Ayant montré plus haut l’importance qu’accordent les acteurs à l’amélioration de la compétitivité, il s’agit de considérer cette priorité pour tenter de déterminer l’avenir probable de l’activité du TRIV
On s’interroge maintenant sur les éventuelles configurations que pourraient avoir le système de TRIV au Niger. Une analyse morphologique permettra d’identifier la future structuration des entreprises composant le système devenu plus compétitif.
Considérant donc la compétitivité des entreprises, on a formulé des hypothèses pour chacune des trois composantes retenues : transporteurs clandestins, artisans transporteurs et sociétés de transport. (Tableau 9), et ce sur la base du contenu des entretiens menés auprès des différents acteurs.
A chaque hypothèse est associée une probabilité de réalisation. Plusieurs critères ont été déterminants dans le degré de probabilité de réalisation des hypothèses concernant les points suivants : niveau de l’offre, organisation et fonctionnement des entreprises, préférences déclarées des usagers, moyens dont disposent les entreprises, volonté de l’Etat d’améliorer le système, possibilité de financements des activités... Ces critères tiennent ainsi compte des avis des intéressés.
Les artisans transporteurs
Soit le système s’améliore et ils continuent le tour de rôle dans les gares, soit ils deviennent des transporteurs clandestins pour ne pas rester sans activité.
Les transporteurs clandestins
A partir des informations recueillies auprès des syndicats de transporteurs, de l’administration, de certains voyageurs et artisans transporteurs, on formule ici trois hypothèses sur leur avenir:
Les sociétés de transport
Pour elles, l’hypothèse probable est le maintien de la même logique d’offre à quelques variations près. Cependant, quelques unes d’entre semblent vouloir diversifier leurs activités en assurant des liaisons à courte et moyenne distance assurées jusqu’ici par les artisans transporteurs ou les clandestins (exemple liaisons inter villages).
On rappellera que sur les quinze compagnies créées à peine la moitié sont en activité actuellement. Toutefois, ces défaillances ne sont pas retenues ici comme hypothèse dans les scénarii car on aura toujours des compagnies exploitant des lignes. Cette hypothèse d’abandon d’activité possible pour les trois types d’entreprises est considérée non utile pour le domaine d’étude : compétitivité des entreprises.
Domaine | Variables | Hypothèse 1 | Hypothèse 2 | Hypothèse 3 |
Hypothèse 4 |
Compétitivité | 1 – Transporteurs Clandestins |
Se modernisent et se transforment en sociétés 9 % |
Retour au tour de rôle dans les gares publiques 45 % |
Continuent à être clandestins 45 % |
Autres (faillite) 1 % |
2 – Artisans Transporteurs |
Continuent le tour de rôle avec amélioration des services 70 % |
Deviennent Clandestins 25 % |
Autres (faillite) 5 % |
||
3 – Sociétés de transport |
Maintiennent la même logique d'offre 80 % |
Se diversifient pour intégrer les liaisons courtes inter villages 20 % |
Autres (faillite, liquidation) 0 % |
Au départ 3631 scénarios ont été identifiés.
On a décidé d’exclure les scénarios n’allant pas dans le sens de la compétitivité du secteur parce que c’est le domaine choisi pour le cas de l’étude. Cela revient à exclure l’hypothèse selon laquelle les artisans transporteurs deviennent des clandestins. Cette conversion est considérée comme défavorable au développement du secteur et elle va à l’encontre des orientations de l’Etat, potentiellement opposé aux transporteurs clandestins. C’est aussi la raison pour laquelle on a exclu des scénarii, les hypothèses 3 « restent clandestins pour les transporteurs clandestins » et 2 « deviennent clandestins pour les artisans transporteurs ». On parvient en définitive à 26 scénarios.
Les préférences (Tableau 10) traduisent le choix de l’Etat qui détient le rôle charnière dans la modernisation du secteur. Les préférences sont portées sur les hypothèses 1 respectivement pour les artisans transporteurs « Continuent le tour de rôle avec amélioration des services » et les sociétés de transport « maintiennent la même logique d’offre ».Les entretiens menés montrent que l’Etat tient à la complémentarité de l’offre des compagnies de transport et celle des artisans transporteur tout en insistant sur la nécessité d’améliorer les conditions de transport dans les gares publiques. Il ressort quand même dans ses choix, que l’Etat reste réaliste car il ne peut y avoir disparition totale des clandestins ce qui explique le scenario 311.
N° | SCENARIOS |
111 |
Les clandestins se modernisent et se transforment en sociétés Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
211 |
Les clandestins retournent au système de tour de rôle dans les gares publiques Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
311 |
Les clandestins restent clandestins Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
Par ailleurs, en dehors des préférences de l’Etat, les autres acteurs enquêtés ont aussi déclaré leurs préférences, lesquelles se révèlent hétérogènes. Aussi, il a été tenu compte des avis que donnent les acteurs interviewés pour apprécier les possibilités de réalisation d’un scénario. Ces acteurs (entreprises, Etat,…) ont ainsi mentionné la capacité financière des entreprises concernées et les moyens dont dispose l’Etat pour faire évoluer les conditions.
En effet, sans moyens matériels et financiers, certains scénarios se révèlent trop ambitieux et même irréalisables. Finalement, 4 scénarios ont été pré retenus (Tableau 11).
N° | SCENARIOS |
211 |
Les clandestins retournent au système de tour de rôle dans les gares publiques Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
311 |
Les clandestins restent clandestins Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
111 |
Les clandestins se modernisent et se transforment en sociétés Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
322 |
Les clandestins restent clandestins Les artisans transporteurs deviennent clandestins Les sociétés diversifient pour intégrer les liaisons courtes inter villages |
Par ailleurs, il ressort une liste de scénarios suivant l’indicateur de probabilité calculé par rapport à l’équiprobabilité des scénarios (Tableau 12). Cet indicateur classe les scénarios 211 et 311 (ci-dessus mentionnés) en tête de liste. Tous deux sont souhaités par l’Etat (scenarios préférés noté : Pr) et aussi par les autres acteurs (scenarios pré retenus noté : Re). Avec ces deux scénarios, soit la configuration du système de TRIV au Niger reste identique à la situation actuelle, soit il va y avoir disparition complète des transporteurs clandestins qui vont adhérer au système de tour de rôle dans les gares publiques. Ce scénario (le 311) est souhaité par la quasi-totalité des acteurs mais sa réalisation reste soumise à certaines conditionnalités (capacité de financement de l’activité, renouvellement du parc automobile, formation et sensibilisation des opérateurs aux techniques entrepreneuriales, au respect de la réglementation...). Il relève en effet de l’importance que l’Etat accorde à l’assainissement du secteur mais aussi à sa capacité d’action. Une première mesure devrait être la réorganisation des transports dans les gares publiques. Avec des mesures d’accompagnement : meilleur emplacement des gares dans la ville, renouvellement et gestion du parc, professionnalisation des transporteurs…
Les scenarios 212 et 312 sont classés respectivement en troisième et quatrième position par l’indicateur de probabilité. Ils ne sont dans les préférences de l’Etat, ni dans la liste des états souhaitables par les autres acteurs.
Le scénario 111 a été pré retenu. Il est aussi dans la liste des préférences mais son indicateur de probabilité le place en 5ème position en raison du caractère trop ambitieux de l’hypothèse selon laquelle les transporteurs clandestins se modernisent et se transforment en sociétés. Certes ils possèdent des véhicules neufs ou en bon état mais ils ne pourront sans doute pas réaliser les investissements nécessaires à ces mutations.
Rang | SCENARIOS | ||
1 |
211 |
Les clandestins retournent au système de tour de rôle dans les gares publiques Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
Re Pr |
2 |
311 |
Les clandestins restent clandestins Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
Re Pr |
3 |
212 |
Les clandestins retournent au système de tour de rôle dans les gares publiques Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés diversifient pour intégrer les liaisons courtes inter villages |
- |
4 |
312 |
Les clandestins restent clandestins Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés diversifient pour intégrer les liaisons courtes inter villages |
|
5 |
111 |
Les clandestins se modernisent et se transforment en sociétés Les artisans transporteurs continuent le tour de rôle avec amélioration des services Les sociétés maintiennent la même logique d’offre |
Re Pr |
6 |
322 |
Les clandestins restent clandestins Les artisans transporteurs deviennent clandestins Les sociétés diversifient pour intégrer les liaisons courtes inter villages |
Re Ex |
Notes : Pr : Préféré (scénarios souhaitables pour l’Etat), Re : pré-retenus (états souhaitables par les autres acteurs), Ex : exclut
Les différents scenarios peuvent être regroupés en quatre nuages, grandes familles suivant leur plus ou moins grande parenté (Figure 13). Il ressort une grande compatibilité entre les scénarios préférés par l’Etat et ceux présélectionnés par les autres acteurs.
Un premier groupe ou nuage dans la partie supérieure gauche de la figure regroupe les scénarii pertinents (parce qu’il contient tous les scénarii préférés et pré-retenus). Ce groupe se trouve diamétralement opposé à celui auquel appartient le scénario pré exclu le 322. Dans ce dernier groupe la majorité des scénarii suppose une offre composée essentiellement des sociétés de transport et des clandestins, les artisans transporteurs sont donc supposés disparaître.
Le scenario 411 qui est d’ailleurs souhaitable par l’Etat, implique une modernisation de l’offre avec la disparition complète des transporteurs clandestins. Mais dans un contexte comme celui du Niger et compte tenu des avis recensés, cette solution est loin d’être une éventualité. Le scenario 413 suppose une offre constituée uniquement des artisans transporteurs, il n’y aurait plus des sociétés de transport ce qui est loin d’être vraisemblable. Le scénario 421 peut aussi être vraisemblable dans ce contexte d’étude. Cela suppose qu’aucune amélioration au niveau des gares publiques ce qui conduira les artisans transporteurs à la clandestinité. L’offre de TRIV deviendra alors non contrôlable accentuant le non respect de la réglementation déjà problématique actuellement.
Toutes ces éventualités sous-tendent une certaine ambiguïté qu’il convient de lever en réduisant les incertitudes qui peuvent provenir en partie de la subjectivité des probabilités des hypothèses. Quel serait alors le scenario le plus probable ?
Pour la configuration future de l’offre de TRIV au Niger, deux hypothèses restent fondamentales (les hypothèses 1 ; 1 respectivement pour les artisans transporteurs et les compagnies de transport), faisant partie intégrante des deux scénarios les plus probables (211) et (311).
Ces résultats montrent que l’offre de TRIV au Niger tend vers la dualité unités artisanales de transport et sociétés de transport avec possibilité d’écarter les transporteurs clandestins. Finalement, tout va se tourner au tour de la variable « Transporteurs clandestins » en ses hypothèses 2 et 3. Autrement dit, ces transporteurs vont-ils retourner au tour de rôle dans les gares publiques ou vont-ils continuer à opérer en toute clandestinité? Il va s’en dire que les décisions des principaux acteurs du système vont avoir un impact considérable sur la réalisation de telle ou telle hypothèse. L’Etat le rôle charnière. Il s’agit alors d’indiquer l’ensemble des politiques possibles et de déterminer la place de chacun des deux scénarios probables (211) et (311) par rapport aux politiques fixées.
Toutefois, face à ces états probables, l’avenir souhaitable reste le scénario 211 autrement dit un système où l’offre des transporteurs clandestins est mise hors jeu. Mais cet avenir est tributaire des politiques et plans d’actions à mettre en œuvre. Quels seront alors les enjeux majeurs liés à la réalisation d’un tel scénario ? Nous proposons ainsi un plan dont l’objectif est d’attirer les transporteurs clandestins dans les gares publiques. Cette reconversion suppose en fait des actions concrètes et bien définies et susceptibles de mobiliser plusieurs acteurs.
Chiffre obtenu en multipliant le nombre d’hypothèses de la variable 1: Transporteurs clandestins (4) par celui de la variable 2 : Artisans
Transporteurs (3) et celui de la variable 3 : Sociétés de transport (3). Ce qui donne : 4X3X3=36