Selon les auteurs de MACTOR29, plus les objectifs sont proches entre eux (par rapport à l’axe horizontal, le plus explicatif), plus les acteurs se positionnent de façon similaire sur ces objectifs. Trois grands groupes d’objectifs peuvent être distingués (Figure 10).
En regard de ces groupes d’objectifs, on peut calculer les distances nettes entre les acteurs et distinguer nettement les trois groupes suivants : (Figure 12):
Les transporteurs clandestins peuvent être considérés comme négligeables.
Mais ces présupposées alliances qui ressortent de l’analyse précédente seront-elles réelles et durables? L’Etat par exemple, pourrait il être considéré comme un acteur sûr en termes d’alliance ? Pour le savoir, il faut déterminer l’ambivalence des acteurs : tel acteur peut être en convergence avec un autre acteur sur certains objectifs et en divergence sur d’autres. Dans ce cas, cet acteur a une position ambiguë. S’il l’est aussi avec les autres acteurs, il est alors ambivalent.
Les auteurs de MACTOR proposent trois séries de quotients EQ30 comme indicateurs d’ambivalence. Ces 3 quotients tiennent compte du niveau de la position des acteurs :
Ces indicateurs varient de 1 (acteurs très ambivalents) à 0 (acteurs non ambivalents).
Suivant EQ1 et EQ2, les transporteurs clandestins sont les plus ambivalents (Tableau 8). Ils se situent largement au dessus de la moyenne et de même pour les chefs de ligne pour EQ2. Les autres acteurs restent à la moyenne (compagnies de transport, artisans…) et même en deçà pour les compagnies étrangères, les organisations sous-régionales… Finalement, la prise en compte de la mobilisation des acteurs (leur implication et leur rapport de force) EQ3 montre qu’aucun de ces acteurs n’est ambivalent. En effet, compte tenu de la mobilisation des acteurs dans le jeu du système, les alliances potentielles qui pourraient se tisser entre les acteurs seraient solides vu que ces derniers sont stables et donc fiables.
EQ[1] | EQ[2] | EQ[3] | |
Etat | 0,5 | 0,4 | 0 |
Compagnies de Transport | 0,5 | 0,5 | 0 |
Artisans Transporteurs | 0,5 | 0,5 | 0 |
Voyageurs | 0,5 | 0,4 | 0 |
Syndicat des Transporteurs | 0,4 | 0,5 | 0 |
Chefs de Ligne | 0,5 | 0,6 | 0 |
Transporteurs Clandestins | 0,7 | 0,8 | 0 |
CAFER | 0,5 | 0,4 | 0 |
Organisations sous-Régionales | 0,4 | 0,3 | 0 |
Compagnies étrangères | 0,3 | 0,4 | 0 |
Activités Commerciales | 0,2 | 0,2 | 0 |
Cette analyse indique que la complexité du système de TRIV au Niger ne tient pas seulement au nombre d’acteurs intervenant mais à la nature même des relations qu’ils entretiennent, relations basées sur des informations parcellaires et une méconnaissance du secteur. L’hypothèse selon laquelle les relations entre acteurs sont basées sur des préjugés peut être validée. En effet, les divergences qui opposaient fortement les transporteurs clandestins au groupe (artisans transporteurs, chefs de ligne et syndicat des transporteurs) deviennent très faibles. Seul l’Etat est réellement opposé à ces acteurs. La traque des clandestins par le syndicat, les artisans transporteurs et les chefs de ligne n’a manifestement pas de sens. Ces acteurs aussi ne respectent pas la réglementation. Il en découle l’incivisme des règles par les acteurs imputable tantôt à la nécessité pour certains acteurs de défendre coûte que coûte leurs activités, tantôt au manque des moyens matériels, techniques et financiers.
Aussi, il ressort que l’amélioration de la compétitivité du secteur reste l’objectif mobilisant le plus d’acteurs et ces derniers y adhèrent tous. Pour l’Etat, le principal objectif est la modernisation du secteur.
La méthode MACTOR semble montrer que l’Etat peut compter sur la participation des acteurs comme les organisations sous-régionales, les voyageurs et les compagnies de transport. Les transporteurs qui opèrent dans les gares publiques par contre voient leurs intérêts mis en jeu. En effet, des acteurs comme les artisans transporteurs redoutent non seulement les sociétés de transport qui ont déjà une offre plus moderne mais aussi les transporteurs clandestins qui peuvent revenir dans les gares publiques.
Aussi, ces transporteurs qui surchargent leurs bus très vétustes sont conscients qu’il leur sera difficile de suivre cette modernisation. Ils pensent ne pas avoir les moyens nécessaires pour le renouvellement de leurs véhicules et l’amélioration des services qu’ils offrent. De toute façon pour le développement du secteur il incombe à l’Etat d’assurer un rôle charnière.
Pour éviter l’échec, l’Etat doit donc veiller fermement non seulement au respect de la réglementation mais aussi à l’amélioration des conditions d’offre des entreprises. L’analyse montre que l’Etat doit pouvoir y arriver parce que son rapport de force associé aux poids relatifs des voyageurs et des organisations sous-régionales lui donne un net avantage pour la réalisation des ses objectifs. Toutefois, la mise en place de sa politique est biaisée jusqu’ici par la procédure adoptée.
Finalement, à la suite de cette longue analyse en termes d’acteurs et d’objectifs, nous parvenons à 3 types d’observations relatives à l’action de l’Etat, à l’intégration régionale et à la compétitivité dans ce secteur du transport interurbain de personnes
1 La réussite de l’action de l’Etat devrait selon nous, provenir d’un processus raisonné à étapes successives et bien coordonnée, ce qui suppose :
2 Par ailleurs, le processus d’intégration communautaire devrait se baser sur des plans coordonnés inspirés des actions concrètes et faisables d’abord au niveau de chaque pays. En effet, ce serait une erreur de poursuivre obstinément, envers et contre tous, la marche vers une intégration sous-régionale alors même qu’au niveau national, le système est loin d’être efficace.
3 Finalement, l’amélioration de la compétitivité (Encadré 6) dans le secteur TRIV au Niger reste l’objectif le plus mobilisateur des acteurs. Quelle devra être alors la place des différentes formes d’entreprises de TRIV (compagnies de transport, artisans transporteurs et transporteurs clandestins) dans un système de transport plus concurrentiel ?
Deux angles d’analyse sont à considérer pour cet objectif prioritaire. D’abord au niveau du marché de TRIV, les défenseurs sont l’Etat, les organisations sous-régionales, les voyageurs. Pour ces acteurs la compétitivité suppose la modernisation du secteur et aussi son développement. Mais cette perception suppose aussi une forte compétitivité des entreprises. En effet, dans le contexte du TRIV au Niger, la compétitivité est fonction de la productivité du secteur à travers la main d’œuvre qualifiée, la bonne organisation mais aussi l’adaptation de l’offre à la demande. Ce qui renvoi à l’implication des entreprises (compagnies de transport et unités artisanales). Dans nos analyses, pour ne pas perdre de vue cette relation de cause à effet, nous considérons non seulement la productivité du secteur mais aussi la performance à développer par les entreprises pour y contribuer. Ainsi donc, nous supposons le niveau de la concurrence sur le marché de TRIV mais aussi de l’aptitude des entreprises identifiées à mieux se positionner. Pour donc améliorer la compétitivité du secteur, ce dernier doit évoluer dans un environnement concurrentiel. Plusieurs potentialités doivent alors être développées. D’abord au niveau des entreprises pour stimuler leur performance mais aussi du point de vue politique publique de transport pour créer un cadre de référence |
M GODET Manuel de Prospective Stratégique. Tome 2. Pages 216-217
EQi = 1 - (k (CAA)ik- (DAA)ik) / (k (CAA)ik+ (DAA)ik)