II La spécificité des activités de transports

  • L’immatérialité 

Pour traduire cette caractéristique, BERRY en 1980 repris par Eric VOLGER (2004, p 10) écrit « un produit est un objet, une chose, un moyen ; un service est un acte, une exécution, un effort».

Il est donc impossible ni de palper, ni de sentir, ni même de voir un service. C’est un processus pour lequel il ne peut y avoir appropriation physique. Pour apprécier la prestation, le client devrait d’abord consommer le service. Le caractère intangible du service renvoi donc à l’impossibilité pour le client de le tester sans l’acheter.

  • La simultanéité de la production et de la consommation…

Cette caractéristique distingue aussi les produits des services. Alors que les premiers avant d’être consommés doivent d’abord être fabriqués puis vendus, les seconds se rendent en se faisant. La production et la consommation du service se font en même temps. Cette spécificité du service implique une forte interaction entre le client et le prestataire. Ceci sous tend l’immédiateté de la production et de la consommation ce qui suppose que la distribution doit se faire sur place. Aussi, Eric VOLGER (2004, p 15) écrit : «La constitution d’un réseau d’agence est souvent une condition d’existence et de survie d’une entreprise de service ».

  • La non stockabilité 

L’immatérialité du service rend le processus de stockage impossible. Ceci a pour corollaire, le pic de demande forte qui peut dépasser les capacités de l’entreprise.

Pour éviter des telles contraintes de plus en plus des entreprises comme par exemple dans le transport organisent des promotions pour flexibiliser la demande. Autrement dit, elles incitent les clients à différer leur consommation pour éviter les fortes variations de la demande (heures creuses, heures de pointe). Un autre souci vient du fait que le client ne pouvant tester le service, le seul élément susceptible d’entretenir la relation (prestataire-client) est la confiance. Celle-ci fait appel à certaines variables comme les références du prestataire, l’image et la notoriété.

  • L’hétérogénéité (la non standardisation)

L’interaction entre le client et le prestataire lors de la réalisation du service fait que ce dernier soit différent d’un moment à un autre et même d’un client à un autre.

L’harmonie qui règne dans l’endroit où s’effectue le service peut contribuer à le rendre agréable.

Ainsi, dans les entreprises de services, une des difficultés majeures est de garantir une qualité égale de prestation aux clients. Pour palier cette contrainte, le constat est que, contrairement aux pays en voie de développement, dans les pays développés, les canaux de distribution de la prestation des services sont de plus en plus virtuels (automates, Internet, téléphones…).

Toutes ces caractéristiques sont de nature à distinguer le service du produit. Mais de plus en plus cette distinction perd de sa force. Cela est d’autant plus vrai que l’immédiateté de la production et de la consommation est par moment nuancée. En effet, certains services se rapprochent des produits dans le processus de leur commercialisation, comme en témoignent les nouvelles techniques de marketing. C’est ainsi que pour les grandes consommations, il existe des cassettes (audio et/ou visuelles, des CD ROM…) pour compléter ou remplacer des services dont la consommation devrait par nature se faire sur place. Ces enregistrements permettent donc de différer la commercialisation des services en le rendant accessibles à une période différente de celle de leur production. De même, pour les produits, toute une gamme de service est développée pour accentuer leur commercialisation. C’est une forme de marketing en vue d’attirer la clientèle consciente de la facilité qui lui est octroyée pour l’usage du produit qu’elle achète (montage, service après vente…).

Un autre aspect est donc la naissance des entreprises qui développent à la fois des produits et des services, tendance qui fait naître la complémentarité bien-service. Cette association estompe de plus en plus la frontière de matérialité entre produit et service.

Cette liste de facteurs qui est loin d’être complète remet en cause la dichotomie entre service et produit. Pour avoir une vision plus large des services, une nouvelle approche est développée. Ainsi, SHOSTACK 1977 reprise par Eric VOGLER (2004, p 18) écrit : « un bien est défini comme la combinaison d’éléments discrets (ayant des limites précises) qui sont liés entre eux (comme une molécule composée d’atomes liés). Certains éléments relèvent d’une logique produit, d’autres, d’une logique service. En fonction de la dominance globale sur un bien d’une logique sur une autre, on peut placer le bien étudié sur un continuum (à gauche les biens à dominance produit, à droite ceux à dominance service) ».

Cette classification des biens sur une échelle à intangibilité croissante fut reprise et amendée par d’autres auteurs parmi lesquels SILVESTRO en 1992. Ces derniers proposent une figure sur laquelle ils mettent le volume de production réalisé en abscisse lequel ils matérialisent par le nombre de clients/jour/unité de production. En ordonnée, ils placent 6 variables liées les unes des autres et de directions similaires.

Il ressort comme commentaire au schéma ci-dessous, que tous les services n’ont pas le même degré d’intangibilité. Cela renvoi aux caractéristiques du processus de production propres à chaque bien considéré.

La réflexion théorique sur les services prend alors une autre tournure. Le service ne se résume plus à la négation du produit, mais devient un bien dont le processus de production est différencié.

Déjà en 1987, deux chercheurs français du nom de Pierre EIGLIER et Eric LANGEARD ont élaboré un mode de processus de production de service appelé modèle de servuction.

Dans cette modélisation, ils mettent en avant le fait que plusieurs ingrédients liés les uns aux autres sont nécessaires pour la production d’un service. De même, dans cette production, le client qui lui-même est actif dans le processus n’est en contact qu’avec la partie interactive qualifiée de front office (personnel de contact, équipements, système informatique). A cette partie s’oppose le back office (support technologique, de management opérationnel et fonctionnel).

Figure 2 : Matrice de Silvestro et al. (1992)
Figure 2 : Matrice de Silvestro et al. (1992)

Source : Eric VOGLER (2004, p20). Management stratégique des services