1.2. Médiations sémiotiques et fonctions didactiques des artéfacts textuels : entre matérialisation des savoirs narratifs et formatage de l’action didactique

Les paramètres des situations didactiques que nous sommes appelé à décrire amènent, pour ainsi dire, à corriger la perception courante de l’étayage, trop souvent réduit à « la référence à un entre deux » (Montadon, 2002). En effet, nous admettons avec l’auteur que

‘« L’étayage est requis là où le passage d’un lieu à un autre, d’un état à un autre, d’une position épistémique à une attitude par rapport au savoir comporte le risque d’une rupture, présente une discontinuité menaçante, et angoissante, pour l’équilibre psychique de l’individu apprenant » (p : 102).’

C’est pour dire que dans le jeu entre un enseignant et des élèves, l’entre deux est physiquement et symboliquement représenté par un objet de savoir dont la matérialisation à travers un texte renforce la présence, mais qui garde, quel que soit le mode de présentification (Schneuwly, 2000), une place et une fonction active. Le statut du savoir n’est donc pas neutre (Thibergen et al, 2007 ; Thibergen et Layal, M., 2007 ; Seck, 2008), il se positionne comme un pôle complémentaire de la médiation dont l’importance conduit à parler d’un entre trois. Il s’en dégage l’idée que dans une relation didactique, l’étayage s’inscrit dans « un double agenda, agir en relation avec les élèves […] et agir en relation avec les objets de connaissance mis à l’étude » (Chatel, 2001 : p.185). Ces objets étant toujours et nécessairement matérialisés par divers instruments, « présentifiés » par des techniques d’enseignement (Shneuwly, B., 2000) largement influencées par la spécificité des outils qui les représentent, il nous faut décrire les outils médiatifs des activités de lecture-écriture de récits de fictions dans leurs principales caractéristiques. En didactique du français, la notion d’outil désigne communément « tout artéfact introduit dans la classe de français servant l’enseignement-apprentissage des notions et capacités » (Plane, 2000, p : 5) spécifiques à la discipline. C’est dire que par rapport à la didactique de la lecture-écriture de récits de fiction, l’outil renvoie à « un dispositif matériel » composé de textes littéraires ou autres que l’institution scolaire, représentée par l’enseignant, introduit dans la classe en se fondant sur leurs capacités présumées à modéliser les savoirs qui s’attachent aux genres narratifs et à soutenir les apprentissages des élèves. Pour fixer le cadre d’analyse des fonctions médiatives de tels outils dans un projet d’enseignement-apprentissage de savoirs et de pratiques narratifs, nous faisons appel aux théories de la structure compositionnelle et configurationnelle du récit développées en linguistique textuelle (Adam, 1985, 1990, 1999, 2005) et en analyse du discours (Weinrich, 1973 ; Ricœur, 1983, 1884, 1985 ; Genette, 1983, 1987) qui fournissent une description des structures conventionnelles du récit et un cadre d’analyse de leur effet sur les compétences textuelles. Il s’agira pour nous de présenter les caractéristiques qui peuvent aider à comprendre les fonctionnements du texte-référent dans les interactions didactiques. Ce cadre se complète par la convocation de la théorie des schémas de contrôle développée par la psycholinguistique (Fayol, 1994) qui s’est penchée sur les fonctions cognitives de cette organisation normative et conventionnelle, et des théories didactiques fondées sur les approches génériques et typologiques qui se sont intéressées à l’impact des caractéristiques génériques et typologique du récit de fiction sur l’action didactique.