1.1.1. Médiations sémiotiques et développement de concepts scientifiques scolaires : une lecture de la théorie vygotskienne

Vygotsky défend l’idée que l’enfant est confronté à deux classes de savoirs qui jalonnent et favorisent son processus développemental. La première catégorie est constituée des « concepts quotidiens » ou « concepts spontanés ». Ils relèvent de ce qu’il appelle « les fonctions psychiques inférieures » dans la mesure où leur acquisition est étroitement liée à « la maturation des instincts et des tendances innées » (p : 158). Dans la seconde catégorie, l’auteur range les « concepts scientifiques, c'est-à-dire des concepts authentiques, qui sont incontestablement de vrais concepts » (p : 207) et qu’il convoque pour expliquer« le développement et l’activité des fonctions psychiques supérieures» (p : 152). Pour illustrer cette catégorie, il cite entre autres exemples la lecture et l’écriture, la grammaire, l’arithmétique, les sciences de la nature, les sciences sociales. On peut remarquer que ce sont des savoirs et pratiques de référence qui ont la particularité de faire l’objet d’une élaboration hautement technique et dont le caractère scientifique est socialement reconnu et valorisé. Leur transmission, historiquement et culturellement codifiée, se fait par le canal de dispositifs adaptés parmi lesquels figurent les dispositifs institutionnels.

En fait, un des principes fondamentaux de l’approche de Vygotsky est que les processus mentaux supérieurs sont profondément influencés par les moyens socio-culturels qui les médiatisent. (Wertsch, 1985). A la différence des concepts quotidiens, leur acquisition est donc liée à une force motrice « située non en dedans de l’adolescent mais en dehors ». Dit autrement, le processus d’appropriation des concepts scientifiques s’instancie dans des situations techniquement organisées à l’image d’« un enseignement délibéré » où les tâches que le milieu social propose à l’enfant, s’inscrivant dans des activités médiées, sont clairement orientées vers son développement comportemental et son « insertion dans la vie culturelle, professionnelle et sociale des adultes» (p : 158).  Cette introduction à grands traits de la théorie vygostkienne veut pour mettre en relief «la question du développement des concepts scientifiques chez l’enfant d’âge scolaire» (p : 207), plus en relation avec nos préoccupations et plus à même de vérifier l’hypothèse de travail relative à l’apprentissage scolaire dans ses rapports au développement cognitif de l’enfant.

‘« Nous devons nous attendre à ce que l’apprentissage scolaire se révèle au cours d’une étude spéciale l’une des sources fondamentales du développement des concepts enfantins et la force la plus puissante qui dirige ce processus » (p : 222)’

D’ici là, l’auteur développe une approche qui repose sur l’idée fondamentale que le développement intellectuel et humain est indissolublement lié à l'apprentissage qui ne saurait se réduire à une relation "privée" entre un enfant et un objet de savoir. C’est dire qu’il envisage le développement intellectuel par rapport à des situations éducatives marquées par l’intervention d’un adulte-expert pour aider l’enfant à s’approprier les savoirs, à les transformer en savoir d’action en mettant en œuvre des méthodes et techniques appropriées. Il faut comprendre que du point de vue de Vygotsky, les processus de développement ne coïncident pas avec ceux de l'apprentissage mais les suivent. A partir de là, il décrit les facteurs et conditions qui président à ce développement.