12 La CEDEOA et l’UEMOA : controverses ou complémentarité ?

Contrairement à la CEDEAO, l’expérience d’intégration menée dans le cadre de l’UEMOA est plus probante. Le président de la Commission de l’UEMOA considère cette union « comme  l’organisation dans la région africaine la plus avancée en terme d’intégration.» 15 Avec l’UEMOA la mise en place d’institutions fortes (Banque centrale, Cour de justice communautaire, parlement…), a permis à la Communauté de disposer des moyens de contrôle de respect des engagements par les Etats membres. Convergence des politiques et cohérence sont alors de rigueur. La conception de l’intégration régionale selon l’UEMOA entraîne des mutations qui devraient concerner tous les aspects du tissu économique et social afin de créer une interdépendance et un réseau d’échanges entre les économies des pays membres. Par ailleurs la mise en place du processus est largement tributaire des financements des bailleurs de fonds extérieurs, dont la France avec laquelle elle entretient de liens plus étroits, financements qui renforcent la crédibilité de l’Union. Ainsi, financements appropriés et gestion cohérente ajoutées à son potentiel institutionnel sont les atouts de l’UEMOA qui toutefois se heurte à des contraintes.

D’une part, la contrepartie du financement extérieur peut être un ensemble de conditionnalités politiques et même économiques contraignant ainsi l’Union dans son exercice. «Pour les bailleurs de fonds, l’intégration régionale est une des dimension du jeu diplomatique en terme d’influence, de rationalisation de l’aide, de relation de conflit/coopération avec les autres bailleurs.» Philippe HUGON et alii (2001, p 20).

D’autre part, la présence d’autres organisations régionales comme la CEDEAO peut conduire à des politiques non harmonisées. La controverse peut résulter du fait que tous les pays de l’Union sont membres de la CEDEAO dont les objectifs et politiques ne sont pas forcement en symbiose avec ceux de l’UEMOA. Par ailleurs, des pays de l’Union, dont le Niger, entretiennent d’importants échanges avec le Nigéria, pays qui exerce une forte influence sur certains pays de l’Union compte tenu de son poids économique et démographique, le plus important de la sous-région faisant de lui un pôle d’échanges incontournable. L’élargissement de l’Union à des pays comme le Nigéria est déjà envisagé et une coordination des programmes de la CEDEAO et de l’UEMOA s’impose dans un premier temps. A cet effet, plusieurs concertations ont eu lieu pour créer et développer des synergies entre les deux institutions. En janvier 2000, une stratégie est élaborée par les deux OIG pour accélérer l’intégration en Afrique de l’Ouest et des directives communes servent désormais de références dans différents secteurs dont celui de transports. Ceci aura aussi pour mérite d’éviter la duplication et le chevauchement dans leurs réalisations respectives des programmes communautaires.

Dans le cadre des transports routiers, des efforts de coopération sont entrepris par l’UEMOA et la CEDEAO en vue d’une intégration plus harmonisée en ratifiant des accords routiers qui s’apparentent plus à la convention TRIE/CEDEAO. De même un système de surveillance multilatérale a été institué. Ainsi, conformément aux dispositifs du protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des biens et des personnes, l’UEMAO est favorable à la construction des postes de contrôle frontaliers juxtaposés. Toujours en termes de facilitation des transports inter-Etats, les deux organisations en partenariat avec le CILSS (Comité permanent Inter-états de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel) et le REAO (Réseau de l’Entreprise en Afrique de l’Ouest) ont instauré l’OPA (observatoire des pratiques anormales sur les axes routiers inter-Etats).

Ainsi selon les deuxièmes résultats de l’OPA, sur 905 Km qui séparent Bamako à Ouagadougou, 25 postes de contrôles sont enregistrés engendrant ainsi 53 mm de retard au 100 km en mai 2007, puis 36 mm de retard au 100 km en octobre 2007. Données qui seront récoltés au fur et à mesure permettent de caractériser la situation réelle déterminant ainsi les politiques et mesures à mettre en œuvre. En effet, de tels retards aux postes de contrôle nuisent à la fluidité des mouvements transfrontaliers.

Du rapprochement de ces deux OIG a résulté le renforcement du Schéma de Libéralisation des Echanges (SLE). Dans ce cadre, des projets d’application régionale sont financés conjointement par la CEDEAO et l’UEMOA. Peuvent être alors citées non seulement l’application harmonisée, simplifiée et intégrée du TRIE/CEDEAO mais aussi la création d’un fonds de garantie TRIE/CEDEAO.

Au demeurant, l’inspiration pour la complémentarité des ces deux institutions datait déjà des années 90. Toutefois, l’accentuation sur le secteur de transport routier en général pourrait provenir des travaux de N’Guessan N’Guessan (2003, p 49) qui préconisait «la gestion communautaire des activités de transport… » avec «des structures conjointes entre la CEDEAO et l’UEMOA pour éviter d’éventuels clivages partisans et de surcroît, pénalisants pour les opérateurs et les économies concernées ».

Dans ce schéma d’intégration, les conditions de concurrence sont modifiées. Il est dès lors question d’une impulsion des nouvelles stratégies concurrentielles concédant aux économies des exigences nouvelles (normes de qualité, instruments de tarification, de gestion et de spécifications des produits et/ou services modernes) et aux entreprises candidates à la compétitivité internationale, la capacité de tenter de s’aligner au rang des leaders mondiaux.

Mais pour mesurer la performance des ces OIG, la convergence des politiques et le cadre institutionnel ne sont pas les seuls instruments, l’intégration par les infrastructures routières (physique) est aussi inéluctable en vue de favoriser les échanges de personnes et de marchandises dans un cadre bien intégré.

Notes
15.

Bulletin hebdomadaire de l’UEMOA N° 087 du 14 au 20 Février 2005