2.2.1. Processus d’enseignement-apprentissage et transactions autour du savoir : les valeurs de négociation et de coopération de l’action didactique

La TACD envisage le processus d’enseignement-apprentissage comme une « transaction didactique » impliquant un enseignant et des élèves, dont les objets transactionnels sont constitués des objets de savoir (Sensevy, 2005, 2007) et dont le processus est une action didactique conjointe, « c’est à dire nécessairement coopérative » (Sensevy, 2007, p : 15). Cette présentation introduit le premier fondement de l’action conjointe entre le professeur et les élèves autour des objets de savoir que nous définissons comme « une action sociale réciproque » ( Bange, 1995, p .71». L’action didactique est fondamentalement une action sociale partagée sachant qu’on peut lui rattacher un motif et une valeur au nom de laquelle elle est accomplie et qui « doit être reconnue par l’autre, doit pouvoir être partagée » (Charaudeau, 2004 : p. 263). C’est dire que l’action didactique, comme toute action sociale implique au moins un acteur qui s’identifie par une initiative, un but, qu’il se donne ou qui s’impose à lui, et un co-acteur dont la coopération rend possible la réalisation de ce but. Cet impératif en fait le lieu de relations et de négociations complexes où les co-acteurs et les objets de l’action se positionnent fortement. D’ailleurs, la métaphore de la transaction est interprétée dans un sens unique qui veut non seulement que l’action didactique se réalise collaborativement avec un partenaire, mais qu’en plus, la stratégie d’organisation du processus tende à satisfaire les attentes du partenaire.

‘« La théorie de l’action conjointe en didactique tente, […] de décrire une grammaire fondamentale des actions didactiques. Pour cela, elle propose de considérer la relation didactique comme un jeu. Dans l’ensemble des pratiques humaines, ce jeu est bien spécifique, puisqu’il met en présence un joueur particulier, le Professeur, qui gagne si et seulement si l’Elève gagne, c’est-à-dire apprend (Sensevy, 2008, p : 107). ’

Il faut donc accepter l’idée que les règles de fonctionnement de l’action conjointe en didactique sont marquées par ce que nous avons appelé une relation à trois où domine les gestes médiatifs du professionnel qui a la responsabilité de créer ses conditions de possibilité et d’efficience. Pour autant, l’efficacité de ces gestes ne se conçoit que complémentairement à ceux du bénéficiaire.

Ainsi pour qu’elle ait quelque chance de succès, la médiation suppose entre la partie apprenante, aussi partie guidée, et la partie enseignante, ou partie guidante, un projet commun (Cuq et Gruca, 2002) construit à propos d’un savoir, d’une pratique et articulé autour d’une intention d’enseigner et d’une volonté d’apprendre. Sans doute la communauté du projet n’est pas réductible à des intentions communes, ni à des intérêts communs, les motivations de l’enseignant n’étant pas identiques à celles des élèves et dans l’ensemble de la classe, les motivations des élèves étant relativement différenciées. Elle n’implique pas non plus une convergence des gestes, car dans le fonctionnement pratique du contrat, des attentes peuvent être déçues, des imprévus survenir, occasionnant des gestes divergents. Cependant, la communauté de projet, qui voudrait qu’il y ait un enseignant et des élèves pour inter-agir autour d’un objet de savoir exige une répartition des responsabilités relativement à sa finalité développementale. Revenant donc sur une de nos conclusions, nous pouvons affirmer que l’efficacité de la médiation de la partie guidante dépend principalement de deux facteurs. Le premier émane de la partie guidée et concerne la volonté, les connaissances préalables et les gestes par lesquels elle manifeste son engagement dans une co-action visant à lui faciliter l’appropriation des objets sus indiqués. Le second facteur dépend de la partie guidante et a trait aux conditions qu’elle met en place et aux actes qu’elle pose pour favoriser cette appropriation. Selon un mouvement continu de co-influence, la seconde catégorie de facteurs régule la première, qui, en retour l’informe et l’ajuste. Aussi soutenons-nous que l’idée de communauté de projet comme second fondement de la co-action dans la classe associe à la perspective didactique de l’action conjointe une dimension intersubjective portée, par de là les postures institutionnalisées des acteurs, par un contrat spécifique appelé contrat didactique (Brouseau, 1998). Il désigne l'intelligence des attentes que l’enseignant et les élèves ont respectivement de l’action de l’un et des autres, en ne perdant pas de vue que l’action des élèves dépend de celle du professeur à la quelle elle donne du sens.

‘« Une relation didactique suppose toujours une coopération fondée sur un système d'attentes réciproques qui constituent, avec le processus de leur production et de leur régulation, le point initial d'un contrat didactique : les élèves savent que le professeur attend qu'ils répondent à des questions dont ils ne savent pas la réponse, parce qu'en leur donnant la réponse (en les corrigeant) il pourra alors leur désigner le savoir qu'ils ignorent et qu'ils doivent étudier » (Mercier, 2001).’

On devrait ajouter que de son côté, le professeur sait que les élèves attendent de lui la mise en place d’un dispositif qui les rapproche de ce savoir et qui leur donne les moyens de construire leurs réponses.