primaire J. J., ville de B., classe de CM1, 16 élèves.

La danse

Virginie RUPPIN : 1) Pour quelles raisons avez-vous choisi ce thème ? Je sais que vous avez pris le relais d’une autre personne, Madame Lecomte.

Madame P. : Alors en fait, ce qui s’est passé, c’est que Madame Lecomte avait fait une demande de budget pour un projet danse parce qu’elle en avait déjà mené un l’année précédente. Donc en fait, finalement elle n’a pas repris son poste à la rentrée, donc elle m’a demandé si je voulais bénéficier de l’argent en gros du projet. Donc moi j’étais partante, je n’en avais jamais fait, donc bon je me suis dit on verra bien, et donc j’ai bénéficié des crédits. Et alors après, au niveau du projet, moi j’ai choisi le thème de la ville et pourquoi ce projet, parce que c’était un projet important, enfin, une notion importante en géographie, donc on avait pas mal à traiter en CM1. Parce qu’il me semblait que dans la ville, je voulais faire ressortir le côté multiculturel de la ville, le fait que l’on vie en ville pour différentes raisons, qu’on peut avoir tous âges pour venir en ville, profiter de la ville, que la ville est différente selon les quartiers, que la ville est différente selon le jour, la nuit, la soirée, il y avait toutes ses différences et donc voilà c’était ça que je trouvais intéressant de traiter par rapport à mes élèves qui eux aussi, bin sont différents, sont de cultures différentes. Il y avait un petit peu ce parallèle. Donc au départ, la naissance du thème est venu bien après parce qu’au départ, en septembre, je ne savais pas que j’allais avoir le projet par exemple, c’est en septembre-octobre, enfin oui, mi-septembre, qu’elle a dû me dire, finalement j’ai un crédit, donc bon, est-ce que tu le veux, donc j’y ai réfléchi, j’ai contacté des danseurs, j’ai regardé ce que j’avais vraiment comme budget, enfin voilà. Donc c’est pour ça que j’ai mis du temps à vous recontacter, parce que quand vous m’aviez contactée, si vous voulez moi je, elle m’avait juste dit bin j’aurai de l’argent, je ne savais même pas combien, comment, je ne savais même pas comment ça se faisait, il y avait rien de concret. Parce que jusqu’en septembre, elle ne pensait pas, elle a pris une… elle est allée travailler dans une association jusqu’en septembre, elle pensait qu’elle aurait peut-être… si elle n’était pas prise, elle aurait toujours son poste. Enfin en septembre, ça n’était pas du tout construit.

V. R. : Donc c’est un projet qui tourne autour de l’urbanisme ?

N.B. : L’urbanisme… non, plutôt la façon de vivre en ville, la façon d’exister, de trouver sa place, tous les ressentis que l’on a dans la ville, voilà, au niveau des émotions plutôt.

V. R. : Et donc quel est votre partenaire artistique et culturel ?

P. : Alors en fait, la compagnie avec laquelle je travaille, c’est la compagnie Aquiella et donc bin au départ, mon interlocutrice était la personne qui a créé la compagnie, Carla F., et puis après, elle m’a envoyé une de ces… une personne avec qui elle travaille qui s’appelle Véronique T.. Et donc, bin on a discuté un peu du projet moi je, j’ai essayé de lui dire un petit peu tout ce que je vou…. Enfin les valeurs que je voulais faire passer. Mais c’est vrai qu’au début c’était flou pour moi. Disons ce qui était flou c’était le passage de… du thème à la danse quoi. Et donc ça, on en a pas mal discuté, et on a essayé de trouver des biais quoi.

V. R. : Donc une articulation entre la ville et la danse.

P. : Oui.

V.R. : 2) Quels travaux pour les enfants sont-ils prévus, à l’heure actuelle, dans ce projet ?

N.B. : Alors travaux… c’est-à-dire ?

V. R. : En termes de traces écrites, publications, enregistrements, expositions, spectacles, etc.

P. : OK. Alors, ce qu’on a fait, si vous voulez, à chaque fois qu’on a quelque chose à construire en danse, c’est-à-dire, un enchaînement, des pas, ils passent par l’écrit pour bien retenir le mouvement, pouvoir ce le passer, ce l’expliquer. Parallèlement à ça, on a fait pas mal d’arts plastiques, ils ont fait un peu la danse dans la ville, comment ils voyaient ça. Et puis, bin leurs travaux quotidiens, c’est créer des choses selon les consignes qu’on leur a donné, ça peut être très différent. C’est le cœur de la danse ces séances de danse. Donc les séances de danse, bin ça a été, on a eu dix séances. Au départ, Carla Frison m’avait dit « Oh là là, dix c’est bien, on aura le temps d’installer les choses », mais bon c’est jamais assez, c’est vraiment jamais assez. C’est vrai qu’au départ, on appui vraiment très doucement, mais c’est toujours difficile de trouver le moment où il faut vraiment se pencher vraiment vers la construction du spectacle. Et c’était pas évident à trouver ce moment. Je pense que… on a pas mal trouvé mais moi j’avais du mal à me dire, bon là maintenant c’est le spectacle et vraiment il faut se tourner vers cette préparation. Et donc le spectacle c’est la participation à la semaine de la danse, on va passer le 19 juin. Comment elle est entrée dans le vif du sujet… Donc au début on a pas mal travaillé sur l’occupation de l’espace, sur le fait qu’il fallait essayer d’abandonner les amitiés qu’ils peuvent avoir d’habitude, c’est-à-dire occuper l’espace en mélangeant filles garçons, ce que l’on a beaucoup de mal à faire ici dans le quartier, donc ils sont très, souvent très, ils font vraiment la distinction entre les deux, même quand ils s’assoient pour nous écouter, ils va y avoir les garçons ici et les filles de l’autre côté quoi. Donc occuper l’espace, marcher, tourner, prendre des directions avec des angles nets, le port du buste, le regard, marcher avec une intention, voilà, vraiment, marcher euh, mais vraiment dans l’intention de la danse. Après, elle est partie sur marcher en évitant des obstacles, donc pour commencer à faire naître des gestes différents, donc s’inventer des obstacles, des évitements, des hésitations et puis créer un petit morceau comme ça, une petite phrase où il y aurait par exemple cinq gestes, où il y aurait hésitation, évitement, voilà. Donc déjà créer sa phrase, l’apprendre vraiment, la refaire systématiquement parce que souvent ils ne refaisaient pas du tout la même chose, l’apprendre aux autres, voilà, il y a eu plein de démarches comme ça. Il y a eu des démarches par rapport à des gestes quotidiens, des gestes que l’on peut faire en ville. Déjà, donc en classe, trouver des gestes quotidiens qu’on fait en ville vraiment, se remémorer, qu’est-ce que l’on fait quand on se promène avec son chien, on boit, on attend le bus, on regarde l’heure etc. Donc se trouver cinq gestes quotidiens, qu’on pratique tous les jours dans notre vie en ville, dans notre vie citadine, mais aussi après grandir ces gestes, les transformer, pour que chacun sache, chacun savait son… connaissait ses gestes, mais les autres ne devaient pas les découvrir, vraiment grandir tout ça. Jouer sur les différences, rapidité, lenteur, les arrêts, à deux les contacts. Donc pareil, par une phrase on apprend, en fait Véronique m’a dit « on va essayer de leur faire construire des petits enchaînements, des gestes pour qu’ils aient vraiment du matériel après pour créer, pour s’en servir, pour construire le spectacle. Concernant l’échauffement, c’est vraiment sympa, parce qu’ils n’ont pas du tout l’habitude de ça, même en sport, ils vont s’échauffer en sport, mais vraiment se faire du bien au corps, aux mains, au visage, frotter, détendre, pour se préparer, prendre soin de soi, pour être prêt, vraiment des choses auxquelles ils ne sont pas du tout habitués. Voilà, avancer petit à petit là-dedans, en gommant vraiment les gestes quotidiens et en allant vers la danse, en gommant la marche en allant vraiment vers les gestes de danse. Après on a fait des duos, c’est-à-dire lier deux phrases, donc ça c’était pas du tout évident, chacun amène sa phrase, l’apprend bien à l’autre, on les lient ensemble, certains avaient choisi le début fin, mais d’autres avaient vraiment liés les mouvements, c’est-à-dire, ils avaient vraiment fait une construction plus élaborée, donc ça ça dépendait des couples, donc bien l’apprendre parce que il y a vraiment le problème de la mémorisation. Surtout bon ici, ils ont des problèmes de mémorisation pour le travail quotidien en classe, mais c’est exactement la même chose pour les pas de danse, même c’est aussi ce qui nous freine là, qu’il y ait un souci. Parce que le problème de mémorisation c’est vraiment quelque chose, comme c’est la première fois que je fais un projet comme ça, vraiment j’avais pas mesuré à quel point ce serait important. On a petit à petit avancé avec ces duos de plus en plus élaborés, en mettant des consignes, des contraintes plus importantes, un porté ou un contact ou plus de ralenti, enfin… enrichir vraiment les mouvements. Après on est parti sur la poésie, Raymond Queneau, en leur lisant des morceaux de poèmes, on leur a demandé d’exprimer ce que ça… ce que c’était pour eux, ce que ça voulait dire, ce qu’ils ressentaient, donc, ils ont travaillés ça individuellement toujours pareil, puis en groupe, il y avait un enfant qui était lecteur pour toute la salle, par deux, ce l’apprendre, présenter le mouvement créé, on a changé plusieurs fois de poème, en fait on a fait plusieurs poèmes pour avoir, pareil, de la matière. Et ce qui est difficile aussi quand on essaye de reprendre si vous voulez, cette matière c’est de leur dire, « tiens alors, resservez-vous de ce que vous avez vu quand vous étiez en couple et que vous exprimiez des gestes de la vie quotidienne ou des évitements », aller rechercher ça au fond d’eux c’est vrai que ça n’est pas évident, parce qu’ils ont fait seul, en groupe, par deux, donc voilà, faire le tri des informations c’était pas évident donc c’est aussi pour ça qu’on est passé par l’écrit, normalement dans leur classeur ils ont tel enchaînement, telle phrase, mais ceci dit c’est toujours pareil : passer par l’écrit pour de la danse c’est pas évident parce que… je fais trois pas, je… voyez ? Si c’était un mouvement où il y a vraiment tout le corps, c’est vrai que l’exprimer pour eux aussi c’est pas évident. Donc voilà, ça c’est toute notre préparation avant. Fin avril on a commencé un petit peu à préparer le spectacle, donc le spectacle au départ on avait plusieurs musiques, Véronique en a proposé plusieurs, elle m’a dit « réfléchi à certaines, trouves en toi », enfin bon, on a essayé de partager, et puis on les a fait démarrer sur une musique, on a finalement gardé le groupe qui s’appelle EST, moi je ne connaissais pas, moi je ne connais pas du tout le… et puis finalement on a gardé celle-là, on essaye là, un petit peu au milieu de la préparation, on essaye d’en mettre une autre mais bon on va voir si c’est possible, c’est-à-dire de, en gros ce que l’on voudrait faire c’est mettre la première, la faire se terminer doucement, la couper, mettre le texte, les textes, faire lire un enfant, et puis reprendre une deuxième. Parce que, ce que je lui ai dit, moi, j’aurai aimé qu’il y ait, parce que c’est assez entraînant la première, que ça pourrait être sympa de mettre une deuxième, j’avais trouvé une Moby qui était assez mélancolique pour faire la distinction entre jour, l’activité qui a la journée en ville et la mélancolie le soir qui vient, le calme qui revient pour faire cette distinction. Donc on va voir si techniquement on y arrive parce qu’il faut gérer un petit peu tout. Donc après la construction, c’est Véronique qui a proposé au départ la construction. Je n’ai que seize enfants, j’ai oublié de le préciser : ça facilite un peu les choses quand même. Elle a proposé un départ avec différents groupes, un groupe de quatre qui commence en même temps qu’un autre groupe de deux, quatre autres qui reprennent, enfin, des petits groupes comme ça, et puis qui s’articulent. Et puis après, c’est à force d’écouter la musique que les choses sont venues, qu’on a discuté, elle m’a dit « bin tient peut-être ça là, ça là… » voilà, et puis petit à petit, donc en fait on remobilise ce que l’on a appris le mois dernier, c’est-à-dire, bin là pour le groupe de quatre vous allez me mettre la marche active, là vous allez mettre les hésitations, puis hop, petit à petit. Et puis parfois il y a des nouvelles créations même qu’on demande aux enfants par exemple à deux, on leur dit « tient là tu as cet espace là à ce moment là, hop, qu’est-ce que tu ferais ? » et les choses se construisent comme ça, petit à petit.

V.R. : 3) Quelle place comptez-vous avoir dans ce projet ?

N.B. : Je comptais participer, je comptais être active, je comptais tout ce qu’on veut en tant qu’instit, mais je ne pensais pas être aussi active, mais c’est toujours pareil parce que je ne l’avais jamais fait et parce que je n’estimais, je n’avais pas du tout d’idée de ce que c’était que de construire un enchaînement etc. Mais en fait, même si l’on a dix séances, là vous voyez, elle n’est pas revenue depuis quinze jours, il nous reste trois séances, jeudi plus après jusqu’au mois de juin deux autres. Mais ça veut dire que là en ce moment si je ne reprends pas tout les deux jours une heure, ou une heure et demi par jour, euh… il y aura rien quoi, parce que c’est la construction, c’est difficile à mettre en place, vraiment, vraiment. Déjà la mémorisation faut faire et refaire et puis, elle a donné des directives, mais c’est normal, ça ne peut pas être autrement je pense que, ou il faudrait vingt heures peut-être pour… et puis non, j’ai dit une bêtise, j’ai pas dix heures, j’ai dix séances, soit quinze heures, dix séances d’une heure et demie, ce qui me fait quinze heure. Donc oui, il faut vraiment reprendre et puis je découvre avec eux parce que c’est vrai que là elle m’a donné deux trois directives, là pour jeudi, de retravailler tel ou tel groupe, de mettre ça en place mais en fait c’est difficile parce que comme la danse ne se fait pas forcément, c’est par groupe de quatre, de huit, donc il faut gérer les deux groupes. Alors des fois j’en envoie en arts plastiques avec la directrice, mais je ne peux pas tout le temps le faire, donc quand j’ai les seize c’est pas évident, parce que, jongler un petit peu. Tout ça pour dire que je pense que si, il faut vraiment compter reprendre, prendre entre les séances quoi.

V.R. : Donc une place de participante, de gestion on peut dire ?

P. : Oui, gestion de groupe, oui, et presque création. Je ne vais pas… l’idée de départ je veux dire, au départ elle l’a donnée mais après c’est vrai que, elle n’a pas cessé de me répéter mais toi apporte-moi des choses si tu veux, c’est vrai qu’au départ j’osais pas forcément parce que je me disais, bin c’est elle la professionnelle, et puis je ne veux pas trop, et puis je ne l’ai jamais fait, et puis… enfin des choses comme ça, mais en fait si on amène pas de soi non plus, les choses ne vont pas se faire. Y’a pas assez, il faudrait, pour bien faire il faudrait une à deux séances par semaine avec elle, quoi, intensivement.

V.R. : 4a) Qu’attendez-vous de ce projet ? (attentes de l’enseignant)

N.B. : Que les enfants soient… en tirent une certaine satisfaction, c’est pour ça que j’essaye d’être exigeante avec eux pour que vraiment on voit qu’ils ont fait des progrès, qu’ils ont avancés, qu’ils se sentent bien aussi. J’ai pas mal d’enfants vraiment introvertis pas bien dans leur corps. Ceux là, c’est vrai que, parfois il y a des choses très difficiles parce qu’ils sont vraiment en retrait, ils ne veulent même pas se mettre au travail. Bon c’est vraiment… oui c’est un travail de longue haleine quoi. Donc de la satisfaction, du bien-être pour eux, qu’ils voient aussi qu’ils approchent un petit peu la rigueur, la discipline du métier de danseur, parce que je me dis que… déjà pour leurs connaissances personnelles, mais aussi on ne sait jamais, peut-être faire des vocations, enfin… Appréhender ce milieu, et puis mes attentes autrement… que ça se passe bien, que voilà… c’est normal ça c’est inhérent à tout projet. Et un peu en amont du projet, c’est-à-dire, je ne sais pas si vous vous rappelez, tout à l’heure j’ai dit que, qu’il y avait pas mal de mixité, multiculturelle, et c’est vrai qu’ici les enfants sont très… assez violent, très… ils démarrent tout de suite, ils sont vraiment à fleur de peau, donc c’est vrai, essayer de laisser un peu ses ennuis de côté, essayer de plus communiquer, essayer de partager quelque chose de commun pour être mieux ensemble. Mais c’est vrai que l’on revient aussi au fait, mieux ensemble, mieux soi-même.

V.R. : Des attentes concernant les apprentissages ?

P. : Dans tout ce qui est lié en fait, puisqu’on a pas arrêté de parlé du projet, des arts plastiques, de la géographie, de la poésie, donc euh… vraiment appréhender la ville avec ses ressentis, et puis de toute façon, c’est plein d’apprentissages transversaux. Vivre ensemble, partager quelque chose, être capable de montrer quelque chose, d’apprendre…

V.R. : 4b) Qu’attendez-vous de l’artiste, intervenant ?

N.B. : Qu’il apporte des idées, qu’il apporte de la créativité, de l’originalité, mais bon c’est pareil, mes attentes ont changé parce que j’attendais beaucoup plus en fait. Mais parce que je ne savais pas, et quand je dis j’attendais beaucoup plus et j’ai moins en retour, mais c’est pas à cause de mon intervenante, elle est très bien, je suis très contente, mais c’est parce que c’est inhérent à la façon dont on fonctionne comme elle ne vient que dix fois de toute façon, forcément elle nous donne deux trois directives et puis je suis obligée de reprendre derrière. Encore une fois c’est parce que je ne connaissais pas et puis je n’avais pas estimé vraiment, oui, comment les choses allaient s’imbriquer et la part que je devrais prendre en fait. Donc ce sont principalement les idées, mais ce que j’attendais, parce que maintenant je le vois moins, parce que l’on est dans le vif du sujet, mais c’est comment elle les a amené à se mouvoir sans leur dire « bin tient on va faire ça ça ça », comment elle les a amené par le ressenti, par la poésie, par les gestes quotidiens, par toutes ces petites choses à créer, comment on est passé en fait de mon projet à la danse. De l’idée de ville, de la vie en ville à, aux gestes de danse.

V.R. : 4c) Qu’attendez-vous des enfants ?

N.B. : J’attends des enfants qu’ils comprennent là, après plusieurs séances, que bin c’est pareil, c’est aussi parce qu’on est vraiment dans le vif du sujet, mais j’attends qu’ils soient vraiment concentrés, prêts à… prêts surtout quand Véronique vient, vraiment concentrés, être prêt à recevoir ce qu’elle va leur donner, prêt à travailler, à faire des efforts, à être disciplinés, des choses pour lesquelles ils ont vraiment du mal, déjà au quotidien mais donc là aussi. Oui, pour être prêt à réaliser le projet, réceptifs, voilà.

V.R. : 5) Que comptez-vous faire concrètement (en termes d’actions de l’enseignant) ?

N.B. : Je comptais… alors au départ quand elle est venue, là, les premières séances : gérer avec elle, c’est-à-dire, gérer le groupe, parce qu’ils ne sont que seize mais il y a cinq six garçons très difficiles, et donc il y a de la gestion, je veux dire, de la gestion de comportement quoi. Je comptais moi, écouter, c’est-à-dire, comprendre, apprendre, de ce qu’elle allait dire, des orientations qu’elle allait donner, je comptais appliquer, c’est-à-dire, reprendre, puisque ça je me doutais, même si je ne pensais pas à ce point là mais je me doutais qu’il fallait reprendre entre les cours. Aider, parce que on aide les enfants à comprendre un geste, à accompagner l’idée, et je pensais en fait je pensais orienter peut-être, dans ce sens orienter la création avec elle, c’est-à-dire si elle me demandait, c’est vrai que j’y avais pensé, mais finalement c’est pas orienter, c’est même euh, c’est plus que ça après. Mais si c’était avant je me disais « tiens, orienter, peut-être qu’elle me demandera ci, ça… mais finalement c’est vraiment un partage, c’est vraiment conseiller, des fois elle me dis qu’est-ce que t’en penses et puis euh…

V.R. : 6) Comment allez-vous vous y prendre ?

N.B. : J’y ai répondu au-dessus.

V.R. : 7) Quels effets comportementaux seraient en mesure d’être attendus ?

N.B. : Alors, comportementaux… au niveau du comportement des enfants… j’ai un trou là… Être… Être à l’écoute, être réceptif à ce qu’on va leur dire, arriver à abandonner à être vraiment dans la peau du danseur, c’est-à-dire je ne suis pas dans la salle comme je suis dans la cour de récréation, je suis vraiment dans mon travail de danseur, et donc, j’écoute, je suis concentré, j’arrive à appliquer. Il y a des jours où c’est difficile parce que ils ramènent jusqu’en bas, à la salle du gymnase, leurs problèmes de cours, de billes, et jusque dans la salle, pendant qu’on fait les mouvements, même au bout d’une heure il va y avoir d’autres euh« il m’a tapé », « il me pousse », et donc c’est vrai que quand on arrive là en fin de projet et que vraiment il faut remettre un coup c’est difficile parce qu’on est sans arrêt parasité avec des choses comme ça. Il y a vraiment amélioration au fil des séances, je sens qu’ils commencent à… parce qu’en fait aussi les choses naissent, et puis commencent vraiment à se mettre en place, donc ils commencent à prendre du plaisir, c’est-à-dire ils savent un mouvement, donc ils ne sont plus un petit peu à la traîne ou perdus, donc ils sont mieux, mais ceci dit, c’est long, c’est long à mettre en place, donc il y a tout ça qui… qui est difficile à gérer.

V.R. : 8) Quels effets pédagogiques seraient en mesure d’être attendus ? (en terme d’apprentissage)

N.B. : Alors je vais partir un peu dans tous les sens… Déjà au niveau de la consigne : restituer une consigne, savoir la redonner aux autres, l’expliquer, avoir un retour sur son travail, on a toujours travaillé pendant tout le long des séances à la fois : le danseur est actif, mais à la fois il est critique, il a un retour sur lui, sur ce qu’il fait, il est capable de dire si on est dans les consignes ou pas, donc vraiment tout le temps ce retour à la fois de créateur mais de spectateur et de critique. Et puis, d’une façon générale, de voir que les choses sont liées donc même aussi à travers ce projet parce qu’on est passé des arts plastiques à la géographie, à la poésie, à la lecture tout court, à la création de mouvements, à l’écriture, de voir que vraiment les choses sont liées, et que l’on peut construire comme ça, des notions, à la fois c’est vrai qu’ils ont maintenant plus de réflexion sur la ville. Ils vivent dans la ville, c’est leur quotidien, mais c’est vrai que c’est plus… je vois que leurs réflexions sont différentes, ils sont plus dans le ressenti.

V.R. : 9) Quels sont les principes, d’après vous, que véhiculent ce projet ?

N.B. : Je dirai euh… le mélange, les cultures multiples qu’il y a dans la ville, tout ce qu’on a voulu un petit peu transmettre, vivre ensemble, un certain civisme, une rigueur, du partage, de la communauté…

V.R. : 10) Quelles sont les valeurs, d’après vous, que véhiculent ce projet ?

N.B. : Il y a certains enfants qui ne se parlent pas, qui sont… donc certains ont travaillé ensemble, donc essayer de communiquer, de vraiment apprendre l’un à l’autre, à la fois ce mélange garçons filles, même des filles entre elles qui ne se parlent pas, enfin vraiment être mélangé, partager ensemble, construire ensemble, oui en fait pas mal de civisme, mais c’est en fait, quand j’ai parlé au tout début à Carla Frison, quand je l’ai rencontré, je lui ai dit d’accord, la danse ça véhicule tout ça, mais moi ce que je veux beaucoup c’est travailler là-dessus parce que la classe est difficile, parce que les enfants sont vraiment très réactifs, très, à fleur de peau tout le temps, donc essayer de vraiment arriver à partager quelque chose de commun, et arriver à être ensemble quoi. Parce que même avant que je prenne la ville, parce qu’au départ, au début j’ai rencontré Carla Frison mais je n’avais pas l’idée du thème, pourquoi ? Parce que je ne savais pas comment passer d’un thème en fait à la danse, j’avais du mal à… parce que des thèmes j’en aurai trente-six, mais après quand j’ai vu que c’était ça que je voulais faire passer, bon je me suis dit, tient qu’est ce qui est commun un petit peu à tout… qu’est-ce que je peux retrouver dans plusieurs apprentissages, qu’est-ce qui met bien en adéquation toutes ces valeurs. Donc la ville m’est apparue importante parce que j’avais cette mixité, parce que j’avais ce mélange, parce que j’avais ces contradictions qui à la fois étaient des forces, des faiblesses, parce que j’avais tout ça, voilà. 

V.R. : 11a) La constitution (formulation...) d’un dossier de demande de PAC nécessite t’elle la consultation des instructions officielles ?

N.B. : Oui, ceci dit c’est biaisé parce que moi je n’ai pas eu à faire le dossier. Donc c’était Aude qui l’avait fait et je ne sais même plus son thème, parce qu’elle avait glissé aux arts plastiques au départ, donc en fait elle a demandé de l’argent et puis après… j’en ai refait un pour l’année prochaine mais bon, sur le thème de la danse, bon c’est très bateau quoi, on lie ça aux instructions officielles voilà et puis après…

V.R. : 11b) Est-ce que vous avez utilisé les instructions officielles pour donner un contenu pédagogique au dossier du projet ?

N.B. : Oui.

V.R. : 11c) Si oui, comment vous êtes-vous emparé de ces I.O. ?

(comment les avez-vous mobilisées ?)

N.B. : Comme j’avais déjà vécu ce projet là pour celui de l’année prochaine en fait c’est un peu différent mais euh, dans les valeurs qu’on veut faire passer, dans vraiment l’idée générale qu’on a, on va chercher tout ce qui s’y rapporte et puis, de toutes façons, il y a tellement de choses, elles sont tellement imbriquées donc… Donc à partir des idées, ensuite, on va voir dans les instructions pour voir ce qui correspond afin d’élaborer ce projet. C’est vrai aussi qu’en reconsultant les instructions officielles, on remet des choses auxquelles on avait pas forcément pensé et qui viennent renourrir dans l’autre sens en fait. Mais c’est vrai qu’au départ je pense qu’on a une idée générale et puis on va rechercher dans les instructions officielles, et puis on fait un retour aussi.

Je fais une aparté là, quand j’ai voulu un petit peu présenter à Véronique ce dont je voulais parler, en fait la ville, bon je lui avais dit, dans la ville moi mon truc dans la ville c’est la mixité, donc je lui avais fait tout un topo en disant ou on peut travailler sur les couleurs, ou on peut travailler sur les différentes personnes qui viennent en ville, ou sur l’urbanisme on y avait pensé, mais en fait on a pas pris, sur les transports, c’est-à-dire on va vite, on va doucement, le bruit, le silence, la nature, enfin bon toutes ces différences entre quartiers. Et puis je m’étais pas mal aidée de ce petit bouquin La ville à petits pas que je trouve très sympa parce que c’est vraiment, pour les enfants, pour les faire entrer aussi… il est sympa, il est en images et avec plein d’anecdotes, il est très rigolo. L’histoire de la ville : comment sont nées les villes, chaque ville est unique, la forme, les repères, les différentes villes dans le monde, les visites guidées dans la ville quartier, les monuments, la nature dans la ville, les gens qui vivent en ville, qui fait quoi, la ville au niveau : les riches les pauvres, il est très… c’est édition Actes Sud. Parce qu’à la fois, il nourrit côté géographie avec plein de petits renseignements, plein d’exemples, et à la fois il fait vraiment référence à ce mélange, à la richesse qui a en ville, oui, d’une façon générale, je voulais que les enfants de toutes ces différences qu’ils ont parce qu’ils sont différents, d’origines différentes, dans un pays qu’ils ne sont pas souvent originaire, de ces différences ils voient la richesse que l’on peut faire, en étant ensemble, en étant lié, en faisant cause commune dans le projet de la danse, voilà.

V.R. : 12) Quelle distance (écart) existe-il, selon vous, entre la trace écrite du dossier de validation et la mise en place concrète sur le terrain ?

N.B. : Enorme, énorme parce que si c’est comme moi au début on y connaît rien donc de toutes façons on a tout à apprendre, mais énorme aussi parce que ce que j’ai mis pour le dossier de l’année prochaine, donc je ne sais pas si ça se fera, mais, mais pourquoi, parce qu’un projet ça se nourrit tous les jours, et parce que surtout on fait un projet d’une année sur l’autre et c’est une des grosses difficultés que j’ai eu, parce qu’un dossier on le fait en avril, c’était le 20 et quelque avril on doit envoyer son dossier, ok. Fin juin ou début septembre on sait si on aura de l’argent d’accord. Le problème, c’est que si on veut par exemple, s’inscrire la semaine de la danse c’est en juin de l’année suivante, c’est-à-dire pour ici, septembre 2006 : je savais que j’avais des crédits, mais juin 2007 on fera le spectacle, or, pour faire venir une intervenante, elle doit venir les deux-trois mois avant, parce qu’autrement ça n’est pas possible, ça n’a pas de sens, donc ce qui fait que en gros de septembre à mars, le projet végète un peu, parce qu’on a beau se rencontrer, j’ai rencontré Véronique, j’ai rencontré Carla, mais tant que ça n’est pas du concret, qu’on est pas dans le vif du sujet avec les gamins qu’on a, avec l’argent qu’on a, etc. les choses ne se construisent pas. Donc ensuite, le souci que j’ai eu, un souci vraiment matériel, c’est que on a les crédits, par exemple pour les fournitures, ce dont on se sert pour les costumes etc. On les a à dépenser avant décembre, donc c’est vraiment un gros souci, parce que même, donc c’est vrai que c’était un petit peu biaisé parce que moi, comme je n’étais pas dans le projet au départ, ça n’était pas construit, mais ceci dit, ça fera pareil l’année prochaine, parce que même si j’y réfléchis aller, pendant les grandes vacances, en septembre, je ne vais pas tout de suite… enfin si, j’aurai peut-être Véronique ou une autre personne, on en parlera, mais tant que l’on ne sera pas dans le vif du sujet, l’année suivante, enfin en mars de l’année civile suivante, on ne sera pas dans le vif du sujet, donc les couleurs des costumes, ce que l’on veut… Donc j’ai eu ce problème, j’ai été obligée en décembre d’aller, j’avais fait un bon pour Mondial Tissu d’acheter du tissu sans savoir trop comment faire, sans, et ça c’est un réel problème, et je voudrais justement voir avec l’Académie, si jamais ça marchait, si j’ai encore des crédits, si je peux avoir ces crédits plus tard, c’est-à-dire pour l’année, là je ne les aurais qu’en 2007, c’est-à-dire les dépenser en mars ou en avril. Vraiment au cœur du projet. Parce que c’était pareil, c’est la mairie qui me payait mon intervenante, mais il fallait qu’en décembre elle soit payée. Bon on s’était à peu près mis en place sur 10 séances, mais 15 heures, mais c’est vrai que la mairie finalement donnait un peu plus d’argent, donc ça serait… j’aurai plus de temps pour les payer, j’aurai peut-être pu voir pour recaler d’autres séances, enfin bon… c’est difficile, parce que ça n’est pas dans le même délai quoi. L’argent doit être dépensé avant décembre de l’année et la création se fait en mars, avril, mai, juin. Alors que peut-être il y a des gens qui commencent avant, mais, s’ils ne viennent pas à la semaine de la danse d’accord, mais avec la semaine de la danse, moi j’en ai parlé à Carla, elle m’a dit oui il faut que ça soit quand même rapproché, et puis c’est vrai que maintenant, le vivant, je ne me verrai pas du tout commencer genre avoir une séance tous les mois quoi, parce que je me sentirai trop seule.

V.R. : Je vous remercie.

(fin de l’entretien)