1.1.2.2.2. Approches alternatives

Weiden (Weiden, 2007) et Freudenreich & Tranulis (Freudenreich & Tranulis, 2009) proposent des modèles d’adhésion ayant pour ambition d’aider à anticiper les événements qui risquent d’être vécus par les patients, et d’offrir un guide pour la prise de décision clinique. Le Tableau 6 présente les caractéristiques des cinq prototypes proposés par Freudenreich & Tranulis (Freudenreich & Tranulis, 2009), et des propositions concrètes de solutions. Comme le font remarquer les auteurs eux-mêmes, ce modèle par prototypes doit être validé empiriquement. Par ailleurs, les prototypes ne rendent pas compte de l’aspect dynamique de l’adhésion aux antipsychotiques. Une considération statique de ces prototypes risque alors de créer des stéréotypes de patients. Or, un même patient peut, selon l’évolution de sa maladie, passer d’un modèle à l’autre, voire devenir adhérent.

Cet aspect évolutif de l’adhésion au traitement dans la schizophrénie est pris en compte dans les cinq théories de Weiden (Weiden, 2007). Cet auteur encourage les cliniciens à ne pas considérer l'adhésion comme une fin clinique. Le patient ne doit pas avoir l’impression que le traitement est une obligation et que l’adhésion est destinée à convenir au docteur. Au contraire, il faut mettre l’accent sur les réels objectifs du traitement, qui sont : le contrôle des symptômes, une amélioration de la santé, et de meilleures chances de rémission (Velligan, et al., 2010). La liste de ces théories et la pratique clinique conseillée sont exposées dans le Tableau 7. Dans ce même souci d’offrir aux cliniciens un guide pratique pour améliorer l’adhésion dans les maladies mentales graves et chroniques, un groupe de chercheur a récemment proposé des directives selon un consensus obtenu auprès de 41 experts (Velligan, et al., 2010). Ce guide propose une intégration des facteurs de risques tout en insistant sur l’évaluation individuelle et encourage une personnalisation de la prise en charge.

Tableau 6. Description des prototypes d’adhésion aux antipsychotiques d’après Freudenreich & Tranulis (Freudenreich & Tranulis, 2009) : Guide pour les cliniciens face aux risques de non-adhésion en fonction des prototypes de patients. *Vision biomédicale de la maladie = les sujets considèrent que leur problème psychiatrique a une base organique.

Attitude face à la médication Vision / maladie et traitement Risques ou raisons de non-adhésion Guide pour le clinicien
True believer Bonne Biomédicale* - Inefficacité du traitement
- Traitement vu comme une corvée
Etre empathique quant aux difficultés liées à la chronicité de la maladie
Clinic trouper Bonne Idiosyncrasie - Par accident
- Alliance thérapeutique affaiblie
- Rendre le traitement pratique : simplicité, routines
- Efforts en psychoéducation dans un esprit de prise en charge collaborative
Reluctant recruit Ambivalence Ambivalence / Indéfinie - Fragilité de l’adhésion : les patients correspondant à ce prototype peuvent basculer d’un prototype à l’autre facilement
- Stigmatisation négative de la schizophrénie
délais dans la recherche d’aide
interfère avec le traitement
- Facteurs sociaux, familiaux, culturels…
- Importance d’avoir une expérience initiale positive avec le traitement
- Contrebalancer les effets secondaires par une efficacité claire des bénéfices perçus
- Discuter des effets secondaires prévisibles
- Minimiser les attentes négatives
- Personnaliser le traitement en fonction des buts du patient
- Ne pas négliger les propres explications et solutions du patient quant à la psychose
- Envisager une période (encadrée) sans traitement à la demande du patient
- Etre humble quant aux connaissances scientifiques
The coffee guy Indifférence / Intérêt seulement formel Pas d’intérêt / Pas verbalisée - Oublis de pilule
- Autre raison externe
- Manque d’intérêt
- Faire reconnaître au patient la non-adhésion comme un problème pour le futur
- Offrir une supervision adéquate
- Eviter d’établir, comme but de réhabilitation, l’indépendance médicamenteuse
Constitu-tional combattant Négative / Hostile Incompatible avec le modèle biomédical - Aucun insight, Déni, Anosognosie
- Pas de conscience initiale de la maladie suivie d’un désaccord progressif et croissant avec les cliniciens
- Créer une alliance thérapeutique
- Impliquer un médiateur (parent, ami, collègue…)
- Psychoéducation : patient et ses proches
- support par les paires
- Déterrer les raisons sous-jacentes
- Attention à l’utilisation d’injection ou traitement assisté ou involontaire : peut autant aggraver l’opposition autant que rendre adhérent…
- Suivi continu pour entériner une image de confiance et de crédibilité du soignant
Tableau 7. Les cinq théories de l’adhésion aux antipsychotiques proposées par Weiden (Weiden, 2007) et les pratiques cliniques associées.
  Définitions Pratique clinique conseillée
Théorie 1 L'adhésion n'est pas une fin clinique et n'a une importance que parce qu'elle interfère avec les résultats cliniques Etre réalistes quant aux attentes sur la médication.
Informer le patient que
- la médication ne garantit pas la rémission
- le maintien de la médication stabilise les symptômes et réduit le risque de rechute
- les rechutes repoussent la rémission et le rétablissement
Théorie 2 Les problèmes d'adhésion sont souvent entravés par les limites de l'efficacité des antipsychotiques - Evaluer soigneusement les raisons de non-réponse au médicament ou de recrudescence des symptômes.
- Ne pas attribuer systématiquement des effets inattendus à une non-adhésion.
- Traiter ces causes primaires du manque d'effet de la médication plutôt que les complications secondaires.
- Considérer que ces causes primaires peuvent être dues à un mauvais contrôle des symptômes par le médicament, ou un abus de substance simultané.
Théorie 3 L'adhésion peut être vue comme un comportement (prendre / ne pas prendre son médicament) ou comme une attitude (préférer prendre / préférer interrompre la médication) Considérer le comportement et l'attitude face au médicament comme deux entités distinctes. Les évaluer simultanément.
Théorie 4 Lorsque l'on considère les attitudes d'adhésion, les croyances du patient sont toujours la réalité Discuter des attitudes face à la médication, en abordant :
- les croyances sur la santé (dont l'adhésion médicamenteuse)
- les objectifs de vie
- le statut fonctionnel
Théorie 5 Le comportement d'adhésion change et fluctue en fonction du temps et devrait être considéré comme faisant partie de la maladie Considérer la non-adhésion comme une partie intégrale de la maladie et de la rémission :
- s'attendre à des périodes de non-adhésion.
- représenter l'adhésion comme une compétence à apprendre