3.1.1. Dispositif de formation et construction d’une culture partagée

En effet, l’observation des pratiques de classe autour de ces deux activités scolaires, dont les séances que nous avons enregistrées donnent un échantillon assez caractéristique, révèle une culture professionnelle d’une grande homogénéité qui ne peut s’expliquer autrement que par « un héritage commun ». La question serait intéressante de savoir par qui ces enseignants sont formés et sur quel dispositif.

La mise en place d’un schéma de formation alternant la théorie à la pratique, la présence à la FASTEF et des stages sur le terrain, implique deux types d’intervenants : le formateur institutionnel et le tuteur. Même si les deux acteurs agissent sur un produit unique, la différence de position et de fonction appelle une différenciation des niveaux et du poids des apports dans la construction en cours. Il faut admettre en effet que

‘« dès qu’un corps de formateurs se constitue comme groupe de professionnels distinct du groupe de praticiens, dès que la formation devient un travail, une carrière, une expertise et une profession à la quelle on consacre l’essentiel de sa vie de travail, des intérêts particuliers émergent et engendrent un inévitable hiatus entre la théorie et la pratique, entre l’université et les milieux de pratiques » (Lessard et Bourdoncle, 1998, p : 15). ’

Les auteurs concluent que l’institutionnalisation d’une formation professionnelle se traduit par une division du travail entre formateurs et praticiens et engendre des univers qui obéissent dorénavant à des logiques distinctes, celle de la formation et celle de la pratique. Ainsi, les formateurs sont des enseignants spécialistes d’un aspect des savoirs disciplinaires (un champ de la littérature, de la langue etc.) ou des sciences s’intéressant à leur pratiques (didactique, pédagogie, sciences de l’éducation) et dont c’est institutionnellement le métier d’assurer l’encadrement et la préparation des candidats au métier d’enseignant. Garants d’un savoir professionnel plus ou moins générique, leur statut leur confère la responsabilité d’assurer le suivi et la validation de la formation qui se fait sur le terrain. Pour parler du profil général des formateurs des professeurs de français, nous faisons remarquer qu’au-delà des différences de statuts universitaires et professionnels, qu’elles apparaissent dès le recrutement ou qu’elles se forment au cours de la carrière, ils ont en commun d’être issus des corps des professeurs des lycées et collèges, lieux où ils ont construit une bonne partie de leur expérience professionnelle, d’être titulaires d’un diplôme professionnel délivré par la FASTEF (ex ENS). On voit à quel point ce diplôme constitue le liant qui donne sa cohérence au système. On le retrouve en bonne place dans les profils de la seconde catégorie des agents intervenant dans la formation initiale des professeurs.

Ce sont des professeurs de collèges ou de lycées auprès desquels l’institution de formation place les impétrants en position de stage. « Enseignants de métier » (Raymond et Lenoir, 1998 ; Lessard et Bourdoncle, 1998) pour dire « enseignants œuvrant dans le milieu scolaire », ils sont en interaction avec un contexte qui a ses spécificités, son public-élèves et ses exigences. Toutes choses qui les conduisent à développer « des compétences et des connaissances particulières qui découlent de l’expérience de la pratique » et que spécifie le milieu. Ils sont porteurs de savoirs pratiques contextualisés et situés. Analysant « la place et le ou les rôles des enseignants de métier en formation initiale des maîtres » Lessard et Bourdoncle (p : 12) soulignent ce qu’ils appellent « un impératif identitaire». Pour eux, l’intervention des paires experts légitimise la formation qu’elle ancre dans un processus de « socialisation professionnelle » en même, temps qu’elle favorise la « construction d’une identité du groupe » et qu’elle permet « une insertion douce dans le métier ». Cette légitimation peut passer par « un simple droit de regard de la profession » se manifestant à plusieurs niveaux sous la forme d’une implication indirecte. Le corps de la profession peut donc avoir un statut d’observateur dans les procédures de recrutement à la formation, de négociation des curricula, de délivrance des diplômes. Mais le plus souvent, cette implication touche à « l’épistémologie des savoirs professionnels » dans la mesure où « la participation des enseignants de métier se situe dans le contexte de la relation théorie-pratique ». Ce faisant, le corps de métier participe à la formalisation des savoirs pratiques ou d’expérience. A l’analyse, la présentation des profils des agents de la formation initiale nous conduit quasiment aux mêmes remarques que faisait Lang dans son étude sur la professionnalité des formateurs d’IUFM (2001). Il s’agit d’une articulation des deux pôles de d’activité enseignante avec une construction égale de connaissances théoriques et d’un savoir pratique et une forte inscription dans le métier d’enseignant dans laquelle « l’expertise disciplinaire pèse lourd et structure les champs d’intervention » (p : 97).

En effet, le dispositif s’appuie sur un curriculum marqué par une composante théorique doublement orientée, d’abord vers des connaissances pédagogiques générales centrées sur l’école, les théories d’enseignement et d’apprentissage, ensuite vers des connaissances centrées sur la discipline, les multiples dimensions du savoir disciplinaire et leur didactique. Disons pour être complet que la prédominance est du côté de la formation disciplinaire scientifique, suivie de la formation pratique didactique à travers laquelle s’acquièrent et se perpétuent les pratiques de transposition didactique des savoirs et les technique s’attachant à la conduite des activités scolaires. Arrêtons-nous sur les cas particuliers de la production écrite et de la lecture au collège.