Première partie
Le transport routier interurbain de voyageurs au Niger : institutions, réseau et acteurs

Contexte

Le transport routier demeure le mode de transport dominant des hommes et des marchandises en Afrique de l’Ouest pour les déplacements intérieurs d’un pays et entre pays de cette région et au-delà. La part du rail reste faible et ces dernières années, le transport ferroviaire de voyageurs est en déclin dans la plupart des pays africains. Dans la plupart de ces Etats, une bonne partie du réseau routier n’est pas en bon état. Malgré ce handicap et les mauvaises conditions de transport, le réseau routier en Afrique de l’Ouest assure tant bien que mal les déplacements de personnes entre les villes. Toutefois, dans plusieurs pays de l’Afrique les données sur les flux de transport de personnes sont encore inexistantes mais on peut supposer que ces flux sont relativement importants, en l’absence de concurrence du chemin de fer et de la prépondérance de fait de la route.

Une recherche sur cette activité mal connue peut avoir le mérite de mieux cerner les enjeux du développement du transport routier interurbain de voyageurs (TRIV) pour les pays d’Afrique de l’Ouest.

A l’instar des autres pays de l’Afrique subsahariens voisins, au Niger les activités de transport étaient assurées depuis les années 70 à la fois par des entreprises publiques et par une multitude de petites entreprises artisanales, travaillant dans des conditions médiocres et exposées à des risques et à des coûts élevés.

La libéralisation du secteur des transports au Niger en 1997 a permis l’arrivée d’opérateurs privés, et de manière encore plus significative pour les transports collectifs urbains. On assiste alors à une atomicité de l’offre avec de nombreux artisans transporteurs dont l’activité a une rentabilité pour le moins incertaine et pour lesquels les autorités publiques ou les responsables de transport se heurtent à la difficulté de contrôle et de faire respecter les normes réglementaires.

En revanche, on est loin de la surcapacité de l’offre à l’interurbain peut être en raison des distances à parcourir et donc des investissements en véhicules de transport à réaliser. On peut cependant sans se tromper faire l’hypothèse que l’activité du transport interurbain est plus rentable que celle du transport urbain. On en veut pour preuve le cas d’entreprises publiques de transport de personnes qui ont pu un moment continuer de faire du transport urbain grâce à leur activité bénéficiaire dans le transport interurbain de voyageurs. Toutefois, pour l’interurbain aussi, les normes réglementaires et techniques sont loin d’être respectées. C’est en fait le cas des surcharges de bus, avec la plupart de temps un transport combiné voyageurs/marchandises dénommé « transport mixte ». Le marché est certes ouvert à la concurrence mais il échappe à toute réglementation.

La productivité des entreprises artisanales est faible (mauvaise qualité de service, faible chiffre d’affaire, vente des titres de transport souvent à perte, gestion à très court terme…)et le système du tour de rôle en vigueur dans les gares publiques ne laisse présager aucune amélioration dans l’organisation des activités de ces entreprises. En effet, dans les gares routières publiques, les services sont à la demande et fonctionnent selon le système de tour de rôle. L’absence de services réguliers entraîne des pertes de temps et des mauvaises conditions de sécurité et de confort pour les voyageurs. L’organisation des services des entreprises artisanales dépend donc essentiellement de la nature de la demande. C’est une demande diversifiée face à une offre qui est loin d’être le garant de la compétitivité des entreprises: soit par les coûts de production qui se révèlent trop élevés par une capacité inadaptée, soit par le confort insuffisant pour la clientèle. Ces entreprises ignorent les réglementations en matière d’impôt, d’assurance, de salaire. N’étant pas assurées, les accidents alourdissent considérablement leur charges d’exploitation, les risques n’étant pas couverts. D’autre part, sur la totalité des recettes obtenues, le transporteur ne prévoit aucune somme pour à l’entretien de son matériel roulant, et il doit supporter des frais de réparation supérieurs aux frais d’entretien en cas de panne. Le système de tour de rôle n’incite pas les transporteurs à investir dans l’achat de nouveaux véhicules ou à une meilleure gestion de leur entreprise.

Les changements intervenus dans le secteur

Au Niger l’étendue du pays (1.267.000 km2) et son enclavement constituent les éléments principaux du contexte dans lequel évolue le secteur des transports.

Au cours des dernières années, les conditions dans lesquelles s’exerce l’activité du transport routier se sont améliorées avec le développement de nouvelles infrastructures3 et grâce à l'affectation par les Etats de ressources plus importantes à l'entretien de l'ensemble du réseau routier. A cet égard, des réformes ont permis d’attirer le secteur privé dans la construction et l’entretien des routes. Cependant, la croissance et l’efficacité du secteur ont été entravées par l’absence de schéma directeur et par les lacunes de nature institutionnelle : manque de comités nationaux sous sectoriels en matière de transports, absence de banques de données routières, et d'échange d'informations sur le secteur. Le développement des transports routier en général a certes contribué au développement économique du pays mais ne s’est pas toujours opéré de manière satisfaisante.

Il fallait aussi, dans la perspective des nouvelles tendances (compétitivité et intégration sous-régionale), libérer totalement le marché et redéfinir le rôle de l’Etat dans l’attribution ou la concession de nouvelles lignes de transport de personnes

Depuis le début des années 90, à l’instar des autres pays de l’Afrique de l’Ouest, le Niger s’est engagé dans des profondes reformes économiques avec la libéralisation de l’économie et la privatisation des entreprises publiques dont celles du transport. Le réseau routier s’est agrandi, passant de 11 696 km en 1990 à 18550 km en 20064. Le parc de véhicules de transport de passagers en circulation est passé de 1 198 à 2.613 autocars entre 1996 et 20055.

Aujourd’hui, le TRIV au Niger est un secteur en pleine expansion : en réponse à la demande croissante de déplacements, on a vu la création d’entreprises de transport exploitant des autocars de grande capacité, de nouvelles dessertes à l’intérieur du pays sont apparues. La profession s’est transformée : à côté des artisans transporteurs regroupés au sein d’un syndicat, on trouve désormais des sociétés de transports dont certaines sont récentes.

Les artisans transporteurs organisent leurs activités suivant un système de tour de rôle dans des gares publiques avec des véhicules de petite capacité. Les sociétés de transport offrent des services réguliers de transports nationaux et sous régionaux, dans des gares leur appartenant avec des autocars en bon état et de grande capacité : RIMBO Transport, SNTV, AIR Transport par exemple.

La politique économique du Niger a favorisé la transformation de ce secteur avec l’entrée de transporteurs « nouvelle formule » le marché des transports de voyageurs, l’apparition d’entreprises artisanales dynamiques qui renouvellent leur parc de véhicules et gèrent leur activité de façon plus « moderne ». L’arrivée de ces nouveaux transporteurs entraîne des vives réactions des entreprises artisanales (manifestations des grévistes) conscients que leur part de marché diminuera avec la concurrence d’une offre plus moderne. Cependant, selon les nouveaux types de transporteurs que nous avons enquêtés, ces entreprises artisanales assurent des services complémentaires car elles desservent des lignes dans des zones qui ne leur sont pas concédées.

Dans ce contexte, ces deux catégories d’entreprises se doivent de développer leurs potentiels pour rester en compétition.

De toute évidence, il faut penser à la manière à la manière d’améliorer l’organisation et le fonctionnement des transports dans les gares publiques. De façon générale, quels défis devraient être relevés pour améliorer la compétitivité des entreprises et développer le TRIV ?

Dans cette première partie on replacera le Niger dans son contexte sous-régional et on soulignera dysfonctionnements du système de transport.

Le contexte institutionnel du marché des TRIV au Niger a évolué depuis les années 80. Avant d’aborder les enjeux de l’intégration régionale on analysera la réglementation en vigueur au niveau national afin de mieux cerner les transformations des caractéristiques du secteur TRIV (chapitre 1).

Le deuxième chapitre donne un aperçu du secteur transport au Niger tout en essayant d’établir des comparaisons avec d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest comme le Mali et le Burkina Faso. On soulignerala prédominance du transport routier dans les flux de déplacements de personnes et de marchandises, et sa dépendance des infrastructures routières qui en limitent le développement de façon saisonnière ou permanente. Après une analyse du contexte dans lequel évolue le transport routier au Niger, on dégagera les spécificités des TRIV et le fonctionnement des entreprises de ce sous-secteur. Enfin, le troisième chapitre consiste à l’identification et l’analyse des relations inter-acteurs intervenant dans le secteur de TRIV.

Notes
3.

Direction des statistiques : routes bitumées de 3304 en 1990 passe à 3613 en 1996.

4.

Direction Générale des Travaux publics : Enquête réalisée par non soins de juillet à septembre 2008

5.

Direction Générale des Transports Terrestres Maritimes et Fluviaux : Enquête réalisée par nos soins de juillet à septembre 2008