Chapitre II : Didactique de la lecture littéraire et de la production écrite : une problématique de L’enseignement-apprentissage du récit de fiction au collège.

Les exigences des sociétés modernes justifient la place et le rôle fondateurs de la lecture et de l’écriture dans la marche du progrès humain. Aussi, toute entreprise œuvrant à la compréhension des processus qui sous-tendent leur appropriation et leur exercice, ou à favoriser leur acquisition, sera perçue comme un combat pour une plus grande justice sociale, contre l’une des pires formes d’exclusion et pour l’achèvement de la démocratie. D’ailleurs, devant les crises multiformes qui frappent les sociétés et dont les retentissements sur l’école sont douloureusement ressentis, la problématique du savoir lire et du savoir écrire est érigée au rang de grande cause nationale tant les convictions sont fortes que les solutions passent par cette voie. Selon Bouchard (1997, 2005), « la littéracie », que l’on peut sommairement définir comme les capacités à lire et à écrire, est « au centre des missions de l’école ». La didactique se définissant habituellement par rapport à l’école et ses enseignements-apprentissages, la didactique du français va donc poser les fondements de son identité par les travaux sur ces composantes de l’enseignement-apprentissage de la langue que l’importance amène à qualifier de « sous discipline». En l’occurrence, les concentrations temporelles des recherches et les centrations thématiques successives qui vont avec dénotent tout simplement de la réactivité des didacticiens de la discipline à agir en urgence face aux préoccupations sociales majeures qu’ont représenté le lire et l’écrire à différentes époques. C’est ainsi que des années 70 à 80, la didactique du français s’intéresse principalement à la lecture. La problématique de l’écriture s’invite à partir des années 80 avant de « s’imposer » comme sujet principal au début des années 90. Le milieu des années 90 correspond à l’avènement de travaux orientés vers des approches de plus en plus intégratives et de moins en moins cloisonnées des compétences lecturales et rédactionnelles. La didactique du français, tout au long de ces périodes, est essentiellement prescriptive. Apparemment, il y avait urgence à se mettre au chevet de l’école « malade de la baisse de niveau de ses élèves ». C’était en même temps, une manière d’intervenir sur un problème social plus général et plus profond : l’illettrisme. Au cours des années 2000, on assiste à la systématisation de l’analyse des pratiques professionnelles. Le dossier que la Lettre de l’AIRDF (Bernié et Goigoux, 2005) consacre à la question nous semble emblématique des tendances actuelles des recherches en didactique du français qui

‘« témoignent d’un besoin de mieux connaître les fonctionnements réels de l’enseignement du français, en substituant une logique de la description à une logique de la prescription » (Dufays, 2005, p : 10).’

Certes il serait faux de penser que l’évolution dans le temps et les focalisations thématiques sont aussi linéaires et aussi démarquées que ce travail de rationalisation le laisse entendre. En fait, les thèmes s’imbriquent et la marche est fort heureusement ponctuée par des mouvements récursifs. C’est pour dire que nous travaillons sur les résultats les plus saillants. Cette logique explique en partie le plan de ce chapitre qui traite de la problématique de la lecture littéraire et de la production écrite de récits de fiction au collège en trois volets en suivant le processus historique que nous avons décrit à grand trait jusqu’à un certain point avant de nous en démarquer. Ainsi, nous ferons l’économie des recherches en didactique de la lecture littéraire, de la production écrite et des interactions lecture-écriture en restant dans une perspective diachronique dans un premier temps. Dans un second temps, nous analyserons les problèmes spécifiques à l’enseignement-apprentissage de la lecture-écriture de récits de fiction. Le troisième point sera consacré à la question de la transposition en didactique des savoirs narratifs au cours d’activités scolaire de lecture littéraire et de préparation à la production écriture. Ce travail nous permettra de comprendre les grands mouvements qui ont traversé la recherche en didactique du français au sein de laquelle s’inscrit la DFLS. Sur un autre plan, il s’agira pour nous, plus que de procéder à un inventaire qui ne peut être qu’incomplète, voire très partielle, de situer notre travail dans lequel se retrouvent les quatre centres d’intérêt que nous avons recensés, mais qui, se distinguant de la perspective prescriptive, se caractérise par une orientation descriptive et explicative.