2.1.2. Transposition didactique et appareillage de la lecture et de l’écriture de récits de fiction

La transposition des savoirs en lecture et en écriture de récits de fiction nous met face aux mêmes problèmes que Manesse (1993) identifie dans l’enseignement du français : c'est-à-dire la transmission de savoirs de nature différente. Certains de ces savoirs sont « normés ». Ils réfèrent à des valeurs, on pourrait dire en poussant plus loin, à des codes précis qui fonctionnent comme un « savoir savant » qui exercerait une tension sur les savoirs enseignés. Lorsqu’on parle d’un genre littéraire à codification plus ou moins stabilisée (une fable, un conte merveilleux, voire un récit fantastique), ou d’un genre discursif spécifique (la description, la narration, le dialogue dans le récit) dont l’identité esthétique est figée dans un schéma prototypique littérairement, culturellement, scolairement instituée, on réfère à des objets considérés alors comme des « marques déposées ». Et l’institution scolaire comprise au sens large (l’école, ses programmes, son enseignement de la lecture littéraire et de l’expression écrite, les manuels scolaires) a beaucoup contribué à la « stabilisation » de ces savoirs. De la même manière, quand on parle de production écrite à l’école, on pense d’abord et avant tout à la reproduction correcte d’un savoir-faire normativement codé au moins d’un point vue formel (respect de règles orthographiques, lexico-grammaticales, syntaxiques et procédurales). Dans le même temps, cet enseignement cherche à transmettre des savoirs et savoir-faire à référence disparate, voire non spécifiée.Ce qui pose un problème de choix dans la pluralité des modèles, la variété et la variation des références qui court-circuitent l’institutionnalisation. Tel est le formidable paradoxe de l’enseignement des phénomènes langagiers. Aussi, là git le défi de la transposition des savoirs narratifs. Nous l’avons déjà dit, la transposition d’un objet de savoir savant ou d’une pratique d’expert en objet de savoir à enseigner est facilitée par ses possibilités de didactisation, c'est-à-dire la possibilité de sélectionner des contenus, de les simplifier, de prendre en charge leur changement de statut épistémique et de fonctionnalité en raison de la mise en relation avec le savoir-faire des élèves. Le problème c’est que jusque là, le phénomène transpositif est analysé sous l’angle du composant enseignement (curriculum et fiche préparation). Le composant apprentissage invite a aller plus loin dans la modélisation en tenant compte, au cours des conceptualisations des propriétés des savoirs, des difficultés qu’elles peuvent poser à leurs destinataires. C’est le prix de la mise en contact des modèles de pratiques avec les élèves et de leur appropriation. La théorie des textes est apparue en l’occurrence, comme une réponse provisoire, la locomotive à la demande de l’école pour sérier les savoirs nécessaires à la lecture et à la production de récits de fiction.

‘« Il est nécessaire en effet que les savoirs théoriques ou descriptifs puissent devenir des savoirs opératifs, à fonctions d’instructions mentales : ils sont donc en partie sélectionnés en fonction de la façon dont ils se prêtent à des tâches scolaires, des consignes, des mesures d’acquisition. Ils doivent pouvoir confronter et opérationnaliser la dimension d’enseignement, par leur possibilité d’être transposé dans d’autres textes sous forme grilles de critères pour le récit par exemple ». (Nonnon, 1998, P : 157). ’

C’est pour dire que le passage au statut d’enseignable astreint le savoir à des contraintes de désyncrétisation et de dépersonnalisation comme le souligne Chevallard, mais aussi à des contraintes de séquentialité et de programmabilité. On parlerait plutôt d'ingénierie de formation (Perrénoud, 1998) pour désigner la suite des opérations grâce auxquelles on passe de besoins à des objectifs puis à des contenus, ensuite à des dispositifs et des stratégies didactiques.