1. Les théories de la médiation sémiotique

Nous traitons des conditions de développement de compétences narratives chez les élèves d’un point de vue socio-historique et culturel, c’est à dire comme « un processus d’appropriation des expériences accumulées par la société au cours de l’histoire » (Schneuwly et Dolz, 1997, p : 27) sous la conduite d’un expert. En effet, il est difficile d’envisager le développement des compétences lecturales et rédactionnelles de récits de fiction dans leurs formes littéraires ou dans des formes qui s’en inspirent autrement qu’à travers le relais que constituent les activités médiées. Voilà pourquoi, tout en considérant la médiation comme une forme d’interposition entre une personne et un objet qu’elle cherche à comprendre, à connaître, voire à s’approprier (Vanhule, 2003) en vue de l’aider à atteindre cet objectif, nous estimons devoir contextualiser cette acception. Appliquée au champ de l’école, et pour ce qui nous concerne, à la didactique de la lecture-écriture de textes littéraires, généralement admis comme de puissants outils médiatifs entre l’homme et la culture, les mondes extérieurs et intérieurs, le savoir etc., la médiation recouvre des dimensions sociales et symboliques étroitement liées. Nous voulons dire que dans la pratique, les actions d’enseignement-apprentissage du point de vue de la didactique du français peuvent être conçues comme « la médiation organisée et systématique de textes, de discours et de connaissances langagières qui s’appuient sur une culture scolaire intériorisée » (Thévenaz-Christen, 2002, p : 54). A ce jeu, les activités scolaires de lecture littéraire et de production de texte semblent les plus emblématiques, elles qui nous mettent « face à deux processus de médiations articulés, imbriqués l’un dans l’autre : la médiation de l’enseignant en vue d’une maîtrise des actions discursives à enseigner et la médiation que constituent les textes ou discours » (p : 55). Dès lors, quand nous parlons de médiation, c’est pour désigner tous ceux et tout ce qui s’interposent entre l’apprenant et les objets du savoir, « et qui remplissent une fonction de structuration et de facilitation dans la construction des apprentissages » (Montadon, 2002). Cela signifie aussi que le contexte de notre recherche associe la médiation aux concepts d’enseignement, d’apprentissage et de développent. Autrement dit, la médiation se conçoit à l’intérieur d’un système didactique institutionnel tendant à permettre le passage d’un ou de plusieurs apprenants d’un premier niveau de connaissance par rapport aux savoirs et pratiques du récit, à un niveau plus élevé. Cette notion de passage ou d’évolution, sous-tendue par l’idée d’une transformation cognitive suppose qu’à la base, il y a une distance entre ce que savent les apprenants à un moment D (comme début) de leur apprentissage et ce qu’ils devraient savoir au moment A (comme arrivée). Le parcours de la distance, qui ne peut être effectué que par l’apprenant, est organisé dans une relation d’interaction avec les dits objets de savoir et avec un enseignant dont la responsabilité est d’en créer les conditions (Jonnaert et Vander Borght, 2003). Voilà pourquoi la médiation est étudiée dans ce contexte sous l’effet conjoint de l’action humaine, du rôle des objets qui justifient cette action et des dispositifs, démarches, procédés ou technique qui la rendent possible. On pourrait la définir provisoirement comme l’action d’un agent, d’un outil et d’un dispositif tiers tendant à réduire les distances, les tensions entre deux ou plusieurs instances (Coste 2009). Ces instances peuvent être constituées entre autre, par un individu et des objets d’apprentissage ou une technique, une œuvre. C’est pourquoi la médiation, associée aux concepts d’enseignement, d’apprentissage et de développement intègre la notion d’altérité.

‘« De part et d’autre, la médiation est un travail dans et sur l’altérité pour produire du changement. Mouvement de va et vient prenant en compte les zones proximales (effectives ou supposées) de développement, si on veut bien retenir cette désignation en en proposant, là encore, un usage étendu » (Coste, p : 169). ’

Trois dimensions ressortent de cette présentation : les situations et les outils de la médiation, les activités à l’intérieur desquelles elle se déploie, les formes à travers lesquelles elle se manifeste. Nous les analysons à partir des approches socioconstructivistes et didactiques