Chapitre 2 : Un cadre méthodologique pour une analyse plurielle des effets de la médiation enseignante et textuelle

Après avoir défini les différents cadres théoriques auxquelles réfère notre approche, nous présentons notre méthodologie de recherche. Notre étude des conditions de développement de compétences narratives chez les élèves se fonde sur l’hypothèse que ces dites conditions dépendent des modalités d’organisation de l’action conjointe et du fonctionnement des pôles de la relation didactique. Or, une telle vision du didactique renvoie à la problématique des liens entre les processus d’enseignement et les processus d’apprentissage. Nous avons conscience que ces relations sont aussi complexes qu’elles sont difficiles à déterminer (Bru et al, 2004). L’explication est qu’il y a autant de facteurs propres au jeu didactique capables d’impliquer le processus d’enseignement-apprentissage que d’éléments extérieurs qui interviennent dans l’apprentissage des élèves. Cependant, si on veut mesurer l’efficacité de l’action didactique (Thiberghien et al. 2007), voire intervenir sur ses causes, il est fondamental de pouvoir observer, décrire et interpréter, avec autant d’exactitude que le permet la situation, ce phénomène social malgré toutes les incertitudes qui le singularise. Considérant « qu’on se trouve ici face à un défi central pour une partie du projet de connaissances des didactiques qu’on ne peut régler simplement en opposant à la preuve, impossible à produire, la convergences d’indices », Reuter soutient que « cela ne saurait s’effectuer sans préciser les méthodes de recherche qui paraissent les plus adéquates ». Et comme pour insister sur le fait qu’aucune méthode ne suffit à elle seule, l’auteur ajoute qu’un tel projet « ne saurait s’effectuer sans déterminer les croisements des modes de constitution de documents, de construction de données, de traitement et d’interprétation qui s’avèrent les plus féconds » (2006 : p.24). La conception de démarches et la construction d’outils fiables représentent, par ailleurs, le seul moyen d’objectiver le regard porté sur les responsabilités de l’école, les pratiques d’enseignement d’une discipline, d’une méthode, quant aux échecs des élèves, d’autant que ce regard reste encore largement tributaire des jugements d’opinion. Certes, les résultats que l’investigation scientifique rigoureuse permet de révéler peuvent recouper les opinions, mais alors celles-ci seront libérées de leur manteau de lieu commun, de la polémique qui stérilise la réflexion et, accédant au rang de vérités scientifiques, elles pourront servir utilement la communauté.

En attendant d’expliquer notre démarche dans les détails et de présenter nos outils d’analyse, nous voudrions préciser que pour contribuer à l’étude des pratiques d’enseignement dans leurs effets sur les performances narratives des élèves, nous avons choisi de passer par deux voies. Il s’agit de la caractérisation des interactions en classe (Clanet, 2005), exercice auquel nous nous livrons en décrivant et en comparant des conduites d’activités scolaires médiatisées par des textes littéraires référents et des textes de consignes destinés à appuyer l’action du professeur et à inciter celle des élèves. Ensuite, nous procédons à l’analyse des transferts opérés par les élèves lorsqu’ils sont placés en situation de production autonome de récits de fiction. Cette partie de notre analyse des processus de développement de compétences narratives en contextes scolaire se fait sur la base d’une approche longitudinale et comparative des compétences mobilisées pour prendre en charge les consignes de production. On imagine que cette méthodologie générale implique des démarches au croisement de plusieurs approches et des outils différents pour interpréter des données tout aussi différentes. Mais commençons par présenter ces données, les techniques utilisées pour leur recueil et pour la constitution du corpus.