3.2. Du dialogue nécessaire entre la clinique et la recherche

Les soignants et les chercheurs ont un objectif commun : aider les patients à se sentir bien. Ainsi, intervenants et cliniciens sont amenés à travailler ensemble. Cependant, des différences d’attentes, d’habitudes et d’approches peuvent les éloigner. Il est nécessaire de documenter ces différences, d’analyser leurs origines, et de chercher des solutions pour que les collaborations soient les plus efficaces possibles, dans l’intérêt des patients. Le message que j’aimerais faire passer est : communiquons le plus possible et expliquons nos points de vue. Nos collaborations s’enrichiront.

Tout d’abord, il y a une différence évidente de place entre les intervenants cliniques et les chercheurs aux yeux des patients : l’intervenant est celui vers qui ils se tournent pour guérir et se sentir mieux. En revanche, c’est le chercheur qui sollicite les patients et les cliniciens pour tester son idée, et vérifier que cela fonctionne. Le chercheur a besoin des intervenants, et perturbe leur pratique clinique. Du point de vue du chercheur, le clinicien peut aussi constituer un obstacle s’il ne reconnaît pas l’intérêt ultime du projet.

Ensuite, il y a une différence de délai acceptable pour atteindre leur objectif commun. Pour l’intervenant, il est inadmissible de proposer à des personnes en souffrance une stratégie si on n’est pas sûr qu’elle aide à court terme. Au contraire, le chercheur a l’habitude de travailler avec des hypothèses, et a conscience des probabilités de ne pas les valider.

Dans la pratique clinique habituelle, l’intervenant dispose d’un ensemble d’outils qui ont déjà fait leurs preuves. Il a confiance dans ces outils, et n’a pas l’habitude d’être mis en défaut par eux. Or ces outils ont été l’objet de recherches antérieures. Les échecs des ces interventions (psychothérapies, psychopharmacologie, remédiation cognitive…) sont documentés et l’intervenant sait quelle attitude adopter en cas de mauvais fonctionnement des stratégies habituelles.

Dans un contexte de recherche, on fait des hypothèses sur les limites et les avantages d’une intervention, et on sait qu’il va y avoir des essais qui ne fonctionneront pas tout de suite. En général, le protocole qui encadre la recherche prévoit ces disfonctionnement et implique des mesures pour réagir, analyser et rebondir. De surcroît, ce protocole est validé par un comité scientifique et un comité d’éthique, qui participent à l’encadrement des événements inattendus. Cependant, avant que l’intervention ne fonctionne, il peut se passer beaucoup de temps, et c’est là qu’il faut savoir communiquer avec les cliniciens pour que la collaboration ne soit pas interrompue.

Je pense qu’un premier point pour favoriser l’échange entre la clinique et la recherche est d’organiser des séances d’information auprès des cliniciens. Il faut des rencontres pour présenter le projet, mais aussi faire le point très régulièrement, pour que les cliniciens se sentent impliqués et se rendent compte des limites et des espoirs de l’expérimentation.

L’implication ne se limite pas à aider au recrutement, qui est pourtant un point critique du bon déroulement d’une recherche clinique. Il faut aussi que le clinicien connaisse bien le projet, pour pouvoir appréhender ses inconvénients. Cependant, un obstacle majeur existe : le temps. Les cliniciens n’ont pas le temps de s’impliquer dans les projets. Or, sans l’implication des cliniciens auprès des patients, la recherche ne peut être optimale. Il devrait donc être envisagé, dans la pratique clinique, d’intégrer un temps pour la recherche. Outre les problèmes techniques, notre projet a régulièrement souffert de ce manque de disponibilité dû à une organisation des services de santé qui intègre difficilement un temps pour la recherche.

C’est pour cela que nous avons eu l’idée de recruter une Aide Médico-Psychologique (AMP), (dont la correspondance québécoise est préposée aux bénéficiaires). La fonction d’une AMP est d’aider les patients à réaliser leurs activités quotidiennes, en intervenant dans des structures spécialisées ou à domicile. C’est donc un corps de métier de choix pour le type d’intervention que nous proposons.

Le recrutement d’une AMP dans le projet avait plusieurs buts :

Le problème est que l’intervenante, dans notre étude, occupait deux fonctions : assistante de recherche et AMP. Aussi, dans le temps qui nous était imparti, nous nous sommes focalisés sur une formation au protocole de recherche : recrutement, passation des évaluations, suivi technique, suivi de l’utilisation du matériel. Or, elle est entrée dans le projet, avec, inévitablement, ses propres connaissances de la maladie, et ses propres attentes face au traitement : « Je savais que cette pathologie pouvait conduire à des difficultés de motivation pour effectuer les activités du quotidien et encore plus pour s’investir dans des projets personnels. J’avais aussi bien conscience du côté réfractaire que certains patients pourraient avoir concernant leur prise de médicament et face à l’acceptation de leur pathologie. Cependant je connaissais peu les déficits cognitifs de cette maladie ». En effet, ces déficits ne sont pas forcément abordés dans les formations générales sur le handicap.

De plus, comme nous l’avons vu plus haut, il est difficile pour une intervenante du domaine médicale d’accepter de donner un outil à un patient si son efficacité n’est pas assurée, comme avec Mobus et DoPill® qui étaient en phase expérimentale et rencontraient des dysfonctionnements.

Au final, la participation d’une AMP au projet nous permet de mieux comprendre ce qui pourrait améliorer les protocoles de recherche clinique. En général, le problème réside dans le recrutement des patients. Ici, nous voyons que d’autres éléments sont à améliorer :