1.2.3. Au-delà de la rédaction traditionnelle, la diversification de la recherche en didactique de l’écrit

Nous proposons une synthèse dont nous reconnaissons dors et déjà qu’elle ne peut prétendre à aucune forme d’exhaustivité. Somme toute, la présentation serait complète si elle arrive à faire le point sur les différents courants qui animent la recherche en didactique de l’écrit.

Nous citons en premier la didactique d’intervention tant les travaux qui visent à proposer des méthodes, des démarches, des objets pour la diversification et l’amélioration des pratiques de l’écrit en milieu scolaire sont importantes. Ils ont quasiment investi tous les domaines et tous les sujets. Par rapport à la production de récits de fiction (Pratiques n°15, 16, 24 ; Charolles et al, 1989 ; Plane, 1994, Dumortier, 1998 ; Tauveron et Sève, 2005), la démarche repose sur la transposition didactique de savoirs mis au jour par la sémiotique littéraire, notamment la narratologie et la linguistique textuelle. Ce travail a principalement porté sur trois directions  qui ont toutes permis de former à la construction d’un « véritable récit » pour remplacer les productions sommaires et désincarnées qui caractérisaient les textes des élèves. C’est ainsi par exemple qu’à partir du schéma quinaire qui rend compte des étapes structurant l’action, on a cherché à développer une sous-compétence de planification et de mise en intrigue du récit. De la même manière, on a voulu faire travailler les sous-compétences d’insertion de séquences encadrées et de textualisation à partir de la structure compositionnelle et configurationnelle. Reuter (1996) évalue ainsi l’apport de la didactique :

‘« les modèles de la narration ou de la description, convoqués mais implicités dans la rédaction ont ainsi pu être formalisés. Des relations plus précises ont pu être théorisées entre les fonctionnements globaux et locaux : par exemple entre type de narrateur, temps et pronom » (p : 29).’

L’évaluation des productions écrites a aussi intéressé beaucoup de chercheurs (Masseron, 1981 ; Garcia-Debanc et Mas, 1987). En analysant les variables qui dominent dans les pratiques d’évaluation des enseignants, Reuter conclue à un mal entendu communicationnel et didactique qu’il interprète comme une sorte de « violence symbolique ». En effet, « à la demande d’un texte et d’une histoire, il est répondu sur la phrase, la surface, la microstructure, « les formes » (1996, p : 18). Le problème des pratiques de l’évaluation des écrits scolaires, c’est d’être une évaluation normative, partielle, standard et sommative (Garcia-Debanc et Mas, 1987). Si bien qu’elles ne favorisent guère les apprentissages par rapport auxquelles elles pourraient se révéler inhibitrices. Voilà pourquoi les auteurs préconisent une démarche d’évaluation formative, qui utilise l’évaluation non seulement comme un instrument de mesure des connaissances des élèves, mais surtout comme un outil de régulation des processus d’enseignement-apprentissages. Du point de vue de l’enseignant, l’évaluation formative constitue un levier important de mise en place, d’organisation et de gestion des conditions d’apprentissage. Et pour l’élève, ce serait un moyen de gestion métacognitive de ses apprentissages. Les instruments en seraient une d’ingénierie fondée sur la connaissance des dimensions de l’écrit, une prise d’informations sur le niveau de connaissance des élèves, et une grille d’évaluation partagée.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que les « prescriptions » didactiques s’accompagnent d’observation de pratiques. Aussi semble-il superflu de mettre une frontière entre la didactique d’intervention telle que nous venons d’en avoir un aperçu et la didactique descriptive surtout quand on sait que cette dernière ne vise pas moins l’amélioration de la qualité des enseignements-apprentissages. Mais on ne peut ignorer que la différence, qui se situe sur un plan épistémologique et méthodologique, se manifeste par un changement profond de perspectives. La didactique descriptive et analytique privilégie l’entrée par les apprenants dont elle cherche à comprendre et à agir sur les rapports à l’écrit (Barré de Mignac, 2000, 2002, 2004 ; Chiss, 2004, 2008 ; Penloup, 1992). Ces études mettent en avant la notion de littéracie « comme élément central de recomposition disciplinaire des études sur l’écrit » (Chiss, 2008, p : 165). On évoque, dans les présupposés d’analyse, les théories de Vygosky sur les fonctions médiatives du langage, de Bakhtine sur les genres premiers et seconds, de Léontièv sur l’activité en tant que l’écriture serait plus facilement perçu par les élèves comme une activité et d’autres travaux s’inspirant de l’une ou de plusieurs de ces théories. En affirmant « la nécessité de penser l’écrit pour les apprentissages » (Barré-De Miniac, 2005) et en mettant en avant les notions de représentation et de rapport à l’écrit, ces recherches posent l’hypothèse du rôle structurant de l’écrit dans le développement cognitif des apprenants et dans l’organisation des disciplines scolaires. Ce rapport peut être analysé sous trois entrées.

Cependant, travailler sur les rapports à l’écrit, c’est aussi interroger les dimensions de l’écriture en analysant dans un même mouvement, l’image du scripteur et du texte.

‘« Plutôt que d’opposer frontalement, dans les problématiques de l’écriture, un paradigme scolaire-linguistique-cognitif et un paradigme éducatif-socioculturel-communicatif, il me semble que la tension entre communicatif et cognitif constitue de fil rouge de l’examen des relations entre oral et écrit et du statut de l’écriture en didactique des langues » (Chiss, 2008, p : 166)’

La méthodologie s’inscrit dans la logique de la complexité des champs d’étude. Elle repose sur une intervention plurielle (Barré-De Mignac, 2002) car on doit prendre en charge tous les processus en jeu qui sont de nature physique, physiologique, psychologique, cognitif…