2.1. Transposition didactique et lecture-écriture du récit de fiction

Lancée par Chavallard au début des années 1980, la transposition didactique, redéfinie dans les années 1990 sous le nom de Théorie Anthropologique du Didactique (TAD), se présente comme un outil de modélisation des phénomènes didactiques (Joshua, 1997). Elle part de l’idée que la fonction spécifique de l’école est de favoriser la maîtrise de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être, on pourrait dire pour être redonnant, l’acquisition de compétences "techniques". C'est-à-dire le genre de compétence qui mobilise des ressources cognitives et des schèmes opératoires supérieurs dont l’acquisition demande l’étayage d’un expert, (Vygotsky, 1934/1985, Bruner, J., 1983). C’est la postulation d’un lien étroit entre l’identification des unes et la compréhension des processus de mobilisation des autres qui est justement à la base de la transposition didactique. Pour le dire plus clairement, de cette articulation, naît une entreprise humaine de transformation du savoir et sa domiciliation à l’école dans l’idée qu’il alimente les connaissances des élèves. Pour cela, on le « traite » pour faire ressortir un curriculum, un dispositif de formation. Encore pour être plus précis, prenons l’exemple de l’enseignement-apprentissage du récit de fiction. Pour que l’école favorise l’appropriation de compétences narratives par les élèves, elle se doit de penser les connaissances requises en termes de savoirs à enseigner (transposition externe). Or elle ne peut les « inventer », elle ne peut que les adapter. Encore faudrait-il qu’ils existent, qu’ils aient été produits et que la société les ait canonisés comme savoirs de référence. Ensuite, il faudrait que ceux-là à qui elle a confié cette mission les aient identifiés, qu’ils considèrent qu’ils doivent et peuvent être partagés, qu’ils les fassent migrer de leur habitat naturel, les transforment de manière à ce qu’ils soient enseignables et confient leur publication à l’échelle de masse à des enseignants (Chavallard, 1992, 1994 ; Durey, et Martinand, 1994 ; Johsua, 1997 ; Mercier, 2002). Mais cela ne suffit pas. Il faudrait surtout que l’école mettre en œuvre intentionnellement des outils pour leur enseignement (transposition interne). Et donc l’enseignement du récit de fiction, comme tout objet de savoir, postule, ainsi que le rappellent Dolz et Plane (2008), sa définition dans les missions de l’école, son élaboration même dans le curriculum et son opérationnalisation dans la classe. Pour toutes ces raisons, on ne peut que reconnaître « l’utilité de la transposition didactique » (Shneuwly, 2008). Mieux, il serait utile de revenir plus en détails sur ce processus pour expliquer en quoi il pourrait être un puissant outil de modélisation de l’enseignement-apprentissage du récit de fiction.